spot_img

PREMIERE SORTIE DU NOUVEL AMBASSADEUR DE FRANCE AU SENEGAL : Nicolas Normand se devoile

Date:

lobservateur.snSa nomination à la tête de l’ambassade de France au Sénégal, en remplacement de Jean-Christophe Rufin, avait créé un concert de commentaires. Nicolas Normand qui a présenté ses Lettres de créances au président de la République trace, dans cette interview accordée à L’Observateur, sa feuille de route et évoque les relations qu’il entretient avec Me Abdoulaye Wade et son fils Karim Wade. Après Brazzaville, son dernier poste avant Dakar, Nicolas Normand promet d’entretenir des relations avec l’opposition et la société civile sénégalaise, sans faire d’ingérence. Il revient sur les conditions de sa nomination et fixe d’entrée les règles du jeu, dans les relations qu’il va entretenir avec les autorités sénégalaises. Le nouvel ambassadeur de France au Sénégal donne aussi son avis sur l’avenir du Sénégal, de l’Afrique, évoque la question des Bases militaires, la place des entreprises françaises, la question du terrorisme dans le Sahara, etc. En toute liberté !

Comment Nicolas Normand, qui vient de prendre fonction, après la présentation de ses Lettres de créance au président de la République, se sent-il au Sénégal ? On a comme l’impression que vous n’avez pas atterri à Dakar sur vos deux jambes…

Ah oui ! Je ne sais pas d’où vous vient cette impression, mais j’ai très bien atterri et je me sens très bien au Sénégal. En tout cas, ma première impression du Sénégal est extrêmement positive. Parce que le pays est magnifique, d’abord. Là, on a une vue déjà de mon bureau qui est extraordinaire. La population est extrêmement chaleureuse, accueillante et amicale. Je voudrais vraiment la remercier de cet accueil qu’elle assure aux Français qui se trouvent dans ce pays et qui sont très heureux d’y être comme tous les étrangers. Donc, c’est une population très ouverte, très accueillante. En plus, ce pays donne le sentiment de beaucoup de dynamisme. On sait tous ces grands projets qui sont en cours pour le Sénégal. Clairement, on a le sentiment, comme beaucoup de pays du continent africain, que le Sénégal est en train de rejoindre les grands pays émergents. Les choses bougent beaucoup, ici. C’est une chose extrêmement séduisante. Ce dynamisme, cette jeunesse, cette activité, c’est important.

Qu’est-ce qui explique le retard constaté dans votre installation, car près de deux mois se sont écoulés entre le départ de Rufin et votre arrivée à Dakar.

En fait, mon arrivée à Dakar s’est faite sans retard, dans  des délais tout à fait normaux. Il y a eu ma nomination au Conseil des ministres en juin, l’agrément des autorités sénégalaises en juillet. Ensuite, il faut le décret, suivi de la publication dans le journal officiel, de la signature, par le Président, des Lettres de créances etc. Tout cela est une procédure assez longue. Ce qui vous donne cette impression, c’est que Jean-Christophe Rufin est parti un peu avant terme. Il aurait pu rester jusqu’à mon arrivée, s’il avait voulu. Il a préféré partir le 30 juin, sachant que je ne pourrais pas arriver tout de suite. Donc, il y a eu un petit décalage, mais qui n’a rien de très anormal.

Votre prédécesseur, Jean-Christophe Rufin, a fait état de lobbying à son détriment pour vous faire nommer à Dakar. La presse sénégalaise et celle française ont assimilé cette méthode à un retour en force des réseaux de la Françafrique, pourtant dénoncés par Nicolas Sarkozy à son arrivée au pouvoir. Quel commentaire en faites-vous ?

Ecoutez ! Non ! Les ambassadeurs, comme partout, se succèdent, mais ne se ressemblent pas. La France est diverse, comme le Sénégal. Jean-Christophe Rufin a sa personnalité, c’est un écrivain, un académicien. Il a un charisme important. Moi, je suis un fonctionnaire, un diplomate, mais un spécialiste de l’Afrique.

Diplomate de Carrière ?

