Sans avoir la coutume des muguets, ces fleurs vertes serties de particules blanches qui égaient en Europe l’avènement du mois de Mai, celui qui débute en cette année 2021 fut la plus colorée de l’histoire des Sénégalais.
S’il en a été ainsi, c’est parce que les propos prononcés à cette occasion, qui coïncide aussi avec la fête annuelle du Travail, par un déchaîné Macky Sall ont battu tous les records d’inepties concentrées jamais sorties de la bouche d’un…charlot, en un seul discours.
Les vagues qu’il a irriguées furent si puissantes qu’elles continuent de secouer les fondements des chaumières sénégalaises.
Passons sur ses analyses sur les conseils tragi-comiques qu’ils donnent aux malheureux usagers incapables de payer les coûts exorbitants de l’autoroute à péage, modèle de complot contre les intérêts d’un peuple s’il en est, et qu’il renvoie, pince sans rires, vers une route parallèle «sans sécurité» comme alternative.
Oublions ses dégagements sur les financements de ces modes nouveaux de communication à travers le TER, les routes payantes et autres formules portées par des financements innovatifs.
Beaucoup parmi ceux qui l’écoutaient hier disserter de sujets si sérieux ont versé des larmes de désespoir. Tous, sauf lui, constataient qu’il avait déjà oublié sa grande affaire d’il y a moins d’une semaine, qu’il disait être l’emploi des jeunes, puisqu’il n’était entouré que des mêmes vieilles reliques syndicalistes, toutes engagées dans un défilé de tenues vestimentaires et de messages laudateurs pour lui faire la courte échelle. Presque pas un mot sur cette jeunesse ni de figures jeunes autour de lui….Qui peut faire confiance en un tel type pour convaincre les financiers internationaux à miser sur un pays où le raisonnement au sommet de la nation ferait sauter d’empressement à en découdre le plus minuscule des moineaux ?
Aussi charlot, charlatan que charmeur de serpents, clown démodé, Macky Sall n’a pas tenu en haleine le Sénégal hier en dehors de son boubou plus marinière que kaftan et surtout ses rires déplacés, inintéressants, à la cantonade, comme pour faire oublier la gravité du moment.
Dans un pays frappé par un chômage de masse sans précédent, où la criminalité urbaine grimpe, les suicides se multiplient même dans les villages les plus reclus, qui enregistre des morts par centaines, du fait d’une migration maritime meurtrière désespérée, il faut être lui, seulement lui, inconscient et irresponsable, pour transformer le rendez-vous annuel avec les représentants des travailleurs en une comédie-show du plus mauvais goût. Les pertes d’emplois et de pouvoir d’achat toujours plus profondes n’ont pas eu, bien sûr, le mérite de le ramener à la raison, aux réalités. Ni les sourds hurlements des pères de familles privés de salaires depuis des mois, ni les angoisses bruyantes de ceux qui, de la Poste à d’autres entreprises privées ou publiques, savent qu’ils ont le cou sur l’échafaud, ni encore les gémissements des mères de familles qui ne comptent plus que sur les révoltes populaires pour piller les étagères des supermarchés afin de nourrir leurs marmailles, transis de faim et de froid, de fragilités.
Tel un charmeur de serpents, faisant assaut de minauderies, Macky Sall n’avait pour objectif en s’évertuant avec maladresse à séduire son public immédiat pour mieux atteindre celui, virtuel, qui le suivait à distance, qu’à faire passer le grand message qu’il avait gardé sous son chapeau de prestidigitateur : dire à tous les Sénégalais qu’il allait être celui, le seul au monde, à réguler l’internet, c’est-à-dire à le censurer pour que plus personne ne puisse l’y attaquer.
