L’art d’utiliser l’assemblée nationale comme arme de destruction rêvée d’opposants ! Pour éliminer des adversaires directs, nos politiciens ont pris l’habitude de se servir d’institutions que l’on dit prestigieuses pour parvenir à leurs fins. En 2008, Abdoulaye Wade, Président de la république, avait converti le Parlement en soldatesque pour tuer un fils d’emprunt impertinent nommé Macky Sall. Celui-ci avait eu l’outrecuidance de demander des comptes au fils biologique – Karim Wade – à propos de sa gestion de l’Anoci.
En 2015, Macky Sall, président de la République élu depuis trois ans et demi, n’a pas fini de traquer les résidus de puissance encore aux mains de son prédécesseur. La surréaliste partie de poker menteur interne au Pds et pour laquelle le très fragile président de l’assemblée nationale Moustapha Niasse a été cloné en bras armé de son tuteur, en est une preuve.
Jusqu’ici, nous pensions que les groupes parlementaires avaient d’abord et avant tout une légitimité politique émanant des partis qui en sont la tutelle. Nous pensions également que la constitution de ces mêmes groupes était un préalable à la formation du bureau de l’assemblée nationale. Mais il semble que le Président de la république et ses partisans soient beaucoup plus érudits que tous ceux qui tiennent un discours contraire sur la nature des événements ayant « ensanglanté » l’hémicycle ces derniers jours ! Résultat : on a assisté à un ridicule récital de noms et prénoms de ceux que le Palais voulait dans le bureau !
Dans les faits, les manœuvres politiciennes qui ont écarté la liste d’Aida Mbodj pour celle de Mamadou Diagne Fada ont accouché d’une jurisprudence attentatoire aux libertés reconnues à chaque parti politique. Désormais, le pouvoir exécutif peut utiliser sa majorité machinale pour désigner qui doit être – ou non – président d’un groupe parlementaire d’un parti confronté à des divergences politiques internes au sein de l’hémicycle.
Cette ingérence flagrante dans les « affaires intérieures du Pds », Fada n’aurait jamais dû l’accepter et la cautionner, même au risque de perdre les avantages matériels et financiers que procure la station de président de groupe parlementaire. Sa communication (presque) passive qui a laissé des députés du régime défendre sa cause a pu donner le sentiment qu’il était mal à l’aise dans la posture du « pion » auquel la « victoire » a été promise.
La légitimité politique qui sous-tendait son combat en faveur de réformes institutionnelles au sein du Pds est ainsi écornée par des accointances troublantes avec le régime, pour dire le moins. Un soutien empoisonné qui l’éloigne autant de l’appareil significatif du parti que de la base radicale des libéraux décidés à en découdre avec Sall. Dans cette logique, son exclusion du PDS – ou une mise à l’écart de fait – ne saurait tarder, le transformant en « héros » dans un premier temps, puis en opposant ordinaire.
En lieu et place d’une modernisation des pratiques politiques, nos gouvernants aiment à se complaire dans des coutumes « ceddos », la bouffonnerie en plus, l’honneur en moins. Par cette affaire-ci, pure politique de vengeance, on en revient encore à ce système de double intention qui caractérise Macky Sall : régler des problèmes crypto-personnels avec les moyens qu’offre le pouvoir sans avoir l’air d’y toucher, mais sur fond de promotion de pratiques peu orthodoxes de la politique. A la guerre comme à la guerre… On peut bien gouverner dans la rancune mais cela a un coût : ringardiser des institutions déjà à terre ! Qui nous promettait naguère rupture, sobriété, modernité… ?
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