Plusieurs fêtes de korité, et alors… par Khadim Ndiaye

Au Sénégal, certains ont décidé de rompre le jeûne vendredi, d’autres le samedi. La vie doit continuer dans la paix des cœurs. Le vivre-ensemble doit reprendre son cours. Certains s' »arriment » à la Mecque ou à des personnes sûres, d’autres sur des guides religieux en qui ils placent toute leur confiance. Il n’y a problème que si les uns fustigent les autres pour ne pas avoir rompu le même jour qu’eux. Penser avoir raison et dire des autres qu’ils ont tort, équivaut à ce que le philosophe allemand Nietzsche appelait la morale du ressentiment, la morale des faibles.
Une des sagesses profondes de l’islam c’est le pluralisme des points de vue et des…références. Le corpus textuel le veut ainsi. Que chacun souhaite à son prochain une bonne fête et que les bonnes relations soient entretenues. C’est cela l’unité. Imposer une seule fête à tous, c’est cela l’uniformité. En Gambie ou en Arabie Saoudite règnent l’uniformité. Il suffit que la main de fer qui dirige ces pays saute pour que ces pays partent en vrille. En Islam, Dieu seul est UN, tout le reste est projeté dans la multiplicité.
Maintenant, un État responsable tenant compte de la pluralité des obédiences et des points de vue, ne devrait accorder qu’un seul jour de fête par personne. Si quelqu’un rompt le jeûne le jeudi, il doit aller au travail le vendredi. Il ne doit nullement s’absenter le vendredi au motif que d’autres musulmans fêtent le vendredi. Voilà comment, à mon humble avis, doit réagir un État qui prend les devants et qui est en phase avec les spécificités religieuses du pays.
L’unité telle que nous la concevons généralement est un leurre. Les musulmans respectent généralement en commun les cinq fameux piliers. Et encore! Le reste est généralement sujet à interprétation. L’islam est une religion de divergences. Dieu et son prophète Muhammad l’ont voulu ainsi. « Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté » dit le Coran. « Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les actions bonnes. Tous vous retournerez à Dieu. Alors, Il vous éclairera au sujet de vos divergences. »
Le Prophète a, de son côté, sanctifié en quelque sorte ces divergences: « Les divergences de ma communauté sont une miséricorde ». Ces divergences existeront jusqu’à la fin des temps. L’unité n’est pas dans le fait de fêter en même temps; elle est plutôt dans l’acceptation des différences. L’unité c’est le vivre-ensemble tout en s’accommodant des différences.
Khadim Ndiaye