Ce n’est guère fortuit si Macky Sall remet au goût du jour le statut de l’opposition. Ce projet qui était si cher à Wade, alors opposant, n’a jamais trouvé un début d’exécution. Abdou Diouf se pressait toujours lentement pour sa réalisation, même s’il en acceptait le principe. Wade, président de la République, avec toutes les coudées franches, n’a pas réussi à donner un statut à une opposition qu’il avait qualifiée de «poltronne». L’excellent travail sur le sujet, du professeur agrégé en droit, El Hadji Mbodji, est dans les tiroirs. Le projet s’est heurté à un roc au moment de choisir le Chef de l’opposition. Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng se disputaient à distance la trouvaille. Déjà un avant-goût de leur rivalité qui allait faire éclater la coalition Benno Siggil Sénégal, des années après.
Si Sall estime aujourd’hui qu’«il faut absolument donner un statut à l’opposition», il prend la lourde responsabilité de réhabiliter le Parti démocratique sénégalais défait le 25 mars dernier et qui peine à se relever de sa déconvenue. Naturellement, c’est le Pds en lambeaux qui va bénéficier de ce statut si l’engagement présidentiel se poursuit. Pourtant, il est presque évident que la future opposition au futur candidat Macky Sall se trouve dans la large et hétéroclite coalition Benno Bokk Yakaar, victorieuse de la dernière présidentielle. Les signes d’un futur divorce sont visibles même si le partage du gâteau, si inéquitable soit-il, larve bien des divergences. Pour combien de temps ? En politique, l’opportunité et la gestion du temps sont d’une importance capitale. Nombre d’alliés du président adoptent une position politiquement correcte, actuellement ; mais sous le coude, ils mûrissent sans doute une réelle volonté de faire face à lui. C’est là où l’analyse du chef de l’Etat rencontre des limites objectives. Il soutient, pour s’en glorifier, que le Sénégal est en train d’inaugurer une ère nouvelle de gouvernance, de partage du pouvoir. Macky est-il vraiment sincère ? En toute vraisemblance, il s’agit d’une ruse destinée à mettre ses compagnons devant le fait accompli. En tout cas, il ne devrait pas être surpris si dans les prochains jours une des personnalités de la mouvance présidentielle réclame son «statut». Et il se rendrait compte que sa proposition est prématurée dans ce contexte de confusion. D’ailleurs, les Sénégalais ont d’autres préoccupations plus tenaces que les petits calculs entre alliés de circonstance. Le jeu de dupes avec son amère saveur…
.Source : La Tribune
