Le vainqueur de l’élection présidentielle a promis de baisser de 30% sa future rémunération comme celle des membres de son gouvernement. Mais en intégrant l’Elysée, François Hollande gagnera néanmoins bien mieux sa vie qu’aujourd’hui.
Dans sa feuille de route présidentielle, François Hollande a mis cette mesure phare tout en haut: « Je réduirai de 30% la rémunération du président de la République et des ministres ». Ce sera sa première décision dès le premier Conseil des ministres, prévu pour le mercredi 16 mai.
Actuellement, le président de la République perçoit une indemnité nette mensuelle de 19.331 euros. La réduire de 30% la ramènerait à 13.532 euros par mois. La mesure est à forte charge symbolique, marqueur de justice dans le partage de l’effort qui sera demandé à tous les Français pour redresser les comptes publics.
Pour autant, l’effort est à relativiser si l’on considère que, dès son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy avait augmenté cette rémunération de 172%, arguant qu’il fallait l’aligner sur celle du Premier ministre et la rendre plus comparable avec celle des autres chefs de l’Etat européens. Avant le 1er janvier 2008, l’indemnité de président de la République n’était donc que de 7.084 euros par mois ! Mais Sarkozy a souligné à bon droit que, avant qu’il en décide autrement, les comptes de l’Elysée n’étaient pas audités, laissant entendre que derrière cette « modeste » indemnité de façade, les présidents percevaient souvent d’autres subsides en toute discrétion.
Aujourd’hui, Hollande gagne 8.400 euros bruts par mois
En tout cas, en décidant de réduire son salaire d’un petit tiers, Hollande s’affiche bien plus vertueux que son prédécesseur Sarkozy, qui avait créé un certain tollé en se contentant de geler son salaire « jusqu’au retour à l’équilibre strict des finances publiques ». Et, s’il n’est pas pionnier sur le sujet, il est celui qui va le plus loin : pendant la crise, en 2009-2010, les gouvernements espagnols, portugais et irlandais et même les conservateurs, Silvio Berlusconi en Italie et David Cameron au Royaume-Uni, ont baissé leurs salaires pour mieux faire passer leurs plans d’austérité, mais plutôt de 5%, 10%, au pire 15%.
Mais même avec cette indemnité réduite, François Hollande président de la République sera bien mieux payé que François Hollande député et président du conseil général de la Corrèze. En brut, son indemnité de parlementaire s’élève à 7.100 euros par mois. Mais il perçoit également une indemnité en tant que président de Conseil général dont le montant est limité par la règle de cumul des mandats, qui plafonne l’addition de la rémunération de député et celle d’un autre mandat électif à une fois et demie le montant brut de l’indemnité parlementaire de base, soit 8.270 euros. Ainsi, Hollande touche 2.300 euros bruts supplémentaires en tant que patron du département de Corrèze. Soit un total de 8.400 euros bruts par mois. Et en net ? Dans l’Express, en février dernier, François Hollande avait donné le montant de son revenu imposable 2010 inscrit sur sa feuille d’impôts: 78.516 euros… ce qui équivaut à 6.543 euros par mois.
Un Président dont quasiment toutes les dépenses sont prises en charge
Passer de 6.500 à 13.500 euros mensuels : François Hollande va donc plus que doubler son salaire ! Sachant, en plus, que si les députés ont droit à une confortable enveloppe, de 15.500 euros bruts mensuels, pour couvrir leurs frais (voiture et transports, rémunération de collaborateurs, location et entretien de la permanence parlementaire, frais de présentation, etc), ce n’est rien en comparaison des fastes que la République accorde à celui ou à celle qui la préside.
La rémunération du Président n’est en effet que de « l’argent de poche » car les salaires de son cabinet et ses moindres dépenses entrent dans le budget de l’Elysée : le Palais, vaste hôtel particulier XVIIIe pour logement de fonction -avec toute latitude pour réaménager les lieux en puisant dans les meubles précieux du Mobilier national-, une brigade de cuisine et une cave de vins fins à disposition, du personnel et une escouade de voitures de fonction avec gyrophares et chauffeurs, une flotte d’avion – dont un Airbus A330 dont l’aménagement n’a rien à envier avec l’Air Force One mis à la disposition du Président Obama – des crédits de réception et de garde-robe quasi-illimités.
Sarkozy gagnera-t-il plus d’argent en quittant l’Elysée ?
Pour Nicolas Sarkozy, les ors de la République, c’est fini. Mais, il l’a répété, ce n’est pas en faisant de la politique qu’on fait fortune, même si son patrimoine aura progressé de 30% durant son quinquennat. Et, il a plusieurs fois laissé entendre qu’après, il comptait se rattraper. « Je ne ferai qu’un quinquennat. Je veux réformer la France et ensuite, je gagnerai beaucoup d’argent » disait-il déjà en 2007, quelques semaines après son entrée à l’Elysée. Il est vrai que les exemples étrangers sont inspirants.
Ainsi, la presse britannique estime que Tony Blair, l’ex-premier ministre travailliste britannique aurait amassé pas moins de 35 millions d’euros depuis sa démission en 2007 ! Plus de 5,5 millions pour l’écriture de ses mémoires, au moins 200.000 euros par conférence donnée, près de 3 millions par an pour son activité au conseil de la banque JP Morgan et de l’assureur Zurich Financial. Jackpot : fin 2011, Blair a été recruté par Noursoultan Nazarbaïev, l’homme fort du Kazakhstan, comme consultant économique et politique pour… 10 millions d’euros par an ! Moins riche que Blair mais bien plus que du temps où il était chancellier d’Allemagne, le social-démocrate Gerhard Schröder gagnerait actuellement environ 600.000 euros par an, en tant que conseiller du groupe de presse suisse Ringier, de la banque Rothschild, administrateur du groupe pétrolier TNK-BP… mais surtout que président du consortium en charge de la construction du gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, pour le compte de la société russe Gazprom.
L’ancien chef du gouvernement espagnol, le conservateur Jose Maria Aznar, s’est lui aussi reconverti dans le business : il reçoit 200.000 euros par an de la société électrique Endesa et 180.000 euros annuels en tant qu’administrateur du groupe de médias de Rupert Murdoch, News Corporation. Ses conférences sont facturées dans les 40.000 euros. Nul doute que Nicolas Sarkozy pourrait au moins faire aussi bien.
CHALLENGE.FR