Des perturbations sont notées dans l’approvisionnement en eau de Dakar. Pouvez-vous revenir sur les origines de ces dysfonctionnements ?
Les besoins en eau de la ville de Dakar sont couverts à 40 % par l’usine de Keur Momar Sarr. C’est une unité qui fonctionne 24 heures sur 24. Les arrêts sont souvent liés à des réparations ou à la rupture dans la fourniture de l’électricité. Il s’est trouvé, dans la nuit de dimanche à lundi, qu’il y a eu une avarie sur une pièce métallique souterraine. L’usine ne peut pas fonctionner tant que cette pièce n’est pas étanche. Mais il ne s’agit pas de la même fuite qu’on a connue en 2013. C’est un tuyau qui laisse couler l’eau. Ce n’est pas compatible avec le fonctionnement normal de cette usine. Dès lors, il fallait mettre l’usine à l’arrêt et procéder à la réparation. Cette avarie a été à l’origine de l’arrêt de l’usine.
Aujourd’hui, nous constatons un retour à la normale. Est-ce que ce sera durable ?
Nous aurons une situation de distribution normale de l’eau tant que l’usine fonctionnera. Personne ne pourra dire qu’il n’y aura jamais d’incidence sur une unité technique. La seule chose que nous pouvons préciser, c’est que toutes les actions de maintenance sont mises en œuvre pour faire en sorte qu’il y ait le moins de pannes possibles. Nous assurons la maintenance des équipements pour qu’il y ait une faible probabilité de pannes. Toutefois, s’il y a une panne, tous les moyens techniques et humains seront mis en œuvre afin que les populations souffrent le moins de l’arrêt de cette usine.
Est-ce qu’il y a un dispositif pour détecter et anticiper les pannes ?
Oui ! Nous faisons de la maintenance conditionnelle. Cette maintenance permet, à partir de certains paramètres, de savoir qu’il y a une probabilité d’une panne sur un instrument ou sur un équipement. Maintenant, cette partie de l’usine a été identifiée comme un point faible depuis 2013. Les évènements de 2013 nous ont permis d’identifier un certain nombre de points faibles. Sur ce point, nous avons convenu, avec la Sones, de le renouveler. Le processus de renouvellement est en cours. Il s’agit de renouveler intégralement 7 parties de l’usine. Ce sont des parties sujettes à des pannes depuis 2013.
La croissance démographique va tirer les besoins de consommation en eau. Le Sénégal pourrait-il couvrir largement ses besoins dans un horizon plus ou moins proche ?
Dans plusieurs capitales régionales, en règle générale, on a suffisamment d’eau pour les populations. Je pense à Thiès, Kaolack et Ziguinchor avec les derniers projets réalisés par la Sones. Maintenant, il faut assurer la suite, parce que le taux de croissance est élevé au Sénégal. La ville de Dakar focalise toutes les attentions. Nous avons, avec le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement et la Sones, dessiné un schéma directeur d’alimentation en eau jusqu’à l’horizon 2035. Les projets de l’usine de dessalement, de la 3ème usine de Keur Momar Sarr, entrent dans cette perspective.
Aujourd’hui, où en sommes-nous avec l’autonomisation en énergie de l’Usine de Keur Momar Sarr ?
La Sde est en phase avec l’autonomisation en énergie de l’usine. Lorsqu’il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau. Les populations ne le comprennent pas. Nous allons, dans les prochains mois, répondre à une sollicitation du chef de l’Etat. Dans les villes comme Kaolack, Louga, nous avons 50 % d’autonomie. Dans une ville où il y a un seul forage, nous avons une autonomie à 100 %. Pour la région de Dakar, nous ne sommes pas encore à un niveau acceptable qui permet d’ignorer les difficultés d’approvisionnement en électricité.
N’est-il pas judicieux d’augmenter la capacité de stockage à Dakar ?
Oui ! Le quart des besoins doit être sous forme de stockage. C’est ce qui est recommandé. Dans les programmes précités, il est prévu l’augmentation de la capacité de stockage à Dakar. Certains parlent de stockage stratégique. Il faudra faire en sorte qu’il y ait trois jours d’autonomie en cas de panne, lorsque les points de production sont à l’arrêt.
