Au Sénégal, il y a toujours une vie après la Primature. La plupart des douze chef de gouvernement ont mis à profit leurs fonctions pour accéder à d’autres plus prestigieuses.
Le dernier Premier ministre du président Abdoulaye Wade n’a pas eu l’occasion d’enfiler à nouveau sa robe d’avocat avant-hier. Le tribunal correctionnel de Thiès ayant renvoyé au 1er octobre prochain le procès de l’ancien régisseur de la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Thiès, Bada Fall, c’est à cette date que Souleymane Ndéné Ndiaye, qui fait partie du pool d’avocats du prévenu, renouera avec les salles d’audience. En effet, le sixième et dernier Premier ministre de Wade est retourné à ses premières amours : le prétoire. Souleymane Ndéné Ndiaye a réintégré le barreau de Dakar après la chute du Pds.
Une chose rare dans l’histoire politique du Sénégal. Car, pour l’essentiel des douze Premiers ministres que le Sénégal a connus, de Senghor à Wade, la primature demeure un tremplin pour accéder à d’autres fonctions plus prestigieuses au niveau national ou international. Abdou Diouf, Premier ministre de 1970 à 1980 ainsi que Macky Sall de 2004 à 2007 sont passés de la station primatoriale à la station suprême: la présidence de la République. Diouf est passé directement de chef du gouvernement à chef de l’Etat grâce au fameux article 35. Alors que l’actuel chef de l’Etat, sans bénéficier de la courte échelle, a attendu quatre ans après son départ de la primature.
Mais Souleymane Ndéné Ndiaye, qui rêve de contrôler le Pds, peut toujours espérer suivre les exemples d’Abdou Diouf et Macky Sall. A défaut, il peut embrasser une carrière internationale d’avocat. On lui prête l’intention de vouloir postuler pour la Cour pénale internationale (Cpi). C’est dans cette optique, d’ailleurs qu’il a suivi pendant six mois des cours intensifs d’anglais à Londres. Hadjibou Soumaré, l’avant-dernier Premier ministre de Wade, n’a pas eu la baraka de Diouf et de Macky Sall, mais la primature lui a ouvert les portes de l’Uemoa. Il a été nommé, en 2011, président de la Commission de l’Uemoa.
Mais s’il y a quelqu’un qui a eu une belle carrière internationale, c’est bien Moustapha Niasse. Ancien ministre des Affaires Etrangères et Premier ministre à deux reprises : d’abord du 3 au 29 avril 1983 sous Diouf, ensuite du 3 avril 2000 au 3 mars 2001 sous Wade, il est nommé en 2002 par le Secrétaire général de l’Onu envoyé spécial pour aider les parties congolaises à parvenir à un accord inclusif sur le partage du pouvoir durant la transition en République démocratique du Congo. Et 2005, il est nommé par le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan, membre du Haut Conseil pour l’Alliance des Civilisations.
Huitième Premier ministre du Sénégal, de mars 2001 à novembre 2002, Mame Madior Boye a été moins présente sur la scène internationale que Niasse. Cependant, elle a été nommée en septembre 2004 par Alpha Oumar Konaré représentante spéciale de la Commission de l’Union africaine (Ua), chargée de la protection des civils dans les zones de conflit. Basé à Dakar, son poste la conduit néanmoins à se déplacer beaucoup, au Darfour, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, au Rwanda, au Burundi ou en Ouganda, où elle rencontre victimes, belligérants et responsables politiques.
Considéré comme «un économiste rigoureux», Mamadou Lamine Loum, le dernier Premier ministre d’Abdou Diouf a négocié avec succès le rééchelonnement de la dette du Sénégal avec le Club de Paris. Une prouesse qui lui a ouvert les portes de la scène internationale. Il est devenu consultant international après la chute des socialistes. Il a eu à jouer un rôle non négligeable dans le dossier tchadien sur le pétrole. Son prédécesseur, Habib Thiam, a, plus ou moins, réussi sa reconversion dans le privé. Depuis, il se fait tout discret à Dakar où il vit une retraite paisible.
Mais la primature ne mène pas toujours à une carrière internationale. Parfois, elle ouvre les portes des prisons. Mamadou Dia, le Premier chef d’un gouvernement du Sénégal indépendant en sait quelque chose. Accusé de «tentative de coup d’Etat», il fut mis en prison. Idrissa Seck, également, a passé sept mois en prison dans l’affaire des chantiers de Thiès.
Charles Gaïky DIENE
Légende : Les anciens Premiers ministres du Sénégal ont connu des fortunes diverses
SOURCE WALFADJRI