Où va le sucre destiné aux ménages sénégalais. Est-il détourné de son objectif ? Tout porte à le croire. En tout cas, depuis plusieurs jours, la presse fait état d’une pénurie de sucre au Sénégal sans précédent. Une pénurie qui ne dit pas son nom, car dans les magasins de distribution de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), le sucre est stocké à perte de vue. Un tour dans les magasins nous a permis de lever le voile sur la question de ce qu’on pourrait appeler «la guerre du sucre».
Le responsable des magasins à Bolloré Africa Logistique qui a accueilli, hier, la presse dans leurs magasins se dit étonné d’entendre parler de pénurie. Parce que, selon Mamadou Sambe, depuis le mois de juin, ils ont réceptionné plus de 4 navires avec 79.679 tonnes de sucre. Et à ce jour, ce sont 66.643 tonnes qui ont été livrées et il en reste toujours dans leurs stocks. «Nous gérons tout le stock du sucre via la Compagnie sucrière depuis le mois de juin. Depuis le 16 juin, il y a 4 navires qui sont importés. Le premier navire, c’est 9.952 tonnes. Le deuxième, c’est 25.921T. Le troisième 28.869 T. Et le dernier navire, c’est 14.955 T. Au total, nous avons reçu 79.679 tonnes de sucre dans nos magasins et à ce jour nous avons déjà livré 16.618 T», a informé Mamadou Sambe. Il a expliqué que «la livraison a été effective depuis le mois de juillet. Ce sont 66.643 tonnes qui ont été livrées et il y a présentement dans nos stocks, 13.656 T dans nos deux magasins et nous attendons les camions et les bons pour les livrer».
Aussi, s’interroge-t-il sur la destination du sucre livré tout indiquant : «C’est à cause de la réticence des commerçants qu’on parle de pénurie. Parce qu’au rythme où le sucre sort ici, nous livrons 800 à 1000 T par jour. Je me demande où est-ce que cela va. Depuis le mois de juin, il n’y a pas rupture de stock. D’ailleurs, il en reste dans nos magasins. Depuis 4 ou 5 mois, on travaille là-dessus et tous les jours les samedis et les dimanches et parfois la nuit on livre du sucre ».
79.679 T de sucre réceptionnées, 16.618 livrées, 13.656 T en attente
Lui emboîtant le pas, le directeur conseiller de la Css est convaincu que le bruit sur la pénurie est entretenu par des «saboteurs». «Depuis le mois de juin, ce sont eux qui ont la charge de distribuer à peu près les 80.000 T que la Css a eu à importer pour faire face au besoin du marché pendant l’interception. Il vous a parlé d’un rythme de vente de l’ordre de 800 à 1000 T/j. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en temps normal, c’est 400 à 500 T/j qui suffisent pour satisfaire le marché. Quand on en fait deux fois plus et qu’on parle de pénurie, on installe une confusion qu’il va falloir chercher à résoudre», a précisé Louis Lamotte.
Dans la même veine, il a souligné : «Il ne peut pas y avoir de pénurie. Il y a moins 13 000 T qui sont en attente d’être livrées. Il n’y a pas de bousculade au niveau des magasins. Il y a très peu de camions qui viennent. Nous attendons ceux qui ont envie d’acheter du sucre. Je ne peux dire que les commerçants n’ont pas acheté parce que les 1000T/j c’est bien à des commerçants qu’on les a livrées».
Louis Lamotte : « Ce bruit est entretenu par des acteurs qui ont envie de saborder le marché»
S’interrogeant sur la destination du sucre, M. Lamotte a expliqué : «La Css est en train de se battre pour résoudre cette équation, même si la distribution n’est pas de son ressort; mais de celui des grossistes et qu’ils savent qu’il y a une tension internationale sur le sucre».
Selon lui, la hausse des prix du sucre pourrait être une explication par rapport à cette situation et le fait que les pays frontaliers du Sénégal et qui ne produisent pas eux-mêmes leur propre sucre sont venus en chercher au Sénégal. «La Css ne leur vend pas du sucre, puisque la production de la Css est destinée aux ménages sénégalais mais ces pays étrangers parviennent à se servir à partir des commerçants à des prix plus rémunérateurs que celui du marché», a soutenu M. Lamotte.
Il a par ailleurs révélé qu’ils ont saisi le ministre du Commerce, il y a deux mois de cela pour «attirer son attention sur le fait que le rythme de consommation est anormal. Cela fait 42 ans que la Css distribue du sucre, on sait à quel moment il peut être anormal de constater des billets. Et on a constaté des billets dans la distribution du sucre. On a vendu 200.000 T de sucre depuis janvier. Le ministre nous a répondu qu’il allait prendre des dispositions pour vérifier. Mais il n’y a pas un arsenal juridique qui empêche un produit de sortir, surtout quand il sort vers un autre pays de la Cedeao, la Guinée Bissau ou la Gambie. Qu’ils essaient de régler
ce problème en essayant de sensibiliser les grossistes sur le fait qu’avant de servir les autres, il faut se servir soi-même».
Entre le 1er et le 10 novembre, 2.600 T de sucre ont été livrées à Touba
Accusant les commerçants d’avoir orchestré la rumeur du pénurie, le directeur conseiller de la Css de martler : «Ce bruit est entretenu par des acteurs qui en un moment ont envie de saborder le marché où de tirer une sonnette d’alarme sans justification simplement semer le trouble et obtenir de l’Etat sous la pression qui leur permettra d’acheter le sucre à l’extérieur et de le vendre à un prix qui serait hors de portée du marché où de le vendre en ne payant pas les droits et taxes qui sont dus à l’Etat. Nous refusons qu’on importe sans payer les droits de douanes.
Rien que sur ce produit, on a payé plus de 3,1milliards de francs Cfa. Si quelqu’un a envie d’acheter du sucre et de le vendre au Sénégal, qu »il s’acquitte de ses obligations comme nous l’avons fait. Mais, il n’y a pas de problème pour le marché», a-t-il indiqué. Il a, par ailleurs, fait savoir que toutes les dispositions ont été prises, depuis 10 jours, en relation avec les services régionaux pour «suivre au quotidien l’approvisionnement du marché de Touba. Et
entre le 1er et le 10 novembre, nous avons livré 2.600 T rien qu’à Touba. 2.600 T c’est l’équivalent d’un mois de consommation, nous l’avons fait en 10 jours et nous comptons maintenir cette pression pour qu’il n’y est pas de place pour la pénurie de sucre à Touba».
(Source : Le Populaire)