ENQUETE – Ce lundi est jour de vérité pour le Professeur Abdoulaye Bathily qui sera l’une des figures attendues lors du 28e sommet de l’UA qui démarre à Addis-Abeba. Même à ce stade, on ne peut dire si notre compatriote va remporter la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA). En tout cas, il est l’un des grands favoris au poste.
Traditionnellement, la présidence de l’UA tourne entre les pays anglophones et francophones. Avec la démission de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, le Kenya qui s’est battu pour le poste reste dans le giron anglophone. Mais, il s’est heurté au refus du Sénégal qui croit que le poste doit désormais refléter les véritables ambitions du continent africain, eu égard aux enjeux de notre époque.
D’autant plus que le président de la Commission de l’UA est le comptable en chef de la communauté et le porte-parole de l’organisation en même temps qu’il dirige les relations avec d’autres organismes internationaux.
Le Sénégal déjoue les pièges et resserre les rangs autour de Bathily
Dans cette quête du pouvoir à l’échelle continentale, le Sénégal reste donc plus qu’optimiste, après avoir fait une campagne solide en faveur d’Abdoulaye Bathily. Là où le Kenya a été obligé de revoir sa copie, après les dernières incursions diplomatiques du Tchad dans ce qu’il croyait être ses soutiens définitifs. Mieux, un vent très favorable de dernière minute soufflerait en faveur du candidat sénégalais.
Car, dans les coulisses du centre international de conférence d’Addis Abbéba, un bruit persistant a couru ce dimanche selon lequel la candidature du Tchadien Moussa Faki Mahamat serait forclose et pourrait donc être disqualifiée, ce lundi. En attendant d’en savoir un peu plus sur cette fuite, on est à peu près sûr que le Sénégal a bien mobilisé les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) derrière le candidat Abdoulaye Bathily.
En effet, le Sénégal et le Nigeria se sont beaucoup rapprochés, ces derniers mois, autour de plusieurs questions d’intérêt commun, comme la Gambie et la lutte contre le terrorisme. Le Kenya espérait pouvoir compter sur le géant nigérian qui vise la présidence du Conseil de paix et de sécurité.
En outre, le coup de poker tenté par le Kenya sur les pays membres de la CEDEAO a échoué. Les tensions diplomatiques entre le Sénégal et la Gambie faisaient l’affaire du Kenya qui en tirait un grand bénéfice. Yahya Jammeh avait en effet garanti le vote de la Gambie au Kenya en réaction à l’activisme débordant de Macky contre son régime défait par les urnes le 1er décembre dernier. Sauf que Yahya Jammeh a été contraint de céder le pouvoir à son tombeur Adama Barrow. Le nouveau leader gambien, qui a largement été soutenu par le Sénégal, va rendre la politesse au Sénégal.
La Gambie va donc voter en faveur d’Abdoulaye Bathily. Et jusqu’à quelques heures du sommet, le Président Macky Sall, qui surfe sur la résolution de l’équation politico-diplomatique gambienne, a poursuivi ses concertations pour harmoniser les points de vue au sein de la CEDEAO. Ce dimanche, à Addis-Abeba, Macky Sall et ses homologues du Burkina Faso, du Cap-Vert, du Ghana, de la Guinée, du Libéria, du Niger, du Togo et de la Sierra Leone ont discuté à huis-clos, en présence d’Abdoulaye Bathily.
Macky Sall abat ses cartes sur tous les fronts
Quant aux 15 autres pays membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), il n’est pas encore sûr qu’ils feront tous bloc autour de la Botswanaise Pelonomi Venson-Moitoi. Là aussi, le lobbying de Dakar et de ses soutiens n’a pas été en reste. Et ce n’est pas tout. Le Président Macky Sall a réussi à obtenir, à la dernière minute, l’appui du président de Djibouti, un membre de l’IGAD qui devait soutenir le Kenya.
Ce dimanche, les deux leaders ont longuement discuté dans la capitale éthiopienne. La dernière carte du Sénégal, dans son lobbying intense en faveur d’Addoulaye Bathily, est d’obtenir le retour du Maroc dans l’Union africaine, avant le vote. Ce qui serait une voix supplémentaire et non des moindres en faveur du candidat sénégalais dont le pays a dernièrement renforcé ses liens avec le royaume chérifien.
En quittant Nairobi ce samedi, Amina Mohamed a eu cette petite phrase à l’endroit de la presse de son pays : « Priez pour moi ». Sauf qu’au Kenya, les observateurs restent persuadés que l’affaire va plus loin que de simples prières. Car dans ce pays qui positionne la candidate la plus à même d’inquiéter Abdoulaye Bathily, on est persuadé que les postulants des pays francophones, à savoir le Tchad et le Sénégal, sont mieux placés pour remporter le poste de Président de la Commission de l’Union africaine.
En témoignent ces propos de Ndungu Wainaina, directeur exécutif de l’International Center for Policy and Conflict (ICPC), qu’EnQuête a réussi à accrocher au téléphone. Selon cet éminent Kényan, qui est aussi expert en géopolitique internationale, « l’UA est devenue audacieuse et forte.
Or l’administration actuelle au pouvoir au Kenya veut le poste de Président de la Commission de l’Union africaine pour se donner une envergure internationale et manipuler d’autres Etats », explique-t-il. Il conclut en disant que « le meilleur candidat devrait être choisi indépendamment de son origine pour servir les intérêts du continent ».
Plus que quelques heures et l’on saura qui de l’Équato-Guinéen Agapito Mba Mokuy, de la Botswanaise Pelonomi Venson-Moitoi, du Sénégalais Abdoulaye Bathily, du Tchadien Moussa Faki Mahamat, et de la Kényane Amina Mohamed Jibril sera le nouveau président de la Commission de l’UA.