Oui, diplomate de carrière. Effectivement, dès que je suis sorti de l’Ecole nationale d’administration (Ena), je suis allé au Quai d’Orsay. Et tout de suite après, sur la diplomatie africaine, avec au départ la Corne de l’Afrique. J’ai fait trois autres postes en Afrique. J’ai été conseiller de mon ministre pour l’Afrique aussi pendant trois ans. Donc, j’ai suivi pas mal d’affaires africaines. Parce que j’ai une passion pour l’Afrique. Plus on découvre ce continent, plus on est fasciné par la complexité et par l’intérêt des sujets qu’on y rencontre. Et aussi par les Africains qui sont très communicatifs et avec qui l’on peut avoir des relations très intéressantes.

Vous êtes le 5e ambassadeur du Sénégal en 11 ans. Vos prédécesseurs n’ont pas eu les meilleures relations avec le Président Abdoulaye Wade. Pensez-vous faire exception à cette règle, disons, d’instabilité ?

Ecoutez, je suis extrêmement confiant. Il ne faut pas trop regarder le passé. Il ne faut pas avoir des rétroviseurs voilés. Il faut regarder le présent avec des lunettes, avec même des jumelles. Et il n’y a pas de raisons pour que les choses ne se passent pas bien. Au contraire, j’ai été reçu par le président de la République. Nous avons évoqué le rôle d’un ambassadeur de France au Sénégal, après la présentation de nos Lettres de créances. Je crois que j’arrive ici en ami, mais cela ne doit en rien influencer une totale liberté de conscience et de travail. Par exemple, le président lui-même m’y a invité, je rencontrerai des responsables de l’opposition très prochainement. Il est évident que l’ambassadeur de France est quelqu’un d’impartial. Et donc, il doit rencontrer tous les acteurs de la société sénégalaise, qu’ils soient de la société civile comme de la société politique. Mais pour autant, il ne doit pas évidemment s’ingérer dans les affaires purement intérieures. Je crois que les choses doivent être claires à ce niveau aussi.

Concrètement, ne pensez-vous pas que cet équilibre sera difficile à appliquer dans un pays comme le Sénégal, avec un Président comme Me Abdoulaye Wade ? Quelle garantie peut-on avoir ?

Ça, vous me jugerez vous-mêmes. Je sais que les journaux ont déjà dit que je serai sous observation. Donc, j’en suis conscient. Cela étant, je considère, pour parler clairement, que le chef de l’Etat du Sénégal est une personnalité remarquable. Il a un parcours hors norme, une vision et des réalisations. Tout cela en fait un interlocuteur passionnant pour les ambassadeurs. Ce que je dis là est tout à fait objectif, je crois. Maintenant, il est du devoir d’un ambassadeur d’avoir des relations amicales avec les autorités du pays. Donc, personne ne peut me reprocher de développer des relations amicales avec les plus hautes autorités du pays. Parce que les présidents français et sénégalais sont amis. Que le Président Wade et le Président Sarkozy décident  qu’ils veulent avoir un ambassadeur qui soit au diapason de leur amitié, c’est tout à fait logique et normal. Et personne ne peut le leur reprocher, il me semble. Mais l’ambassadeur n’est pas un acteur du jeu politique sénégalais. C’est un observateur bienveillant. Cette bienveillance s’applique autant aux uns qu’aux autres, et comme je vous l’ai déjà dit, je rencontrerai tout le monde de la société civile, les leaders de l’opposition. Je les écouterai, honnêtement, sans prendre parti, non plus. Nous sommes ici dans une démocratie mature, ce n’est pas le rôle d’un ambassadeur ou d’une puissance étrangère de s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays, notamment du Sénégal, en particulier d’une démocratie mature. Voilà, les choses me paraissent claires. Je ne vois pas d’ambiguïté entre les différentes facettes du métier d’ambassadeur.

N’avez-vous pas quand même le sentiment de marcher sur des œufs et d’être pris au piège dans la bataille qui se mène à l’Elysée entre des clans, celui de Guéant-Bourgi contre André Parant et même Bernard Kouchner, ce qui serait, d’ailleurs, à l’origine du départ de Rufin ?

