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Pr Ndiaga Loum: « Qu’on ne nous demande pas donc d’être Charlie »

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 Professeur titulaire au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Ndiaga Loum est juriste et politologue. Nous l’avons accroché pour nous livrer ses réflexions sur des questions d’actualité (affaire Charlie Hebdo, les terroristes islamistes, la participation du Président Macky Sall à la marche de Paris, etc.). Ses différentes expertises en droit, en relations internationales et en communication sont essentielles pour comprendre des questions complexes.

 

  • La liberté d’expression consacrée par les médias est-elle la liberté totale, c’est-à- dire une liberté sans frontière?

 

Une liberté totale? Même la Constitution américaine amendée en 1791 pour donner à la liberté d’expression une valeur « quasi religieuse«  trouve des limites raisonnables, factuelles. On dit aux États-Unis par exemple,  depuis 1776 avec  le Virgina bill of rights, que  « la liberté de la presse est l’un des grands remparts de la liberté« . « Cette liberté ne peut jamais être limitée, sinon par un gouvernement despotique« . Et le premier amendement à la Constitution de 1791 déclare: « le Congrès ne fera aucune loi restreignant la liberté de parole ou  de la presse« .

Mais depuis le 11 septembre 2001 et le vote consécutif de la loi dite Patriot Act pour lutter contre le terrorisme, on a une loi qui restreint de fait la liberté d’expression et qui trivialement fait de vous et de moi des terroristes potentiels qu’il faut surveiller chaque fois que nous ouvrons notre ordinateur et que nous surfons sur Internet. Savez-vous qu’un réseau social comme facebook, par exemple, est la première base de données personnelles des services de renseignements américains?  Vous voyez les limites objectives d’une approche institutionnelle de la liberté d’expression qui n’échappe pas  à des réalités circonstancielles ou conjoncturelles. Cette conception large de la liberté d’expression aux États-Unis s’oppose historiquement à la conception de la liberté d’expression France. En France, dès 1789, la DDH stipule que « tout citoyen peut  parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi« . Au Canada, la Charte des libertés va aussi prévoir des limites à la liberté d’expression, à condition que celles-ci soient raisonnables et puissent se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique. Ce rappel qui réfère au textuel et au factuel démontre au moins une chose : c’est que la liberté totale n’existe nulle part, même chez ceux qui ont la prétention historique d’affirmer qu’ils ne feront aucune loi pour la restreindre. Voilà pourquoi un des grands théoriciens et philosophe de la liberté, Spinoza, insistait sur le couple liberté et responsabilité. Autant il rendait hommage à un gouvernement modéré qui donnerait la liberté à ses citoyens et surtout le droit d’enseigner cette liberté, autant il disait qu’il peut arriver, que dans l’usage de cette liberté, sa majesté puisse être atteinte par une parole ou par une action. Alors, affirmait-il, par conséquent,  même si on ne peut enlever aux citoyens complètement cette liberté, il serait tout aussi pernicieux de la leur accorder en toutes circonstances.


2) Si on tient compte de ce que vous venez de dire, on peut donc affirmer que les journalistes de Charlie Hebdo ont tort même si la pratique des caricatures est tolérée en France?

 

C’est plus complexe dans ce cas précis. Parce que leur référence n’est pas seulement la liberté d’expression, ils évoquent aussi la laïcité, ou si voulez une certaine conception française de la laïcité. La laïcité française est le fruit d’une histoire propre à la France. Celle d’une relation conflictuelle entre le temporel et le spirituel dont le dénouement final sera une séparation nette proclamée au travers d’un texte centenaire depuis 2005 (c’est la loi française de 1905). On ne peut donc demander aux pays qui n’ont pas la même trajectoire historique que la France d’épouser cette conception. Cela me fait penser aux conclusions d’une conférence que mon collègue Ibrahima Sarr (directeur du CESTI) et moi avons prononcée lors du dernier sommet de la Francophonie, ici au Sénégal. Nous disions devant un public issu de divers pays francophones, qu’aussi loin on remonte dans l’histoire du Sénégal, le spirituel et le temporel n’ont jamais été nettement séparés. Et pourtant, le Sénégal n’a de leçons à recevoir de personne en terme de laïcité. La nôtre s’éprouve dans la pratique, il n’est pour s’en convaincre que d’ouvrir les yeux à Dakar, pour voir que les chapelets les plus longs cohabitent harmonieusement avec des jupes de plus en plus courtes. Il faut y lire des signes pratiques d’une tolérance qui est l’antidote même à tous les intégrismes et à tous les radicalismes. Notre pratique laïque n’a pas besoin d’être institutionnalisée, ceux qui la vivent en connaissent les limites raisonnables et savent s’autocensurer pour ne pas choquer. Qu’on ne nous demande pas donc d’être Charlie. Parce que ceux qui sont Charlie partagent au moins quelque chose avec les terroristes islamiques : c’est leur extrémisme (les uns de la liberté et de la laïcité, les autres de la religion). La position alternative, équilibrée, est le modèle confrérique sénégalais. Ceux qui pointent ses inconvénients n’ont pas assez sublimé ses avantages.


