LE QUOTIDIEN – D’un côté, il y a le Conseil d’administration contre la direction de la Sodav. De l’autre, l’Association de l’industrie musicale (Aim) joue sa partition contre l’Association des métiers de la musique au Sénégal (Ams). Une décision et une vilaine bataille d’opinions qui cachent encore bien de secrets. Analyse de ce qu’il convient d’appeler la crise de la Sodav.
Précisons d’abord que ces propos ne sont pas pour dénoncer une stratégie de légitime défense d’un camp ou de l’autre. Mais cette stratégie semble bien entrevoir une démarche de manipulation. Manipulation de la presse et de l’opinion. Depuis plusieurs jours en effet, les médias sont investis par les membres des deux camps aux prises dans ce qu’il est convenu d’appeler la crise de la Sodav. Le moment s’y prête, et il est vrai, on ne peut fermer la porte à qui que ce soit. C’est le rôle du journaliste de donner l’information, surtout la bonne. Mais il faut bien constater que dans cette affaire de la Sodav, il s’agit bien d’une bataille qui se livre d’un côté entre la présidence du Conseil d’administration et la direction de la Sodav, puis de l’autre entre l’Association des métiers de la musique au Sénégal (Ams) et l’Association de l’industrie musicale (Aim). Après que le Conseil d’administration et la direction de la Sodav ont lancé les hostilités, l’Ams et l’Aim jouent sur les stratégies de défense.
Avant-hier, presque à la même heure, toutes les deux associations étaient face à la presse à des endroits différents pour, disent-elles,«communiquer». Pourtant, dans ce conflit ouvert, ce feuilleton nauséeux que l’on déroule devant l’opinion publique, il y a beaucoup de manipulations. Manipulations d’un côté comme de l’autre. Et lorsqu’on prend du recul pour lire entre les lignes, l’on se rend bien compte qu’il ne s’agit là que d’une bataille d’opinions sans merci entre des personnes, en attendant que la vraie guerre n’éclate.
Jamais dans l’histoire culturelle de ces 15 dernières années au Sénégal l’on a assisté à des scènes aussi tristes que celles qu’on observe aujourd’hui dans les rangs de nos hommes et femmes de culture. Qu’est-ce qui a alors véritablement changé ? Ils affirment tous qu’ils se battent pour le bien et avancer la chose culturelle. Alors qu’en réalité, chacun de leurs actes montre qu’ils ne visent que leur propre bien et faire évoluer les choses dans un sens qui leur est favorable.
Sans être un oiseau de mauvais augure, ni passer pour le mauvais prophète, cette année déclarée «année culturelle» avec un budget de plus de 27 milliards réserve encore bien de tristes feuilletons du genre. Le feu qui couve dans les associations, les lobbies et les structures culturelles de notre pays réservent encore des surprises. Et il faut s’y prendre garde. Chacun a des appétits inavoués qu’il affiche à sa façon devant l’opinion comme une réelle profession de foi.
La presse comme caisse de résonnance
Et dans cette guerre pour se rallier l’opinion, les pages «Culture», jusque-là «parent pauvre» de nos médias, sont investies pour des confessions intimes. Chacun arrive avec des arguments très solides pour dénoncer, médire ou critiquer l’autre. Et cette fois-ci, cela se fait même à visage découvert. Ce n’était souvent pas le cas. Mais le jeu en vaut la chandelle. Puisqu’il y a beaucoup d’enjeux au sein du ministère de la Culture et de la communication. Désormais, tous les coups sont permis. L’essentiel pour ces «supers défenseurs des artistes», c’est d’atteindre les objectifs escomptés. Il revient donc à nous autres journalistes, très souvent manipulés au point de devenir par moments «des taches noires» dans la belle sauce culturelle, de savoir reconnaître la bonne graine de l’ivraie. La tâche ne sera certainement pas facile, car les proportions que prend déjà cette affaire de la Sodav n’est en réalité que la face cachée de l’iceberg.
Il faut bien noter que dans sa lettre de révocation, le Conseil d’administration reproche entre les lignes au directeur sortant de la Sodav la persistance de son refus de reconnaître l’autorité du Conseil et sa volonté manifeste de réduire les inquiétudes légitimes dudit Conseil à une querelle personnalisée entre le Pca et lui. A la lecture de ces passages, doit-on donner raison à ceux qui disent que «la révocation pour faute lourde» de Bouna Manel Fall ne résulte que d’un problème de personnes ? Tout semble le faire croire. Pourquoi ce Conseil d’administration, en envoyant toutes les pièces à conviction de cette affaire à la presse avant-hier, n’a-t-il pas envoyé la première lettre de demande d’explications 002/ Pcas/2017, adressée à Bouna Manel Fall, ainsi que sa réponse afin d’éclairer l’opinion sur les griefs formulés à son encontre ? En l’accusant de «refus obstiné de fournir des explications claires sur les sommes perçues indûment sans l’aval du Conseil d’administration et en dépit de ses mises en garde successives, l’absence de tout signe d’amendement sur les fautes lourdes de gestion commises en l’espace de trois (3) mois, le ton peu courtois à l’adresse du Conseil», Ngoné Ndour et ses amis auraient pu aller jusqu’au bout de leur logique en mettant en copie la réponse de Bouna Manel Fall. Cela éclairera mieux encore cette affaire. Une chose est sûre, il reste des zones d’ombre à élucider par rapport à cette révocation.