Ecoutez, je n’ai pas le sentiment de marcher sur des œufs. En ce qui concerne les circonstances de ma nomination, d’abord, je voudrais rappeler que le mandat de Jean-Christophe Rufin s’est terminé au bout de trois ans. Ce qui était son mandat normal. Il n’a pas fait savoir qu’il souhaitait avoir une quatrième année, qui est d’ailleurs exceptionnelle. Il l’a dit lui-même. J’avais posé ma candidature tout à fait par les voies habituelles pour être nommé ici. Donc, j’étais un candidat. Maintenant, c’est le président de la République française qui m’a choisi en âme et conscience. Il ne m’a pas fait des confidences sur tel ou tel conseil qu’il aurait pu recevoir. Je ne sais pas. Moi, tout ce que je sais, c’est qu’il m’a nommé et que le décret a été signé par le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Et que j’ai eu des réunions préparatoires à Paris et que tout s’est passé d’une façon parfaitement régulière. Donc, ma nomination est parfaitement régulière dans sa forme, dans sa procédure, son déroulement. Je pars à la fois avec les instructions de l’Elysée, du Quai d’Orsay, tout cela dans la procédure habituelle.

On a envie de vous poser une question de façon brute : quelles sont vos relations avec Karim Wade, il semble que vous vous connaissez bien ?

Tout à fait. Je l’ai rencontré à Paris. Ecoutez, c’est quelqu’un que je connais un peu, effectivement, qui m’inspire sympathie et respect. Mais, mes relations avec le ministre d’Etat Karim Wade sont, avant tout, des relations professionnelles. Et j’espère avoir toujours avec lui des relations confiantes et, si possible, amicales. Mais, de la même façon qu’avec les autres responsables politiques sénégalais, le Premier ministre par exemple, ou des personnalités de la société civile. Donc voilà, j’ai bien commencé avec Karim Wade, j’espère bien poursuivre avec lui. Et j’espère avoir la même relation confiante et amicale, avec tous les interlocuteurs qui voudront bien établir avec moi ce type de relations.

On parle de Karim Wade parce que son nom est cité dans un projet supposé de dévolution monarchique du pouvoir. Et beaucoup de Sénégalais, à l’image de l’opposition qui a adressé une lettre au Président français, s’interrogent sur le rôle que vous allez jouer, dans un contexte marqué par l’approche de l’élection présidentielle de 2012. Que répondez-vous à cela ?

Alors, j’observe. On observe. Tout le monde observe. Et en lisant les journaux, on observe ce débat qui existe au Sénégal. C’est vrai qu’on m’a fait un procès d’intention sur ce sujet. Je considère que c’est une question de politique intérieure. Pour l’instant, j’ai l’impression que c’est un débat un peu théorique. Il est évident que, de mon point de vue, il n’y a pas de position souterraine de la France, qui soutiendrait tel ou tel projet, concernant la désignation du prochain président de la République.

On a évoqué un certain «travail» de Bourgi…

Ecoutez, je ne parle pas pour d’autres personnes. Mais en ce qui me concerne, je représente la position officielle de la France sur ce sujet. Qui est la seule. Il n’y a pas de position souterraine de la France sur ce sujet. C’est-à-dire que la France est absolument neutre sur la question de l’élection de 2012. Une fois encore, le Sénégal est une démocratie mature. C’est le peuple sénégalais qui choisira librement le prochain président de la République. Ces débats auxquels vous faites allusion, je les observe comme vous.

Vous n’avez pas de point de vue particulier sur ça ?

Non, je n’ai pas de point de vue particulier sur ça, sauf, encore une fois, la France ne s’occupe pas de savoir ou d’influencer qui sera le prochain président de la République au Sénégal. L’époque est totalement révolue où des puissances étrangères voulaient tirer des ficelles. C’est une vision néo-coloniale totalement révolue. Et nous tenons, avant toute chose, à respecter totalement la souveraineté de l’Etat sénégalais.

Pourtant, on a vu que la France a influencé le cours politique dans un Etat comme le Gabon, par exemple, en aidant Ali Bongo à s’installer…

Non, je ne pense pas non plus au Gabon. L’élection au Gabon a été décidée par les électeurs gabonais. Ce sont eux qui ont choisi. Et c’est effectivement le fils d’Omar Bongo Odimba. Mais Ali Bongo Odimba a été choisi par les électeurs gabonais. Et la France n’a pas, d’ailleurs, exprimé de position à ce sujet.

On a encore vu Robert Bourgi aller, venir, s’activer etc. Pensez-vous que la question de la Françafrique est dépassée ?

Ça dépend de ce que vous voulez dire par Françafrique et de ce que vous entendez par «dépassée».

Il s’agit de ces réseaux qui s’activaient, par le passé, pour soutenir des régimes souvent sans tenir compte de la démocratie. Certains observateurs pensent que ces réseaux ont juste changé de forme avec des méthodes simplement plus raffinées, mais qu’ils sont toujours actifs au Sénégal comme ailleurs.