3) L’affaire Charlie Hebdo a profondément divisé la France et le monde. N’engendre-t-elle pas une nouvelle complication de l’image de l’islam en occident?

 

Oui, mais là également, il faut dépasser le manichéisme simpliste des médias et de se demander ontologiquement, à quoi renvoie une définition juste, scientifique de ce qu’on appelle l’islamisme auquel on enjoint le qualificatif terroriste? Qu’est-ce que Boko Haram, Les Frères musulmans, l’État islamique, le Hezbolah, l’AQMI etc. ont en commun? On les nomme tous des islamistes radicaux et leurs actes sont qualifiés de terroristes. Il faut étudier leurs sources de financement pour se rendre compte des contradictions majeures auxquelles on peut faire face et voir comment leur compréhension échappe à toutes les catégories rationnelles de l’analyse politique.  Vous y trouverez des États qui collaborent avec les grands pays occidentaux dans le cadre de ce que l’on appelle la coalition internationale contre le terrorisme. Cherchez l’erreur. Une chose est cependant sûre, les meurtres lâches de terroristes qui ne font d’ailleurs pas quelquefois de différences entre les cibles musulmanes ou non, ne peuvent que compliquer comme vous le dites l’image de l’Islam. On ne peut encore une fois qu’être admiratif devant le modèle pacifiste de l’Islam au Sénégal lorsque l’on voit à travers le monde tous ces meurtres collectifs commis au nom de la religion. Le malaise est certain, si c’est cela le sens de votre interrogation.
4) Macky Sall a invoqué la lutte contre le terrorisme pour participer à la marche de Paris. Est-ce que les raisons invoquées par Macky Sall sont fondées?

 

La question qu’il faut se poser, c’est est-ce que le président sénégalais avait le choix? Si on veut être réaliste et sortir de l’idéalisme qui sied à ceux qui n’ont aucune responsabilité étatique ou du nihilisme politique de ceux qui jouent le rôle qui est conforme à leur statut, on répond négativement à la question. Le président sénégalais à l’instar de ses pairs africains qui avaient appelé la France au secours pour stopper les velléités de l’AQMI au Sahel, ne pouvaient pas dire non à la France qui ne leur demandait pas cette fois-ci de fournir des soldats qui viennent mourir pour des français, mais juste d’envoyer leurs officiels pour venir brûler quelques calories en se tapant  des centaines de mètres de parade dans les rues parisiennes. Après, l’autre question, c’est est-ce que Macky Sall pouvait y aller sans prendre quelques précautions d’usage pour anticiper les réactions de son opinion publique majoritairement musulmane? S’il y a erreur, c’est là qu’il faudrait la situer. Et c’est là qu’il faut s’interroger sur la compétence d’un entourage qui ne peut faire ni dans l’anticipation ni dans la prospective. Le président fut très bien inspiré de faire le tour des autorités religieuses lorsqu’il était question d’envoyer des soldats sénégalais au Mali pour combattre les intégristes musulmans qui avaient fait main basse sur le Nord de ce pays et qui lorgnaient probablement les frontières poreuses sénégalo-maliennes. Pourquoi n’est-il pas retourné les voir avant de s’envoler en France pour aller marcher aux côtés de François Hollande, pour leur expliquer que sa démarche s’inscrivait dans la poursuite des premiers efforts fournis pour stopper le terrorisme des intégristes qui n’épargne ni les Africains musulmans ni leurs partenaires français, sauveurs hier au Mali, et victimes aujourd’hui du même obscurantisme islamique, aux antipodes de l’Islam pacifique tel  que prôné et promu par le modèle soufi et confrérique sénégalais?
C’est là que se situe l’erreur! Qui disait qu’en politique comme en amour, toutes les fautes s’expient et ne se réparent jamais? Jamais! C’est clair! Maintenant, je ne suis pas un cabinet de consultance gratuite pour le Président sénégalais, mais si j’avais un conseil à lui donner, c’est de lui dire de demander à ses collaborateurs d’arrêter leurs entreprises médiatisées de justification et d’explication d’un acte déjà commis. Ils ne font que l’enfoncer davantage et ne convaincront personne. Pourquoi, parce que dans le domaine de la foi, la discussion n’est pas indispensable. Tu crois, tu ne crois pas,  nul n’est dans l’obligation de vous expliquer pourquoi il croit ou ne croit pas, point final. Donc, qu’est-ce que vous gagnez à dire que moi aussi je suis croyant, voilà, je vais vous le prouver…et si je savais…et je ne sais quoi encore… Dieu, seul, est juge. Or, donc, la plupart de ceux qui en veulent à Macky Sall, lui reprochent d’avoir marché en tant que musulman pour soutenir des gens qui se sont moqués du prophète de l’Islam. La meilleure des attitudes serait le silence, de continuer ses inaugurations et ses poses de premières pierre. En en faisant 3 ou 4, dans quelques mois, la clameur se sera estompée et le temps combinera avec l’oubli pour rendre anecdotique sa participation à la marche de Paris. Les urgences quotidiennes dicteront leurs lois, et c’est dans sa capacité à les résoudre ou à y faire face, que le chef d’État sera jugé.

