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Pour la conquête de l’espace communautaire: L’Etat subventionne illégalement 6 milliards à Suneor

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Le gouvernement du Sénégal a multiplié les mesures protectionnistes comme l’accord d’une subvention discrète et illégale de 6 milliards à Suneor pour lui permettre de faire face à la forte concurrence ivoirienne. Et les négociants sénégalais en ont pâti avant que l’UEMOA ne dénonce cette subvention.

La fermeture de West Africa Commodities est le couronnement d’un duel fratricide entre deux géants aux grandes ambitions pour la conquête d’un marché de 250 millions de personnes. Dans cet espace communautaire en construction dont les enjeux restent énormes, c’est le négociant sénégalais, West Africa Commodities (Wafcom) qui a souffert de la montée en puissance du géant ivoirien au sein de l’Union économique et monétaire ouest africain (UEMOA). Le groupe Advens, propriétaire de Suneor et propriété d’Abbas Jaber, a multiplié bien sûr tous les subterfuges pour sauvegarder le marché national dans une communauté libéralisée et contenir l’avancée de son super concurrent (Sifca). En effet, la maîtrise du secteur de l’huile alimentaire a pollué dernièrement les relations sénégalo-ivoiriennes avec en toile de fond un vaste lobbying commercial, juridique, sanitaire et politique entre les deux poids lourds qui ont recours à une panoplie d’armes économiques, de stratégies bien pensées et de réseaux politiques influents dont l’enjeu est la conquête du marché, en pleine expansion, des huiles alimentaires avec comme arbitre l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).

Dans un contexte de libre-échange supposé et d’intégration économique souhaitée, l’espace communautaire semble assez restreint pour ces deux groupes qui se livrent un combat fratricide pour assurer le rôle de monopole. Et à quel prix ? Abbas Jaber attaque sur plusieurs fronts et bénéficie de façon « arbitraire » du protectionnisme de l’Etat sénégalais pour essayer de contenir l’expansion de son concurrent qui fournit également de l’huile à Wafcom. Une façon de vaincre la concurrence… à la source pour préserver, « à n’importe quel prix et au détriment des nationaux qui ont investi leur argent », sur le marché national. Et le groupe gagne surtout des parts de marché au Sénégal.

Pour étouffer son concurrent, les pressions se multiplient sur Sifca. Une façon « très intelligente et réfléchie » pour atteindre également Wafcom et les autres négociants sénégalais qui « osent commercialiser » l’huile de palme dans un pays où Abbas Jaber a « tissé un vaste réseau de lobbying politique et financier ». L’Etat du Sénégal accorde une subvention discrète à la Suneor pour essayer de contenir l’avancée commerciale de leur concurrent. Officiellement, les autorités sénégalaises ont déclaré « 1 milliard de Franc Cfa » pour « faire face aux flambées des prix des denrées de première nécessité comme le riz, le lait, la farine ». Mais, l’Etat du Sénégal a été pris en flagrant délit de mensonges par l’Union économique et monétaire ouest africaine qui a su « après des enquêtes que les autorités sénégalaises ont effectivement injecté 6 milliards FCFA pour subventionner » la Suneor.

« L’Etat du Sénégal a subventionné uniquement la Suneor et a refusé de nous prendre en charge dans cette subvention. De toute façon, elle est illégale. Et les autorités ont parlé des questions de souveraineté nationale pour justifier cette mesure protectionniste », se désole M. Diouf. Une mesure qui a provoqué une levée de boucliers des organisations des commerçants et de consommateurs sénégalais comme l’Unacois qui ont d’ailleurs demandé la levée de ces protections de l’État avec comme principal argument avancé? : la concurrence fait baisser les prix. Les autorités ivoiriennes ont écrit au président de la Commission de l’UEMOA, Soumaïla Cissé, le 3 décembre 2009, pour que l’organisation « règle de manière définitive le problème récurrent des barrières tarifaires et des obstacles techniques au commerce ».

SURTAXE DE 25%

Selon Jeune Afrique, la Malaisie, plus gros producteur mondial d’huile de palme, a rappelé le Sénégal à la raison lors de l’examen de la politique commerciale du pays devant l’OMC, en novembre dernier. Enfin, la principale victime de cette mesure, le négociant West Africa Commodities, l’un des principaux importateurs sénégalais de l’alimentaire, a déposé le 23 novembre 2009 un recours contre le décret sénégalais devant la direction de la Concurrence de l’UEMOA qui a demandé à l’Etat du Sénégal « d’arrêter cette subvention. J’ai dit au ministre du Commerce qu’on préfère subventionner les paysans brésilien et argentin à la place des Ivoiriens et des commerçants sénégalais. C’est insensé », éructe M. Diouf. L’enjeu est énorme pour Abbas?Jaber : la conquête du marché de 250 millions de personnes, en pleine expansion, des huiles alimentaires semble compromise.

