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Pourquoi Abdoulaye Wade a gagné en 2007 ?

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Voilà une question que tout Sénégalais devrait se poser ! Ceux qui sont avec lui pour le reconduire, au cas où sa candidature est validée ! Et ceux qui sont contre lui, pour lui barrer la route, au cas où là aussi, il se présentait pour un 3ème mandat. Pourquoi donc il a gagné en 2007, et au premier tour, Svp ? Y avait-il eu ‘un vote des bêtes sauvages’ ? S’il est un individu qui pourrait donner une réponse satisfaisante à cette question, c’est bien son directeur de campagne d’alors, à savoir… Macky Sall. Jusqu’ici, on peut être perplexe devant ce mutisme et se demander, pourquoi diantre, ce Macky, opposant qu’il est devenu, ne dit rien par rapport à cela, d’autant que beaucoup de Sénégalais sont encore surpris de cette réélection.

Cela dit, on peut être persuadé qu’Abdoulaye Wade avait été réélu par ‘le vote des bêtes sauvages’, pour reprendre le titre du livre d’Ahmadou Kourouma. Il a été réélu par tout un cocktail fort objectif qu’il avait avec ses partisans, parfois, sciemment concocté. Ce cocktail se décline sous plusieurs formes :

– Le fichier électoral. Jusqu’à présent, on parle d’un gap de plus d’un million d’électeurs fictifs entre le fichier détenu par la Cena et celui du ministère de l’Intérieur dirigé alors par Me Ousmane Ngom. Aucune réponse satisfaisante n’avait été donnée pour éclairer la lanterne des Sénégalais. On se souviendra que ce différentiel avait été l’objet d’un différend entre le ministre de l’Intérieur et l’ancien président de la Cena, et qui a abouti à sa ‘démission forcée’ par le président de la République.

– Le vote des Guinéens est la seconde tentative d’explication. Ils sont nombreux les ressortissants de la Guinée-Conakry qui ont une carte d’identité sénégalaise et qui ont pu voter lors des dernières élections. Certains politiciens ont voulu attirer l’attention sur ce fait, mais avec beaucoup d’hésitations. Il faut reconnaître que c’est une question très sensible. Ce problème est devenu très épineux qu’il cause des dommages collatéraux à tous les citoyens sénégalais qui ont des noms identiques à ceux des Guinéens, à savoir Bâ, Baldé, Diallo, etc. Pour l’obtention d’un passeport ou d’autres pièces, il leur faut maintenant fournir un certificat de nationalité, en plus de la carte d’identité nationale.

– Les chantiers de l’Oci. Dans la tête de beaucoup de Sénégalais, ces chantiers étaient ceux d’Abdoulaye Wade, il fallait donc lui donner le temps nécessaire de les terminer. Serigne Saliou Mbacké s’en était mêlé et la mayonnaise avait pris. La preuve en est qu’actuellement, Abdoulaye Wade veut toujours jouer sur ce registre d’homme providentiel et certains Sénégalais pensent que, effectivement, sans Abdoulaye Wade, c’est le déluge.

– Le vote rural. Le 14 juillet dernier, avec la rencontre des élus locaux, est la preuve que Wade mise actuellement sur ce vote rural, comme il l’avait fait en 2007. C’est un secret de polichinelle que les ruraux sont plus conservateurs que les citadins. En matière de relations humaines, ils sont moins versatiles que les citadins et il suffit qu’une seule personne de leur groupe leur dise de voter pour untel qu’ils le fassent sans beaucoup d’hésitations. Surtout si cette personne est un chef de village ou un notable. Leur volonté est beaucoup plus qu’organique que réfléchie, pour parler comme ce sociologue allemand Tönnies.

– Une opposition amorphe. Franchement, il faut le dire ! L’opposition sénégalaise est non seulement très divisée, mais aussi très amorphe. En 2007, elle n’a pas pesé lourd et les deux larrons du Pds, Abdoulaye Wade et Idrissa Seck, avaient raflé la mise, ne laissant que des miettes à cette opposition dite significative. Et d’ailleurs actuellement, elle a recours à la société civile et au mouvement ‘Y en a marre’ pour se booster un peu.