Pouvez-vous confirmer que la qualité physico-chimique de l’eau consommée à Dakar est conforme aux normes de l’Oms ?
Cette qualité n’est pas partout conforme aux normes de l’Oms. La qualité physico-chimique dépend du support géologique de là où elle est prélevée. Dans la zone de Pout, nous avons des eaux ferrugineuses, à Thiadiaye, nous avons des eaux avec une teneur du fluor et parfois du fer en excès. Dans ces cas, nous faisons un traitement pour enlever l’excès ou procéder à la dilution, afin d’avoir un produit final conforme aux normes. Dans le plateau de Pout, du Sine, la Sones sa prévu de construire des usines de déferrisation et défluorisation. Nous avons mis hors service des forages qui avaient un excès de nitrate à Thiaroye. Le souci, c’est de fournir une eau respectant les normes de l’Oms.
La Sones et la Sde ont tiré les enseignements de la panne de l’usine de Keur Momar Sarr de 2013. En réalité, la capitalisation du dysfonctionnement du dispositif anti-bélier a permis de gérer, dans des délais raisonnables, les incidences survenues à l’usine le week-end dernier. Depuis 2013, l’Etat et le fermier ont adopté la démarche de l’anticipation de la gestion des éventuels pannes et dysfonctionnements. « Toutes les dispositions techniques ont été prises par le gouvernement pour circonscrire tout risque de défaillance du système », assure le Directeur général de la Sones, Charles Fall.
La panne de 2013 a ouvert la phase de diagnostic des vulnérabilités et de sécurisation des ouvrages névralgiques qui entrent en ligne de compte dans la sécurisation de l’approvisionnement de Dakar en eau. Parmi ces mesures, M. Fall cite : le remplacement du système anti-bélier, le renouvellement de la pièce en forme de w depuis décembre 2015 par la Sde sur financement de la Sones. « Il y avait aussi la construction d’un grand système anti-bélier. Des études ont été faites par un cabinet international sur financement de la Banque mondiale. Nous avons obtenu le financement des travaux du programme global par l’Agence française de développement. Nous avons lancé les appels d’offres », informe le Directeur général de la Sones. Le processus suit son cours. Le marché est attribué. L’ordre de service a été délivré. L’entreprise a démarré les terrassements et les travaux de génie civil.
Aussi le groupe électrogène de 900 Kva a été réceptionné pour l’usine de Nguith. Celle-ci assure la couverture de 10 % des besoins en eau de Dakar. « Elle fonctionnement avec des groupes motos-pompes. Il y a 5 groupes. Les deux étaient défectueux. Nous les avons remplacés. La réception du moteur de l’usine a été faite chez Caterpillar au mois d’octobre. Le couple pompe et moteur fera l’objet de réception le 14 décembre en France », a révélé le directeur général de la Sones qui a aussi fait savoir que les marchés pour la protection du dispositif cathodique ont été lancés.
Aujourd’hui, un transformateur de secours a été acquis pour faire face à toutes les éventualités. Le suppresseur joue un rôle clé dans la distribution de l’eau. « Nous avons investi aussi pour le raccordement de la ligne à la haute tension. Nous avons acquis un transformateur neuf pour le suppresseur de Mékhé », ajoute le Directeur général Charles Fall qui fait état de l’acquisition de bi-mètres.
A Dakar, le renouvellement de la vieille conduite est dans une phase avancée. Ces travaux contribueront à améliorer la distribution de l’eau à Dakar. La récurrence des fuites entraîne des pertes énormes d’eau. Cette conduite a été remplacée sur plusieurs kilomètres. Le processus va se poursuivre. « C’est une conduite qui assure l’alimentation du Haut et du Bas plateau de Dakar, une partie de Gorée ainsi que le remplissage des six réservoirs au sol », énumère Charles Fall. Du reste, la construction d’une troisième Usine à Keur Momar Sarr et celle de dessalement de l’eau de mer vont contribuer à sécuriser l’approvisionnement de Dakar en eau.
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