Le Sénégal, de façon « délibérée », imposait une taxe conjoncturelle d’importation (TCI) de 25 % pour protéger l’industrie de l’ami personnel du chef de l’Etat en violant « systématiquement » les textes de l’institution sous-régionale. Alassane Diouf, patron de Wafcom, était obligé de saisir la Commission d’arbitrage de l’UEMOA pour demander la levée de cette subvention « illégale. » « Le Sénégal était obligé de lever cette mesure à la demande de l’UEMOA. Les autorités l’ont faite pour se conformer au texte de l’UEMOA », explique-t-il. Le contexte est justement défavorable au patron d’Advens qui voit la montée en puissance de son concurrent (Sifca) dont la production d’huile de palme est passée de 323?000 tonnes en 2007 à 430?000 en 2009. Le géant ivoirien a fortement augmenté ses exportations dans la zone de l’UEMOA, un espace où l’on peut théoriquement exporter en franchise de droits. La consommation intérieure ivoirienne étant de 250?000 tonnes, l’excédent est vendu dans la sous-région? ; la majorité des pays sont déficitaires en huile. ¬Sifca affiche des résultats en hausse, avec un chiffre d’affaires de 844 millions de dollars en 2008 (+?62 % par rapport à 2007 et un résultat net de 91 millions de dollars), selon l’hebdomadaire Jeune Afrique.

ARBITRAGE DE L’UEMOA

En plus, le patron d’Advens « deale » dans des contradictions extraordinaires qui fragilisent même sa position de producteurs agro-alimentaires. Car, Suneor exporte l’essentiel de son huile d’arachide vers la Chine (80 %) et importe de l’huile de soja (70?000 tonnes par an) de l’Argentine, du Brésil qu’elle raffine au Sénégal pour alimenter le marché intérieur. C’est justement sur cet équilibre que repose le modèle économique de l’homme d’affaires franco-sénégalais qui voit « des problèmes partout ». Les négociants sénégalais sont « traqués » et la Suneor soupçonne l’origine frauduleuse des huiles acheminées sur le sol sénégalais. Suneor suspecte en effet son concurrent, SIFCA, d’acheminer frauduleusement et à bas prix de l’huile d’Asie pour la réexporter une fois labélisée UEMOA en fournissant Wafcom qui inonde le marché sénégalais à travers COSMIVOIE et UNILEVER. L’affaire atterrit sur les prétoires de la Commission de l’UEMOA qui doit vider ce contentieux sénégalo-ivoirien.

Le 11 septembre 2007, à travers une décision intitulée « Règlement du litige relatif à l’origine des huiles de palme en provenance de Côte d’Ivoire », les autorités de l’organisation sous-régionale demandent à l’Etat du Sénégal d’admettre « les certificats d’origine émis par les autorités ivoiriennes habilitées, pour l’huile de palme raffinée produite par les sociétés COSMIVOIE et UNILEVER et à lui accorder le bénéfice lié à l’origine communautaire. » Une bataille remportée par le géant ivoirien qui s’est réajusté entre temps pour asseoir définitivement sa position de leader dans l’espace ouest africain. Sifca s’allie avec les deux grands asiatiques que sont Olam et Wilmar. Wilmar, premier producteur mondial d’huile de palme, maîtrise un savoir-faire précieux dans la conduite des plantations et la transformation des oléagineux. De son côté, Olam possède de redoutables capacités de négoce, de distribution et de gestion des risques de crédit en Asie, en Europe et en Afrique, dont elle connaît bien les marchés. A travers cette alliance, le regroupement ivoiro-singapourien voulait atteindre une production de 600 000 tonnes d’huile par an en 2012 contre 320 000 tonnes depuis une dizaine d’années pour résorber le déficit annuel de 500 000 tonnes d’huile oléagineuse qui passerait, en 2020, à 1,5 million de tonnes en Afrique de l’Ouest.

Le triumvirat ivoirien fait peur à Abbas Jaber et le regroupement atterrit sur les prétoires de la Haute cour de justice de l’UEMOA. Car, Suneor, associée à des huileries de la région– dont Nioto, Socoma, Sodefitex et menacée dans son existence, demande l’annulation du regroupement entre le géant ivoirien et ses partenaires Singapouriens. Mais, les accusés, par l’intermédiaire de leurs avocats, ont demandé « l’irrecevabilité de la plainte pour forclusion et que la Commission (de L’UEMOA) ne saurait se baser sur une exploitation des données concernant le Sénégal, pour estimer que des entreprises occupent une position dominante sur le marché de l’Union, et que la concentration en cause ne saurait être perçue comme un risque de restriction de la concurrence au marché communautaire où entrent en concurrence plusieurs huiles locales et des huiles importées que la libéralisation des échanges érige en concurrent de premier rang ». Depuis 2009, l’affaire traîne au niveau La Haute cour de justice de Ouagadougou qui doit vider ce contentieux qui a ravivé les vieux démons de la concurrence entre Dakar et Abidjan. Aujourd’hui, les huiles sont devenues un véritable écheveau politico-judiciaire pour la conquête de cet espace communautaire en construction.

Abbas Jaber, patron d’Advens qui emploie 7 000 salariés (sans les saisonniers) a fait fortune dans le négoce alimentaire dans les années 1990 avant de se lancer dans l’agro-alimentaire en rachetant, en janvier 2005, la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos, devenue Suneor, qui produit de l’huile d’arachide) avant d’acquérir, trois ans plus tard, la compagnie cotonnière¬Dagris (ex-Compagnie française de développement du textile, implantée dans plusieurs pays d’Afrique francophone), rebaptisée Geocoton, Nioto, spécialisée dans l’exploitation de l’huile de palme au Togo et Socoma (Société cotonnière) du Burkina Faso. Ce qui lui permet d’opérer sur une vaste zone qui s’étale du Sénégal jusqu’au Tchad. Evidemment, cela donne au businessman un vaste poids commercial mais ne le protège pas de ses concurrents dans un marché de plus en plus libéralisé imposé par l’UEMOA qui prône le libre-échange entre États membres.

Bocar SAKHO

lagazette.sn

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