 

5) Comment on peut aussi apprécier la présence d’autres chefs d’États africains?

Chaque chef d’État de chaque pays considéré avait des raisons qui lui étaient propres. Mais, si on veut objectiver l’analyse, restons dans la posture épistémique des rapports de forces en relations internationales et posez-vous juste la question de savoir s’ils pouvaient refuser ou non? Prenons le cas du président malien. Vous vous souvenez de la manifestation des populations maliennes à Bamako, le drapeau français en bandoulière, pour remercier les soldats de l’ex colonisateur d’avoir libéré le Mali des envahisseurs de l’AQMI? L’histoire tourne à une vitesse extraordinaire, et c’est comme si elle voulait imprimer des symboles en rapprochant les événements. Combien  de temps s’est écoulé entre la visite triomphale de François Hollande au Mali pour venir goûter aux fruits de la victoire de ses militaires qui ont sauvé le Mali et la marche de Paris où le Président malien tenait les mains du Président français pour démontrer les signes d’une solidarité qui ne s’exprime mieux que dans la douleur? Il faut rester réaliste et lucide quand on analyse les actes d’un État ou d’un gouvernement, surtout lorsque ceux -ci s’inscrivent dans le cadre des rapports de forces internationales. Cheikh Hamidou Kane disait dans l’aventure ambiguë que « lorsque la main est faible, l’esprit court de grands risques, car c’est elle qui le défend« .

Xalima.com via Le Témoin du Lundi 26 janvier 2015

 

7 Commentaires

  1. Madame Michelle Obama, vient de démontrer par son refus de se voiler les cheveux que la coutume d’un pays d’un peuple étranger, ne doit pas être imposée au reste de l’humanité ! Pour comprendre l’absurdité de cette interdiction aux femmes Arabes musulmanes de laisser leurs cheveux au vent, il faut aller à sa source ! Pour les Arabes du moyens âge, la chevelure d’une femme pouvait être source d’attirance sexuel des hommes ! Quelle absurdité, comme si les hommes ne pouvaient qu’être attirés sexuellement dès qu’ils avaient affaire à une femme ! Je suis très heureux de voir Michelle Obama dans cette posture très militante en faveurs de toutes les femmes musulmanes qui ne se voileraient que parce que les hommes le leur imposent ! Toutes les épouses de Chefs d’Etats du monde devraient adopter la même attitude que MICHELLE OBAMA qui vient de leur donner une leçon !

    Non voilée, Michelle Obama choque l’Arabie saoudite
    a première dame des États-Unis s’est présentée cheveux au vent devant le nouveau roi Salmane, bouleversant les mœurs d’un royaume aux lois moyenâgeuses.

