Pour domestiquer les éventuels traîtres dans les rangs du Pds et faire taire certains cadres libéraux susceptibles d’être en collusion avec l’ennemi, l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, avait commandité des audits financiers allant de la période de 2001 à 2008. Fort de ces résultats ayant fait apparaître des séries de détournements de deniers publics, de marchés de gré à gré et autres malversations financières, le candidat à un troisième mandat détenait ainsi une redoutable arme de chantage qu’il brandissait sur la tête de tout ministre, directeur de société nationale ou homme d’affaires bravant son autorité politique. Ou celle de son fils Karim pour le compte duquel il avait entrepris de dérouler le tapis de la dévolution « monarchique » du pouvoir.
C’est dans ce cadre que plusieurs ministères, sociétés et agences de l’Etat avaient été passés en peigne fin : Lonase, Isra, Plan Jaxaay, Sicap, Sn Hlm, Pad, Sones, Apix, Plan Reva, Commissariat Général au Pèlerinage, Aprosen, Fpe, Cosec, Senelec, Ads, Pna etc. Hélas, toutes ces opérations d’audits visant, dans les normes, à contrôler les dépenses publiques, assainir les finances publiques, sanctionner les malversations financières et promouvoir la bonne gouvernance n’étaient pour Me Abdoulaye Wade qu’un instrument de pression politique ou de règlement de comptes en vue d’un règne sans partage à la tête de l’Etat. Cinq ans après les audits 2008, les commanditaires n’auraient jamais imaginé que l’ « Arme 2008 » ou « Pakaa 108 Girodias » serait un couteau à double tranchant. Une bombe à l’effet boomerang qui a servi au nouveau pouvoir pour envoyer bon nombre de caciques et de satrapes libéraux en prison ! Et ce rien qu’en transmettant à la justice des dossiers des audits de 2008 que le Père Wade avait mis sous le coude.
Cela dit, à plusieurs reprises, l’actuel président de la République, M. Macky Sall, a eu à déclarer que ses propres audits à lui n’ont pas encore livré leurs conclusions. Il avait raison ! Eh bien, d’après les échos qui nous en sont parvenus, si les audits de 2008 avaient fait l’effet d’une bombe, ceux de l’ère Macky vont tout simplement constituer un Tsunami de l’ampleur de celui de Fukushima, au Japon ! Un vrai Tchernobyl financier. En effet, il serait interdit de communiquer les premières fuites de ces audits à des citoyens cardiaques. Et ce même s’ils sont épris de justice et de bonne gouvernance.
Sachez seulement que l’avant-goût amer des audits de 2012 nous renvoie au poète français Jean de La Fontaine. Et, plus précisément, à son célèbre poème « Le laboureur et ses enfants ». Lequel riche laboureur, sentant venir sa mort prochaine, avait fait venir ses enfants pour les inviter à retourner aux champs puisque seul le travail paie. Pour ce qui est des libéraux, sentant venir la fin de leur régime, ils avaient creusé, fouillé, bêché les comptes bancaires et les biens immobiliers et fonciers appartenant à l’Etat, faisant main basse sur tout ce qu’ils pouvait emporter avant une Alternance redoutée. Ils avaient dérobé les bijoux de la famille, pillé les biens et saccagé la maison de la République. À en croire une source judiciaire autorisée, les audits 2012 en cours sont encore plus scandaleux que ceux de 2008. C’est dire… « Le Témoin » vous donne un indice révélateur sur le degré des casses des caisses de l’Etat : Dans une édition récente en page « Bulles », notre dirpub Mamadou Oumar Ndiaye avait secoué le lièvre sans le poursuivre. Il révélait que durant l’entre-deux tours de la présidentielle 2012, un directeur général d’une société nationale voulait retirer les 5 milliards cfa qu’elle avait placés dans une banque de la place. Cette somme réprésentait le capital pour la création d’une banque nationale. Et comme Mme le Dg avait senti venir le déclin de l’empire Wade, il lui fallait sauver, voire évacuer, meubles et finances. Face à la résistance du directeur de la banque, elle avait fait intervenir Me Abdoulaye Wade. Peine perdue ! Informé, le leader de l’APR, M. Macky Sall, sûr de sa victoire, avait intimé au dg de la banque de ne pas céder sous les menaces de Me Wade. Et au cas où cette banque restituerait les 5 milliards fca, elle répondrait de ses actes devant la justice. Inutile de vous dire que les fonds sont jusqu’ici restés intacts au grand malheur des pilleurs de la République. Rien que cette histoire financièrement affreuse suffit pour vous donner une idée de ce qui s’est passé durant la période préélectorale de la dernière présidentielle, c’est-à-dire entre 2010 et 2012. Une période au cours de laquelle les caisses du Trésor ont subi le plus de dégâts. Et pour cause, cette période était celle de la mère des batailles pour les responsables libéraux qui dépensaient sans compter et pillaient sans retenue pour corrompre l’électorat. Et aussi assurer leurs arrières ! Les premiers résultats des audits 2012 en cours révèlent que la Senelec, la Lonase, le Pad, le ministère de la Femme, le Fpe, la Sn Hlm, le Plan Jaxaay, les ministères de l’Intérieur et des Forces armées etc. ont subi le plus de dégâts. Pour le Senelec, le prétexte des délestages a été utilisé à fond pour recourir à des procédures d’urgence. Lesquelles ont servi à régler les urgences financières des dirigeants des autorités contractantes ! Même chose pour les inondations et la mise en œuvre du Plan Jaxaay dont l’urgence justifiait qu’on ne recoure pas aux appels d’offres ! Profitant de cette atmosphère électorale où les institutions de régulation et de contrôle comme l’Armp et la Dcmp étaient presque inexistantes, les autorités politiques et autres hommes d’affaires véreux ont vidé les caisses de l’Etat pour remplir leurs coffres-forts personnels.
Certes, pour le président Macky Sall, l’audit 2012 a pour premier objectif de faire l’état des lieux c’est-à-dire identifier les faillites, localiser les zones de pillage, situer le degré de responsabilité des différents gestionnaires etc. Ils ont aussi pour but d’aider à récupérer ce qui peut l’être, par voie de justice. Mais bon, pour le moment, la justice n’a pas encore fini de nettoyer les caniveaux de 2008. Mais les dirigeants qui étaient en poste en 2012, que ce soit au niveau du gouvernement ou à la tête des sociétés nationales, ne perdent rien pour attendre !
Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1117 –Hebdomadaire Sénégalais (Mars 2013)