– La capacité de mobilisation du Pds. Quoi que l’on puisse dire, aujourd’hui comme hier (2007), la mouvance présidentielle mobilise mieux que toutes les oppositions réunies. Et leur meeting du 23 juillet en est une ultime preuve. Cette capacité de mobilisation joue sur la mentalité des Sénégalais, qu’on le veuille ou non. Et en 2007, cette mouvance, comme un rouleau compresseur, a drainé ses partisans pour qu’ils aillent voter massivement, alors que la plupart des rouspéteurs n’ont pas été votés forcément.

– Une presse souvent très engagée. Quand Abdoulaye Wade dit que ’(son) opposition, c’est la presse’, ce n’est pas infondé dans une certaine mesure. Donner l’information, c’est donner une certaine information, c’est aussi donner une certaine forme. Et ceux qui sont rivés à cette information sont souvent ‘formés’ par cette information. Si bien que, en lisant la presse, en écoutant la radio, on avait l’impression que tout le peuple en 2007 avait honni Abdoulaye Wade. Mais tel n’était pas le cas. Une très grande partie du peuple sénégalais qui ne se shootait pas toujours à cette information, s’était déjà fait une idée de son candidat depuis longtemps. C’est pourquoi, quand Abdoulaye Wade avait gagné, personne n’avait réagi, à Dakar, parce que tellement le message distillé pendant longtemps était loin de la réalité populaire. Et généralement, on a souvent l’impression que ce qui se passe à Dakar, c’est ce qui se passe partout au Sénégal. Le 23 juin dernier, le ‘soulèvement populaire’ n’a eu vraiment lieu qu’à Dakar. A Saint-Louis, Thiès, Mbour – pour ne citer que les villes où il y a eu agitation – il n’y a eu que quelques pneus calcinés et deux ou trois maisons brulées par quelques individus. Il faut le dire là aussi, pour ne pas se laisser entraîner par ces informations qui déforment.

– Enfin l’homme Abdoulaye Wade ! Une élection présidentielle est une élection d’un individu par la majorité d’un peuple donné. Il faut reconnaître que, malgré tout, en 2007, Wade pouvait avoir au moins 25 % d’inconditionnels sénégalais citadins (puisque les sondages ne se font généralement qu’à Dakar). Et il croit toujours qu’il a actuellement le cœur d’au moins 25 % des sénégalais ’citadins’. Ce qui explique sa tentative, avortée fort heureusement, de se faire élire avec un colistier, avec ce pourcentage. La gifle qu’il a reçue, bourdonne encore dans ses oreilles.

Ces 25 % (citadins) conjugués à un fichier électoral faillible, à des ressortissants guinéens qui votent, à une opposition amorphe, à une capacité de mobilisation remarquable, à une presse qui n’informe et ne forme que les Dakarois ou les grandes villes, à un vote rural moins versatile, l’avaient fait passer au premier tour des élections de 2007, contre toute attente. Il n’y a pas eu, en 2007, de ‘vote de bêtes sauvages’ ou s’il y en a eu ‘ces bêtes sauvages’ sont vraiment identifiables. La première ‘bête sauvage’, c’est le fichier électoral, la deuxième ‘bête sauvage’, ce sont les ressortissants guinéens, la troisième ‘bête sauvage’, c’est l’opposition amorphe et dispersée, la quatrième ‘bête sauvage’, c’est cette presse qui ne sait pas tâter le pouls du peuple sénégalais. Et toutes ces ‘bêtes sauvages’ risquent de revoter de la même manière qu’en 2007 ! Il se dit aussi que le Sénégal a comme emblème national, une ‘bête sauvage’, le lion rouge ! Ça existe ça, un lion rouge ? Alors tous les Sénégalais sont des ‘bêtes sauvages’ !

Mamadou Moustapha WONE, Sociologue ‘bête sauvage’ [email protected] BP : 15812 Dakar-Fann Sénégal

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