e Sénégal s’est encore illustré à travers le monde comme étant le seul pays que la lune met trois jours à traverser. C’est ainsi et c’est notre particularisme que certains bientôt vont nous envier, à défaut de les irriter.
Les débats sur les plateaux télé d’experts en Astrologie, la pléthore de religieux officiant sur les chaînes de télé, radios et même la ronde des marabouts du jeudi soir (chacun prêchant pour sa paroisse) sur les chaînes de télé, appelant à l’unité des cœurs et à la cohésion de la communauté, n’y feront rien. Le début et la fin du Ramadan sont devenus les vrais moments de la division de la communauté musulmane, et elle s’amplifie au rythme des années qui passent.
Mais cette année, fait particulier, un autre problème s’est greffé à la fête, lors de la prière de l’Aïd El Fitr au lieu le plus officiel puisque le Président Sall y assiste à la prière. Cet imam jadis délaissé par Wade qui préférait la « mosquée mouride » de Colobane, a remporté la palme d’or du discours. El hadj Moussa Samb, c’est bien de lui qu’il s’agit, avait un boulevard tout ouvert. Il aura fait un sermon tonitruant, et extrêmement politique. Est-ce son rôle ? Vous en aviserez.
Mais quand même voilà un homme qui, au cœur d’une mosquée, en plein sermon, se met à jouer aux arbitres et à distribuer cartons jaunes, verts ou rouges c’est selon, à diverses personnalités de notre microcosme politique. D’abord, était-ce le lieu indiqué et surtout le moment ? La Korité est un instant de partage et de communion, et la mosquée un endroit partagé par des personnes liées simplement par leur foi et pas du tout par leur appartenance ou pas à une ethnie, un groupe social ou une race. Vouloir en ce jour et en ce lieu régler la question qui divise la communauté léboue de Dakar, est une maladresse notoire.
Qui était concerné en tant que musulman ? Personne ! Alors qu’a voulu faire l’Imam Samb en déclarant au chef de l’état présent qu’il devait adouber Abdoulaye Mactar Diop comme Grand Serigne de Dakar au détriment de Pape Ibrahima Diagne son concurrent auprès de la communauté léboue de Dakar. Que vient faire un sujet pareil en plein sermon de Korité ? Pour l’homme Ablaye Matar, c’était du petit lait qu’il buvait. Et la Rts ne s’est pas privé de nous montrer aux premières loges, M. Diop, ce jadis « boy town » avec son turban mis à la traditionnelle.
Cela ressemblait vachement à une mise en scène préparée et concertée, qui donne à cet Imam Ratib des allures de « Prêcheur sur gages ».
Pourquoi soulever de telles questions au beau milieu de tout l’aréopage de la République qui est ainsi pris à témoin et associé à un éventuel assentiment présidentiel. La religion nous enseigne la prudence et l’humilité dans nos jugements et affirmer que son poulain est au-dessus de tout soupçon, est quelque peu cavalier comme attitude. Le dire dans une enceinte sacrée, demeure hasardeux.
Cela dit, l’Imam Samb n’a pas évité les questions qui fâchent. Il a courageusement défendu le fait que la patience devait guider nos jugements relatifs à l’action du chef de l’état et de son gouvernement, et a exhorté les sénégalais à être moins pressés de sentir les résultats promis. Il a aussi donné des cours d’économie notamment sur les semences qui ne devraient plus être distribuées que par l’Etat et expliqué aux marchands ambulants que seul le commerce ne pouvait développer un pays.
Il a en tout cas souhaité faire un prêche révolutionnaire et citoyen, et il était nouveau que la RTS nous fasse suivre ce sermon de A à Z. Ses métaphores sportives sur la solidarité gouvernementale restent pertinentes comme le fait d’avoir pointé les responsabilités des citoyens dans les désespérantes et récurrentes inondations qui ont assombri la Korité des Sénégalais.
En pour revenir sur cette Korité fêtée en trois jours, nous nous sommes encore signalés par notre fantaisie. Tous les experts se sont bousculés dans les télés et les radios pour nous chanter leurs connaissances en astrologie religieuse et se sont expliqués sur cette singularité nationale. Quelques uns ont émis l’idée que l’état prenne ses responsabilités et fixe d’autorité les dates auxquelles nous devons sacrifier à nos obligations divines. Vaste programme.
A propos de programme il semble que Macky Sall ait dans le sien proche, l’intention de renouveler son équipe gouvernementale. Et ce n’est pas avec ou sans Abdoul Mbaye qui est le problème, mais bien quel est le rôle d’un premier ministre dans notre architecture gouvernementale. Il ne nomme personne et doit servir de fusible dans une république où le Président est omnipotent et omniscient ! Qui est responsable devant le peuple ? Le premier ou second ?
Ne pas réfléchir à cela, nous mènera toujours vers l’insatisfaction et la grogne des populations envers ses dirigeants. Repenser le pouvoir devrait être la véritable mission de la CNRI, la Commission Nationale des réformes institutionnelles. Voilà un beau défi qu’aurait pu prendre en charge l’Imam Ratib Samb ce jour de Korité.
Le ramadan est terminé. Nos écrans peuvent à nouveau se remplir de jeux et de concours ainsi que de clips indécents.