Le visage hideux de l’homme s’est alors donné à voir. En particulier parce qu’il avait le sentiment d’avoir en face de lui des auditeurs disposés à l’accompagner, assure-t-il, dans sa croisade contre ‘les anonymes’ du net. Brosse à reluire bien en évidence, sourire carnassier au coin de la bouche, interpellant nommément tel ou tel autre syndicaliste, tous jaunes, il entreprit de donner l’illusion qu’il croit à la liberté d’expression et d’opinion, à la magie même de ce clic qu’il célébrait quand il cherchait le pouvoir, voici 9 ans. Avant de faire tomber son vœu : «aidez-moi à contrôler et traquer ceux qui derrière leur clavier, anonymes, détruisent des familles et personnes», soupira-t-il, dans son français bancal, en direction des représentants fayots d’une presse à genoux.
Retrouvons, ensemble, nos esprits. Alors que le monde entier fête demain, 3 Mai, la journée de la presse, qui fut lancée à Windhoek en 1991 grâce au militantisme d’une presse africaine alors revigorée par les mouvements pro-démocratiques naissants sur le continent à la suite de ceux ayant fait tomber deux ans plus tôt le Mur de Berlin, savoir que trente-ans plus tard la seule chose qui émane de quelqu’un qui se faisait passer pour un Président d’une nouvelle génération postindépendance africaine n’était rien d’autre que de concocter une loi bâillon contre les libertés permises par la révolution technologique, la techtonique des plaques, c’était déjà inadmissible. Voir des hommes de médias rester là à l’écouter, à boire ses paroles avec enthousiasme, heureux de la familiarité feinte qu’il leur accorde, devenait une source de grave inquiétude pour tous les Sénégalais. Sous leurs yeux, un complot est en cours qui n’a cependant aucune chance de pouvoir contenir la nouvelle menace du 21ème siècle : la liberté d’expression. Il est vrai que pour avoir déjà été enrôlée dans le projet d’Abdou Lô, le débyteur du Tchad, qui avait été payé des centaines de millions de francs Cfa afin de salir la réputation (déjà sale) d’Hissène Habré dans son procès contre des centaines de victimes de ses crimes d’ancien Président de ce pays, nombre de journalistes Sénégalais sont largement préparés à «accompagner » le Boucher de Dakar, Macky Sall, l’assassin des jeunes de notre pays, dans son nouveau projet : choper la tête des gens et des idées qui dérangent.
Tous nous convenons que la liberté est jumelle de la responsabilité mais de là à donner une once de crédibilité à l’entreprise de déconstruction des acquis sur le front des libertés publiques et individuelles, il y avait un pas à ne pas franchir. Passe encore que l’écervelé antidémocrate puisse l’imaginer possible, puisqu’il agit selon son niveau ectoplasmique mais que la presse Sénégalaise ait donné l’impression, sans le corriger sur le champ, qu’il pouvait freiner la marche inexorable de la plus grande des tendances lourdes de notre monde, sa digitalisation par les flux d’information que le net permet sur ses autoroutes, c’était le coup de massue que nul n’attendait à la veille de la journée de la presse.
Le show du charlot fut peut-être raté mais il laisse un goût amer dans la bouche de quiconque pensait qu’il y avait un avenir pour une presse dynamique, moderne, démocratique et crédible dans ce pays longtemps perçu comme le symbole d’une terre fertile aux idées et à leur confrontation.
Qui va dire à Macky Sall d’aller se rhabiller pour se préparer à faire face à des salves encore plus puissantes ? S’il en est l’objet, qu’il le sache, c’est parce qu’il a mal-gouverné notre pays et qu’il traîne des casseroles qui retiennent l’attention du physique au virtuel, et constituent la trame d’une histoire, l’ancre, que toute presse, techtonique ou classique, s’empressera de raconter.
Vive la magie du clic.
Adama Gaye*, auteur de Otage d’un Etat est un opposant au régime de Macky Sall qui vit en exil.
Le vrai charlot est un insulteur public de 70 ans nommé Adama Gaye, gravement dépressif dans son trou à rats du Caire (il paraît que tu te parles tout seul dans la rue) et pathétiquement mégalo en voyant sa vie ratée. Ndeyssane…