Alors, je ne condamne pas, a priori, les réseaux. Je veux dire que les autorités françaises, sénégalaises ou d’autres pays ont intérêt à recueillir les avis d’experts et d’analystes de part et d’autre. La voie diplomatique n’est pas la seule pour renseigner un pays. Donc, c’est très bien que telle ou telle personne fasse valoir son point de vue. C’est aux autorités, après avoir recueilli les avis, de se faire une opinion sur tel ou tel sujet. Ça, c’est pour ce qui concerne les réseaux. Il n’y a rien d’occulte.

Votre prédécesseur a pourtant dénoncé cet état de fait…

Je crois que c’est une erreur de penser qu’il y a des réseaux occultes. Les choses sont assez claires. Vous parliez même de Robert Bourgi, il exprime souvent son point de vue de manière publique et donc les choses sont assez claires pour tout le monde. Maintenant, ce que l’on appelle la Françafrique, c’est une façon d’exprimer la complexité des relations entre la France et l’Afrique. Parce qu’il y a un mélange de raison et de sentiments. Il y a une certaine passion, une certaine affectivité. Il y a des contradictions un peu héritées de l’histoire dans notre relation. Et constamment, on se retrouve devant des paradoxes. Constamment, quand on fait des déclarations politiques dans une situation donnée en Afrique, on dit que c’est condescendant et arrogant, et si on ne fait pas de déclaration, c’est la société civile de ce même pays qui dit qu’on devrait intervenir. Donc, vous voyez qu’on est toujours critiqué dans un sens ou dans l’autre. Même notre politique d’aide est souvent mal comprise. On a du mal à imaginer qu’une aide française puisse être désintéressée. On croit toujours que c’est une nouvelle forme d’ingérence néo-coloniale. Et en même temps, si on n’apporte pas de l’aide, on dit qu’on se désengage. Qu’on est ingrat, etc. Donc, on est dans une relation complexe qu’il faut gérer. Il faut aussi parvenir à surmonter définitivement les traumatismes de l’histoire : de l’esclavage ancien, très lointain, de la colonisation moins ancienne. Tout cela a créé des traumatismes dans nos relations bilatérales. Donc, il faut arriver à la moderniser, à l’adapter. La France et le Sénégal, comme d’autres pays africains, ont modernisé leurs relations. Maintenant, il y a une diversification. Tout change.

Vous dites que vous connaissez bien Me Wade. Est-ce que vous pourriez en dire de même des membres de l’opposition sénégalaise ?

Ecoutez, je viens d’arriver, vous l’avez dit vous-mêmes. Je commence mes visites protocolaires et mes visites de courtoisie. Pour l’instant, en dehors du président, du Premier ministre, je n’ai vu que quelques ministres, et je suis en train de prendre des rendez-vous avec certains leaders de l’opposition. On m’a dit qu’il y a 165 partis politiques au Sénégal, donc c’est certain que je ne vais pas voir 165 responsables.

Vous en connaissez certains ?

Oui, je les connais de nom. Tout le monde les connaît. J’irai les rencontrer, mais je ne les connais pas personnellement. Je ne les ai pas fréquentés antérieurement. J’arrive quand même avec un œil neuf au Sénégal. Et sans a priori, c’est certain.

Quels seront les grands axes de votre intervention au Sénégal ?

Je ne vais pas vous dire quelque chose d’original. N’importe quel ambassadeur pourrait vous dire un peu quelque chose qui ressemble à ça. Je vais essayer d’instaurer entre nos deux pays une relation qui reste amicale et confiante. J’ai dit qu’il y a toujours eu des difficultés liées à l’histoire, à la psychologie, donc il y aura un besoin de dialogue, pas seulement avec les autorités, mais aussi avec la société civile et la jeunesse aussi. La jeunesse sénégalaise ou africaine a une relation un peu ambivalente avec la France. Donc, il faudra discuter de leur difficulté à venir faire leurs études en France. Mais fondamentalement, mon rôle est de faciliter une bonne compréhension, une relation entre les deux pays, entre les deux populations. Chacune suit son chemin. Donc, il faut qu’elles continuent à se comprendre. Les choses bougent. Le Sénégal a beaucoup bougé, la France aussi. Donc, cela crée de nouveaux problèmes, de nouvelles incompréhensions. Donc, il faut se parler. Je pense que les questions humaines sont très importantes dans nos relations bilatérales à cause des liens qui existent. En France, la communauté sénégalaise est la première communauté subsaharienne. Ici aussi, il y a environ 25 mille Français, ce qui est beaucoup, en comptant les binationaux. Donc, les liens humains sont très forts. Il y a environ 10 mille étudiants sénégalais dans nos universités aussi, il y a environ cent mille sénégalais qui vivent en France. Ces liens humains sont plus importants que les questions économiques et géopolitiques.