En outre, il convient de se rappeler que dans sa bataille pour se rallier l’opinion, l’Aim était montée au créneau pour crier au complot dimanche dernier, alors même que le courrier de révocation n’avait pas encore été transmis au concerné. Il ne l’a été que le lundi 13 février. Pourquoi alors l’Aim est allée si vite en besogne ? Le président de cette structure va même jusqu’à indexer des autorités du ministère, Aziz Dieng et Abdoulaye Koundoul, les soupçonnant d’être derrière cette manœuvre. Qu’est-ce qui explique cette audace ? N’est-ce pas là encore des problèmes de personne ? Aussi, Bouna Manel Fall est-il véritablement exempt de reproches au point de mériter que l’Aim se constitue en bouclier dans son bureau ?
La manipulation
Ces préoccupations méritent réponses pour édifier une opinion assez manipulée. Plus surprenant, alors que l’Aim demande une médiation du ministre de la Culture et de la communication pour tenter de régler le conflit, les membres de l’Ams sont montés avant-hier au créneau pour, disent-ils, «soutenir la décision de révocation de Bouna Manel Fall par le Conseil d’administration». Au même moment, l’Aim envoie une demande de couverture pour protester et faire des déclarations dans l’enceinte même de la Sodav. Zeynoul Sow et ses amis sont-ils en droit d’exiger de cette façon le maintien au poste de Bouna Manel Fall contre la décision du Ca ? Hier, le personnel de la Sodav, à travers un communiqué, s’est, à l’instar de l’Ams, plié à la décision du Conseil. Une note de plus qui vient égayer la triste mélodie qui se joue autour des droits d’auteur et droits voisins.
Une chose est sûre avec cet enchaînement de faits : on découvre le vrai visage de deux associations qui, toutes, disent se réunir pour défendre les intérêts des artistes et créateurs, mais qui, sur cette affaire, sont divisées. On se surprend aussi à découvrir que le Conseil d’administration et la direction de la Sodav n’étaient pas en odeur de sainteté, alors même qu’ils se sont mis il y a quelques semaines autour d’une table pour décrier la gestion de l’ancien directeur du Bsda, Mounirou Sy. Cela s’appelle de l’hypocrisie. La pire forme de mesquinerie qui, aujourd’hui, entraîne à toutes ces difficultés au sein de la Sodav. A voir cette bataille ouverte, l’on est aussi en droit de se demander qui de l’Ams ou de l’Aim représente réellement les intérêts de nos créateurs. Qui du Conseil ou de la direction de la Sodav est dans la vérité.
Le rôle du ministère de la Culture et de la communication
La présidence de la République et le ministère de la Culture et de la communication, en particulier, sont invités à rencontrer les différentes parties dans ce conflit afin de trouver une solution. Mais comment Mbagnick Ndiaye va-t-il s’y prendre face à ces «lobbies» présumés du secteur de la culture ? Saura-t-il trouver un consensus et éteindre ce feu qui brûle de mille flammes ? En tout cas, on se souvient qu’il y a quelques semaines et, en sa présence, le secrétaire général de son département, Birane Niang, invité à réagir sur la non-distribution des redevances, avait bien signifié que «si la Sodav ne distribue pas les droits d’auteur qui sont récoltés, c’est un problème de la Sodav». Il avait à cette occasion rappelé que cette structure est devenue une société de droit purement privé et que le ministère n’a joué qu’un rôle de coordination pour finaliser un processus. Avec ces rebondissements, que fera le ministère dans le cadre des rapports qui doivent exister entre une société privée et sa tutelle ? Le ministère maintiendra-t-il cette position de neutralité, affichée par son secrétaire général, face aux affaires de la Sodav ?
Au final, quels sont en réalité les intérêts de l’Aim qui fait beaucoup de bruit au point de secouer des «lobbies» ? Pourquoi l’Ams qui dit s’ériger en sentinelle de la Sodav et protéger la gestion des revenus des ayants droit, sans attendre l’arbitrage de la tutelle, déclare-t-elle qu’elle «considère la révocation de Bouna Manel Fall (comme) justifiée» ? N’est-ce pas là une prise de position trop hâtive ? L’Ams affirme également «ne pas militer pour une personne, mais pour l’ensemble des artistes». N’est-ce pas une manière de signifier indirectement à l’opinion que l’Aim roule pour Bouna Fall ? Eux, de leur côté, roulent-ils pour le Conseil d’administration ? De toute évidence, cette bataille d’opinions n’est pas finie… Il y a urgence pour une Assemblée générale des artistes musiciens et de tous les acteurs et créateurs d’œuvres de l’esprit.
lequotidien.sn
C’est au ministère de faire preuve d’objectivité (ce dont nous doutons, vu le parcours et les intentions affichées de certaines familles qui font du lobbying). Avec cet article, les « journalistes » du Quotidien posent des questions et demandent des éclaircissements sur des pratiques équivoques de part et d’autres. Le Quotidien sait à l’instar des sénégalais que certains sont mieux placés aux yeux du Président pour diligenter « La Culture » et la Musique (je ne dis pas le Mbalax). Personne ne leur dispute le Mbalax, mais La Culture est assez sérieuse pour mériter une meilleure gestion. C’est au chef de l’Etat à travers son ministre de donner le ton. Un autre ton différent des distributions de privilèges donnés à des personnes qui n’ont pas fait preuve de compétence dans la gestion de la Culture. Ces instances demandent et mériteraient des mandats courts, des contrôles et des contre pouvoirs efficaces. Le reste n’est que bavardage et coups bas. Et sur ce point les mbalax sont trop bien fournis. Le silence des groupes comme « Y En A Marre » et autres groupes de Rapp est assourdissant à ce propos. À suivre