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Patrons de paresse !

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 Les temps sont incertains. Les nerfs à fleur de peau. La misère qui rend futile et évasif, tisse la toile de la vulgarité et des idées toutes faites. Il est tentant de proposer au public du prêt-à-penser. Nos médias ont donc la responsabilité de donner du sens à la profession, encore plus aujourd’hui qu’hier.

 

Le rôle des journaux et des émissions de radio comme de télé est certes d’éduquer et de divertir, mais il semble que c’est la masse qui guide les journalistes. Que demande le peuple ? Du pain et des jeux !!! Alors on leur en sert à satiété. Au nom d’intérêts commerciaux bien compris. Alors on tombe dans le sensationnel le plus vulgaire parfois et ce dans tous les genres de l’édition, que ce soit politique, sociétal ou sportif. Comment en est-on arrivé là ?

D’abord, il y a le marché et ses lois, dures parfois et là il convient de faire quelques comparaisons utiles même si ce n’est pas raison comme dit l’adage.

La presse quotidienne française nationale, on dit bien nationale, même s’il y a la presse quotidienne régionale, se résume grosso-modo à trois quotidiens pour 30 millions de lecteurs. Et pour une actualité politique, économique et socioculturelle autrement plus riche que la nôtre. Ici nous avons à peu près 20 quotidiens qui se disputent les faveurs de…70.000 acheteurs potentiels de journaux sur toute l’étendue du territoire sénégalais, avec une actualité qui tourne essentiellement autour du Maître du « JE », c’est-à-dire le président Wade. D’où un certain sensationnalisme pour s‘attirer les faveurs des lecteurs. Et c’est la course aux titres fulgurants et péremptoires qui se doivent d’être alléchants et attirants pour faire la différence.

C’est le glissement sémantique où l’on passe de l’info au spectacle, où toute « UNE » qui ne comporte pas Wade, Idy , Macky ; Karim, milliards, sexe, viol, lutte ou chanteur de variétés épousant une midinette, est destinée aux redoutés invendus. Loin d’être méprisant pour un certain genre journalistique, la presse doit-elle se laisser imprimer son rythme par la « peopolisation » galopante et la tyrannie du lecteur fouineur et friand d’histoires de lune de miel, de drague, de divorce, de potins de stars, de sang, … ? Un autre journal qui titre : « Abdou Guité Seck ne veut pas se prononcer« . Le titre évoquait évidemment la présidentielle ! Qu’apporte t-elle de plus, l’opinion d’Abdou Guité Seck ? Que représente t-il ? En quoi son avis peut-il être déterminant dans la marche du pays ?

Un des plus gros tirages de l’histoire de la presse au Sénégal est détenu par « Le Populaire » qui avait titré sur la maison de Mbaye Dièye Faye saccagée, avec photos à l’appui. Cette info, à l’époque avait nécessité un deuxième tirage dans la journée. Edifiant. A contrario, des journaux qui avaient banni le sensationnel de leur « UNE  » ont été voués à la disparition, comme le défunt titre « « Le Journal ». La « une » d’un journal se mérite et l’idylle d’un chanteur avec une midinette n’a rien à y faire.

On vous rétorquera que la loi du marché impose de faire du chiffre, puisque, c’est connu, la plupart des quotidiens appartiennent à des hommes d’affaires et non à des journalistes. Et qu’il faut vendre. On a donc les lecteurs qu’on mérite et on se met à leur niveau. Or, il est clair et certains journaux le prouvent, qu’il est possible de combiner informations et sens, respect du lecteur et rentabilité, qualité d’écriture et mission informative.

Certains diront que le ménage va se faire tout seul et que les bons journaux surnageront et que comme un tamis, le vide se fera de lui-même. Certes, mais se demande-t-on pourquoi il y a une profusion de titres, justement à l’orée de la campagne électorale qui va commencer ? Pour occuper un espace dont on sait qu’il va falloir brouiller le sens des choses et des mots. Qu’il va falloir divertir au vrai sens du terme. Il va y avoir une foire d’empoigne politique qui va correspondre à une foire d’empoigne médiatique. Il reste à souhaiter que les porteurs de sens aient raison sur les tenants du populisme médiatique et de la rentabilité à tout prix.

Les enjeux de notre pays sont énormes et ne peuvent se résumer à une course au titre. Les changements de mentalité qui s’opèrent sous nos yeux à travers les mouvements citoyens et les nouvelles exigences de notre population, devraient mener nos patrons de presse à prendre des paris sur le sens de leur mission et d’éviter d’être des patrons de paresse qui vont au plus facile et droit vers les instincts les plus bas. On est entré dans la quête du sens et non vers le rentable à court terme. Ceux qui l’auront compris, resteront au dessus du panier…que je n’ose appeler de crabes.

nettali.net

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