« Aujourd’hui une école à Conakry, hier en France, demain que serait-ce » ? disait LAYE Camara dans L’Enfant Noir.
Nos dépôts d’archives prennent feu sans que cela semble n’émouvoir le citoyen épris de transparence et de bonne gouvernance.
Nous avons vécu le cas des archives du tribunal départemental de Kédougou (sud est du Sénégal) suite aux évènements du 23 décembre 2008, celui de la mairie de Vélingara le 18 mars 2010 et récemment celles de la mairie et de l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) de Thiès et je pourrai citer encore. Demain on en connaîtra certainement et où ?
Ces incendies ou manifestations de populations en colère emportent très souvent nos archives, cette source irremplaçable car étant le trésor inépuisable du fonctionnement de nos administrations, de notre passé tout court.
L’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné NDIAYE, présidant l’ouverture de la semaine internationale des archives francophones le 19 octobre 2009 à Dakar, proclamait : « un peuple sans archives est un peuple sans histoire » et il ajoutait : « une bonne gestion des archives permet une transparence dans la gestion des affaires publiques ».
Alors la question qu’on peut se poser est de savoir pourquoi nos dépôts d’archives sont toujours victime d’incendie ou d’attaques de certains individus ? A-t-on pris conscience de l’importance des archives dans une société démocratique en développement ?
Répondre à une telle question nous amènerait à s’appuyer sur trois leviers : la méconnaissance des populations de l’importance des archives, le défaut de sécurisation des dépôts d’archives et une volonté inavouée de faire disparaître des traces (preuves).
1. La méconnaissance de l’importance des archives
Rafraichissons la mémoire à certains pour dire que les archives sont l’ensemble des documents quelque soit leur date, leur forme, leur support, produits ou reçus par une personne physique ou morale, un organisme public ou privé dans le cadre de ses activités.
Ces documents sont traités et conservés à des fins utilitaires. On se réfère aux archives pour se souvenir, pour prouver, pour étayer ou conforter une thèse.
Les archives ont un rôle social en ce sens qu’elles permettent à l’individu de se retrouver par rapport à son passé mais également de pouvoir se défendre en cas de litige ou contentieux en exhibant de tels documents source de preuve.
N’est ce pas le Président François MITTERRAND qui disait : « les archives de tous les pays, en gardant la trace des actes d’hier et leurs cheminements éclairent mais aussi commandent le présent. Ceux qui exercent une responsabilité savent bien qu’on ne définit pas des orientations dans l’ignorance du passé ».
C’est à partir des archives que nous pouvons savoir ce qui a été effectivement fait et ce qui reste à faire. Dans le cadre de la conduite des affaires, nous avons besoins de ces documents pour nous projeter dans le futur d’où l’intérêt de les traiter et de les conserver à l’abri de tout élément nuisible et destructeur.
L’une des conséquences de la disparition de certains registres de l’Etat civil de Vélingara a été qu’il fallait se rendre désormais à Kolda pour avoir ce document.
C’est dire que cette situation fruit d’une œuvre humaine a lourdement affecté les populations de cette localité.
On dit que « les archives constituent le miroir de notre culture, la mémoire de notre passé et le reflet de notre avenir » par conséquent apprenons à les sauvegarder.
2. Le défaut de sécurisation des dépôts d’archives
Nos archives souffrent d’un manque de sécurisation, il faut le dire et attirer en même temps l’attention de nos autorités sur l’urgente nécessité de remédier à une telle situation. La construction de dépôts de pré archivage répondant aux normes exigées en la matière doit primer dans les politiques de prises en charge des archives et des documents administratifs.
En ce sens, le Ministère de la Justice semble montrer la voie et j’ai à ce titre publié un article intitulé « la prise en charge des archives judiciaires, une préoccupation des autorités ministérielles », un article consultable sur mon blog dans seneweb.com.
Si je parle de défaut de sécurisation, c’est parce qu’en faisant le tour de certains édifices publiques et privés, le constat est que le local souvent réservé aux archives ne répond pas aux normes de sécurité. Parfois fois même c’est un vieux bâtiment en ruine qu’on transforme en un dépôt d’archives, la philosophie étant que ça appartient au passé. La raison voudrait justement qu’on leur accorde un traitement de faveur dès l’instant qu’on revient très souvent vers le passé pour se ressourcer.
Dans les pays où la culture archivistique est très développée, les Services d’Archives englobent une bonne partie du budget national et c’est parce qu’ils ont compris que les archives sont au début et à la fin de tout processus de démocratisation, de citoyenneté, de développement humain pour tout dire. Je dirai que les archives sont l’alpha et l’oméga, tout part et revient aux archives, cette richesse immense où dort un patrimoine parfois mal sécurisé, inexploité à la merci des moisissures et autres prédateurs.
Visitant les deux communes d’arrondissement de Thiès qui avaient subi la furie des manifestations du 25 avril 2012, l’ancien Ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales Cheikh Bamba DIEYE déclarait : « Les collectivités locales doivent être sécurisées et épargnées du vandalisme, car elles représentent le patrimoine de toute une cité à travers son état civil »
3. Volonté inavouée de faire disparaître des traces (preuves)
Le fait que nos dépôts d’archives soient la cible de certains individus en période de trouble, peut se justifier par cette volonté masquée de faire disparaître des preuves surtout pour ce qui est des extraits de naissance, des certificats de mariage, ou des actes de jugement rendus par les cours et tribunaux.
En tout état de cause, nous ne cautionnerons de tels actes contraires aux valeurs de civisme, de citoyenneté dans un contexte où la responsabilité incombe tous dans la gestion de la res publica.
Faire disparaître de manière inavouée des documents de preuve est un acte condamnable quelque soit le procédé utilisé et les raisons qui motivent cela.
Je reviendrai prochainement pour parler des dispositions juridiques et réglementaires prévues avec la Loi N° 2006 -19 du 30 juin 2006 relatives aux archives et aux documents administratifs.