On a parlé d’une perte de vitesse des entreprises françaises au Sénégal. Vous allez sans doute inscrire votre mandat dans la réhabilitation des entreprises françaises au Sénégal. Non ?

Sur ce sujet, on n’a aucune difficulté avec la grande diversité des partenaires du Sénégal. C’est une excellente chose, et la France a ses atouts dans cette concurrence. Ce n’est pas pour rien que nous sommes la quatrième ou la cinquième puissance au monde, alors que nous ne représentons qu’un (1) pour cent de la population mondiale. C’est parce qu’il y a un savoir-faire, des entreprises performantes. Donc, il faut, au Sénégal comme ailleurs, qu’on choisisse les meilleures entreprises, qui sont souvent françaises, parce qu’on est leader dans beaucoup de domaines. On l’a vu avec le Port de Dakar. Bolloré aurait probablement été très bien, mais c’est un autre qui a été pris. Evidemment, on le regrette, mais c’est le jeu normal de la concurrence. L’ambassadeur n’intervient pas trop là-dessus, parce qu’il faut laisser les entreprises se débrouiller. Si telle ou telle entreprise fait appel à l’ambassade parce qu’elle a tel ou tel problème avec tel sujet technique, on peut voir ce qu’on peut faire. Mais la plupart du temps, l’ambassade n’est pas très active sur des questions économiques par rapport à des entreprises déjà implantées. En revanche, on peut faire au Sénégal la promotion des entreprises en France qui ne sont pas encore venues, et l’on peut leur expliquer que le Sénégal est un pays en plein boom économique, et qu’il présente beaucoup de potentiel, puisque c’est un pays stable, un pays prospère et qui lutte contre la pauvreté. D’une façon générale, comme les ambassadeurs français avant moi, je ferai comme eux : défendre les intérêts communs. C’est d’abord la paix, la stabilité, la sécurité, c’est aussi la lutte contre la pauvreté, c’est la croissance économique, c’est l’insertion harmonieuse du Sénégal et de l’Afrique dans la mondialisation, c’est la démocratisation des instances de la gouvernance mondiale, comme le Conseil de sécurité, la Banque mondiale, le Fmi, etc. Sur tous ces sujets, on appuie le Sénégal et l’on s’entend très bien. Parce qu’on a des valeurs et intérêts communs.

On ne vous entend pas parler de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et de défense des libertés qui constituent, semble-t-il, des questions importantes ?

Oui, ce sont des questions importantes, mais les choses vont assez bien au Sénégal, très honnêtement.

Pourtant, il y a beaucoup de rapports qui ont épinglé le Sénégal sur la question de la corruption et du respect des droits de l’Homme ?

Sur la question des droits de l’Homme et des libertés, le Sénégal est un des pays les plus respectés, en Afrique et dans le monde, sur ce sujet-là. Sur la question de la gouvernance économique, le Sénégal a des accords avec la Banque mondiale, le Fmi, qui donnent une caution à la bonne gouvernance de ce pays. Donc, la gouvernance au Sénégal, rien n’est parfait, en France non plus, aucun pays n’est irréprochable, mais globalement elle est assez bonne au Sénégal.

Vous avez sans doute entendu parler de l’affaire Ségura ?

Si, je ne connais pas les détails de cette affaire, j’en ai entendu parler, il y a eu des articles dans la presse. Sur ces différentes questions, il faut toujours tendre à être meilleur. Voilà ! Mais les pays du Nord ne sont pas non plus des donneurs de leçon. Je pense que la presse, que vous représentez très bien dans ce pays, a un rôle important à jouer. Donc, il existe dans la société civile sénégalaise pas mal de contre-pouvoirs, et des moyens d’améliorer la gouvernance et d’accentuer la lutte contre la corruption. Mais ça rejoint les idéaux de la plupart des pays.