    La présence de Barack Obama à Riyad, au lendemain des funérailles du roi Abdallah, devait sceller les liens entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, jusqu’ici unis par le lucratif compromis pétrole contre sécurité. Mais à l’image d’une relation chancelante, la visite du président américain n’a pas été de tout repos pour la gérontocratie saoudienne. Si le pensionnaire de la Maison-Blanche s’est abstenu d’évoquer devant ses hôtes le terrible bilan du royaume saoud en matière de droits de l’homme, c’est par sa femme, Michelle, que le scandale est arrivé.

    Présent mardi sur le tarmac de l’aéroport international de Riyad, le nouveau roi Salmane, 79 ans, a eu la surprise d’apercevoir sur la passerelle d’Air Force One une rayonnante première dame arborant un haut bleu fluide, un pantalon noir ample, ainsi qu’une longue veste bleue à motifs. Pas de quoi fouetter un monarque saoudien, si ce n’est ce long cou dénudé, dévoilant une somptueuse parure de diamants. Et, crime de lèse-majesté, cette chevelure brune au vent, émoustillant sans peine chacun des dirigeants arabes présents. Une prise de liberté qui tranche avec le morne quotidien des Saoudiennes, tenues de porter en public le voile islamique si ce n’est le niqab.
    Fronde sur Twitter
    Ainsi, s’ils ont chaleureusement serré la main d’un Barack Obama répétant à l’envi « C’est bon de vous voir », plusieurs dirigeants saoudiens se sont contentés d’un simple signe de la tête face à la première dame non voilée. « À mon sens, Michelle Obama a envoyé un message politique au royaume », juge un spécialiste du pays qui préfère garder l’anonymat. « Dans un pays où les femmes sont opprimées, les femmes étrangères, qui plus est les femmes de dignitaires, ne sont Non voilée, Michelle Obama choque l’Arabie saoudite!

  2. Le débat est clos les explication de Serigne Fallou Dieng soufi à apporter un coup de décapant là-dessus.
    Macky Sall, a affirmé tout de go à Paris: être musulman être charlie être republicain.
    Être charlie ne s’accole pas au musulman parce que être charlie c’est un espirit Luz dans son obsenites funebre la clairement indiqué en Substance lorsqu’il disait être charlie prouvez le …..
    Donc pas de dichotomie possible les dénégation de Macky Salll, ne le dédouane pas. Sont peuple (les sénégalais) ne sont pas Charlie point barre.
    Meme la libertés d’expression a des limites à France parce que aucune pensée, ligne éditoriale, et opinions n’a pas le droit de faire un commentaire révisionniste de la Shoah, encore une négationniste des chambre à gaz sous peine d’un emprisonnement en vertu de la loi gayssou.
    Donc la conception de la liberté d’expression est univoque en France.
    Macky a ramer contre courant de la volonté des sénégalais et il payera – à coup sûr – tres chère
    On attent seulement le moment venu pour que nos coup aient un effet de forte déflagration
    Cheikh Mbodj cercle des intellectuels soufis

  3. Le débat est clos les explication de Serigne Fallou Dieng soufi à apporter un coup de décapant là-dessus.
    Macky Sall, a affirmé tout de go à Paris: être musulman être charlie être republicain.
    Être charlie ne s’accole pas au musulman parce que être charlie c’est un espirit Luz dans son obsenites funebre la clairement indiqué en Substance lorsqu’il disait être charlie prouvez le …..
    Donc pas de dichotomie possible les dénégation de Macky Salll, ne le dédouane pas. Sont peuple (les sénégalais) ne sont pas Charlie point barre.
    Meme la libertés d’expression a des limites à France parce que aucune pensée, ligne éditoriale, et opinions n’a pas le droit de faire un commentaire révisionniste de la Shoah, encore moins une lecture négationniste des chambre à gaz sous peine d’un emprisonnement en vertu de la loi gayssou.
    Donc la conception de la liberté d’expression est univoque en France.
    Macky a ramer contre courant de la volonté des sénégalais et il payera – à coup sûr – tres chère
    On attent seulement le moment venu pour que nos coup aient un effet de forte déflagration
    Cheikh Mbodj cercle des intellectuels soufis

  4. Heureusement y’a de ces personnes qui naissent et qui reste digne en leur savoir et en leur réflexion … Qui n’ont pas peur de la vérité et font bon usage de leur capacité intellectuel… Par amour pour ce qu’il sont par principe! Et respect aux autres et ne le font ni pour des services ou des postes stratégique ni pour des ministère …

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