Que pensez-vous du retrait des Bases françaises du Sénégal ? Cela contribue-t-il à rendre les relations moins «tumultueuses» avec la France ?

Concernant les Bases françaises en Afrique, le Président français Nicolas Sarkozy s’était exprimé, il y a quelque temps déjà, en rappelant que la plupart des accords, qui existaient, dataient du lendemain des indépendances, avaient été signés dans un contexte complètement différent, et qu’il fallait les moderniser. D’autant plus que la présence de forces permanentes françaises peut être perçue, par tel ou tel autre pays africain, comme un symbole néo-colonialiste. Il faut donc en parler, et ça a été le cas. Le président de la République du Sénégal a soulevé, à juste titre, cette question, qui a été discutée de façon tout à fait ouverte avec la France, sans aucun sentiment négatif. Une cérémonie symbolique et solennelle de restitution des emprises sénégalaises qui servaient l’Armée française, s’est même déroulée en juin dernier. Maintenant, il nous faut mettre en œuvre cette décision. Cela devrait se passer durant mon mandat. Premièrement, nous allons plier bagage d’un certain nombre d’emprises, tout de suite. Deuxièmement, nous avons proposé aux autorités sénégalaises d’avoir un petit délai logistique pour évacuer d’autres emprises. Enfin, nous avons demandé de pouvoir conserver certaines emprises, que l’Etat sénégalais voudrait bien nous accorder pour maintenir une coopération bilatérale et régionale en matière militaire. Il est dans notre intérêt commun de poursuivre une coopération qui est ancienne et qui fonctionne bien, et dont nous sommes très satisfaits. Le Sénégal est souvent cité en exemple dans le monde, du point de vue militaire. C’est le pays africain qui a le plus de casques bleus (3 500 dans le monde entier). C’est également une Armée républicaine, qui n’a jamais tenté de saisir le pouvoir, contrairement à d’autres pays, et qui compte énormément de militaires extrêmement bien formés. Bref, c’est une Armée avec laquelle nous coopérons en pleine confiance et en pleine amitié.

Comment voyez-vous l’avenir du Sénégal et de l’Afrique de manière générale dans le concert du monde ?

C’est un sujet très important parce qu’après les indépendances, les premières décennies ont été difficiles. Il y a eu un retard du continent africain par rapport à d’autres régions du monde. Mais on a tous le sentiment maintenant, il y a des tas d’études faites, les experts sont d’accord entre eux sur ce sujet, le continent africain est maintenant le grand réservoir de croissance et de développement économique dans le monde. C’est pour cela que ce continent attire tant de pays maintenant. C’est pour ça que les ambassades sont très intéressées par le Sénégal, qui est un Etat de droit. Les pays qui réunissent ces conditions, Etat de droit et stabilité, ont un potentiel important. Il y a aussi et surtout le dynamisme démographique auquel n’échappe pas le Sénégal. Le dynamisme démographique fait que le continent africain, qui a environ neuf cent millions d’habitants, pour l’Afrique subsaharienne, va passer à partir de 2050 à près de deux milliards d’habitants. Donc, ça fait un marché absolument incroyable, avec essentiellement une population très jeune et très dynamique. Le continent africain, c’est la dernière grande frontière du développement économique. Toutes les puissances économiques qui existent ont un peu saturé leur marché intérieur, même si ce n’est pas encore le cas de la Chine, mais c’est le cas des pays les plus développés. Et donc ils regardent avec convoitise vers l’Afrique. Donc le Sénégal et les autres pays africains vont être de plus en plus courtisés. C’est comme ça que les choses se passent.

Courtisés par le terrorisme aussi avec Al Qaida qui se développe dans le Sahara…

Quand j’étais au Mali, c’était au tout début. Cela n’a rien à voir avec le sujet précédent. A la limite, la croissance économique, si elle se développe, elle tarit dans l’œuf les tentations ou les dérives terroristes. Les terroristes peuvent avoir différentes motivations. Cela étant, c’est un problème qui est sérieux, qui est menaçant aux frontières du Sénégal et qui doit être traité par tous les moyens, par des moyens malheureusement militaires répressifs, par des moyens économiques aussi, sans doute. Il ne faudrait pas qu’il y ait des zones de non-droit ou qu’il n’y ait pas d’Etat. Il faut qu’il y ait une présence des autorités et un développement partout, ça évitera que des phénomènes de ce genre se développent.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_img

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE