Le doute n’est plus permis : Cheikh Bamba Dièye qui a l’ambition de présider aux destinées du Sénégal, sera candidat en 2012. La candidature unique de l’opposition voulue par ses leaders est ‘une chimère’, selon lui.Le maire de la ville de Saint-Louis, invité par les Nations Unies à Genève, à une conférence sur les réductions des risques liés aux changements climatiques, avertit, par ailleurs, le président Wade dont il prédit la défaite : ‘Il y aura plus qu’un printemps arabe si quelqu’un veut dévier le vote des Sénégalais pour se maintenir au pouvoir’.
Wal Fadjri : Comment envisagez-vous l’élection présidentielle de 2012
Cheikh Bamba Dièye : En 2012, il faudra changer radicalement le personnel politique de même que la manière de faire de la politique au Sénégal. 2012, c’est la fin au moins de deux générations post-indépendance. Le Sénégal n’est pas encore sorti de l’ornière dans nombre de domaines et même dans des secteurs où il était auparavant très performant. Nous constatons un recul dramatique dans notre pays. 2012 est une occasion idéale pour les citoyens sénégalais pour se donner rendez-vous afin de dire ce qu’ils veulent faire de leur pays, quel type de Sénégal ils souhaitent et se donner aussi les moyens de construire ce Sénégal par le choix libre d’hommes et de femmes qui le dirigeront.
Il y aura une élection présidentielle et des élections législatives. Ce sera une occasion unique de nous départir des habitudes du passé et de nous inscrire résolument dans la dynamique du monde moderne qui est concurrentiel. C’est pourquoi en tant qu’homme politique, je ne peux ni occulter ce phénomène ni faire semblant. Je suis très concentré là-dessus.D’autant que j’estime que mon parti, le Fsd/Bj, aura un rôle majeur à jouer.Depuis un moment, nous travaillons à ce que ce rôle que nous jouons, puisse se faire dans le sens de la consolidation de l’identité sénégalaise et surtout de la consolidation d’un Etat de droit, d’une véritable République où les gens sont au travail pour aider le pays à avancer.
Comment éviter un printemps arabe au Sénégal ?
Cela dépend de ce que nous, les hommes politiques, nous ferons. Si l’on permet aux citoyens l’exercice de ce qui leur revient de droit, à savoir la liberté de choisir sans entrave qui doit diriger le pays, nous serons dans des conditions normales pour avoir des lendemains d’élections paisibles. Mais si quelqu’un parmi nous – et là je parle du pouvoir – a des volontés de se maintenir par-dessus tout et par-delà tout, il est évident que nous risquons d’avoir plus que le printemps arabe. Le Sénégal, croyez-moi, n’est pas une terre exceptionnelle où rien ne nous arrivera. Il nous arrivera ce que nous aurons semé. Et depuis très longtemps, nous sommes en train de semer beaucoup trop de choses qui sont aux antipodes de la construction d’une paix durable. Et cette paix-là, commence par retourner aux citoyens leur liberté, surtout leur capacité de choisir, sans que ce choix ne soit ni corrigé ni dévié.
‘Ce qui est important est que chacun cristallise ce qu’il peut cristalliser de l’électorat et qu’on ait le courage en tant que leader et en tant que compétiteur de nous mesurer. Laissons les Sénégalais apprécier le travail que nous avons fait. C’est bon pour nous et c’est bon pour le pays’
Pensez-vous pouvoir battre Wade sans une unité de l’opposition ?
Ceux qui vont battre Abdoulaye Wade, ce ne seront pas les politiques, mais les citoyens. Ce qu’il a fait, il l’a fait aux citoyens, aux Sénégalais. Il est illusoire de chercher une chimère. Il faut que les partis politiques comprennent que l’élection reste avant tout une compétition entre des formations politiques et un moment pour le citoyen de déterminer quelle est la formation politique ou le groupe de partis qui est à même de lui apporter le changement qu’il souhaite. Nous nous méprenons en pensant que c’est un débat entre Abdoulaye Wade et les hommes politiques alors que c’est un combat entre lui et les citoyens sénégalais. J’estime que ces citoyens sont plus en avance que les hommes politiques, notamment de l’opposition. Ces citoyens ont déjà montré en 2009 que, quel que soit le type de schéma que l’opposition leur présentera, ils ne voteront pas majoritairement pour Abdoulaye Wade. Et si nous admettons qu’ils ne votent pas majoritairement pour Abdoulaye Wade, pourquoi nous fatiguer pour demander une unité de l’opposition, étant entendu que cette unité telle que déclinée va inhiber certaines formations politiques et faire que d’autres vont se complaire dans le magma pour récolter les efforts que d’autres fourniront. Cela n’a pas de sens.
Et les délais ne nous permettent plus de frapper un mur blindé qui ne risque pas de s’ouvrir et, auquel cas où il s’ouvrirait, ne nous apporterait pas grand-chose. Alors, ce qui est important est que chacun cristallise ce qu’il peut cristalliser de l’électorat et qu’on ait le courage en tant que leader et en tant que compétiteur de nous mesurer. Laissons les Sénégalais apprécier le travail que nous avons fait. C’est bon pour nous et c’est bon pour le pays. Et ceci règle pas mal de choses.
Mais si, par miracle, l’opposition arrive à s’unir, alors laissons les partis participer à une compétition pour voir qui est premier et qui est deuxième. C’est la seule manière d’éviter que quelqu’un vienne réclamer ce qui n’est pas son dû. Les Sénégalais auront la possibilité de dire qui vaut quoi et sur qui ils porteront leur choix. Et nous, en tant que démocrates, nous n’aurons qu’à nous plier à leur volonté. Le parti ou le groupe de partis qui sortira le premier, devra nécessairement bénéficier de l’apport de toutes les autres formations de partis de l’opposition si nous sommes dans la dynamique de consolider le changement.
Aujourd’hui, il y a un débat important sur l’inscription sur les listes électorales, sur le sens que nous donnons à la République, sur les réformes à apporter et sur lesquelles on nous dit que les Assisses nationales ont tout embrassé. Oui, mais quand on embrasse tout sur le plan ponctuel, on fait quoi ? Et comment pensons-nous y arriver ? Il faut être généreux avec le Sénégal, c’est-à-dire que chacun, malgré la grande réflexion qui a été posée, doit apporter quelque chose en phase avec cette grande réforme. Essayons de nous nourrir de nos différences et en positivant pour aller de l’avant, tout en laissant aux Sénégalais, comme c’est écrit dans la Constitution, le pouvoir qui appartient au peuple. C’est au peuple sénégalais de décider qui va exercer ce pouvoir en son nom.
Mais il y a eu le précédent de 2000 avec un Wade élu grâce au soutien de grands partis de l’opposition au deuxième tour auxquels il a fini par tourner le dos. Ne serait-il pas important de s’entendre sur un projet de société bien ficelé, avant de parler de retrouvailles mécaniques au deuxième tour ?
Certes, chat échaudé doit craindre l’eau froide. Quand l’opposition s’est retrouvée derrière Abdoulaye Wade sous le seul prétexte qu’il fallait descendre Abdou Diouf, on a vu le résultat. Faudrait-il encore que nous reconduisions cette même erreur ? Pourquoi alors chercher un homme providentiel tout en sachant qu’il n’existe pas ? Telle que notre Constitution est configurée aujourd’hui, une fois qu’un président de la République est élu, c’est terminé. C’est lui qui est élu ! Il ne faudrait donc pas, sous le prétexte de rapprocher les gens et de les mettre ensemble, dire que si nous ne sommes pas unis, nous ne gagnerons pas. Si nous ne sommes pas unis pour servir un individu, il est clair qu’il ne gagnera pas. Le plus important aujourd’hui, c’est de rester dans les règles de la compétition. Et ne soyons pas dogmatique sur la question de la candidature unique. Si cela se fait, c’est bon et si cela n’est pas le cas, ce n’est pas la fin du monde.
Serez-vous oui ou non candidat à la présidentielle de 2012 ?
Quelle que soit notre position par rapport à cette élection, le Fsd/Bj reste un élément incontournable dans le dispositif politique au Sénégal. C’est notre travail et l’aspiration des Sénégalais en notre endroit qui l’ont favorisé. Nous restons alors conforme à notre premier engagement qui est de faire en sorte que le vrai changement – pas un simulacre de changement – se fasse. Le minimum est la posture que nous avons adoptée. Ma mission, celle de ma formation politique est de veiller à ce qu’aucune formation politique au Sénégal ne puisse nous faire retourner vers le passé. Nous sommes bien sûr dans une dynamique pour que l’opposition trouve un seul candidat. Une dynamique à laquelle nous laissons une chance, mais quel que soit le cas de figure, nous sommes dans une situation d’être candidat, comme nous l’avons été en 2007. J’ai été candidat et je suis encore capable de l’être car, entre temps, j’ai beaucoup mûri. En effet, j’ai prouvé aux Sénégalais ce dont j’étais capable en un temps record quand ils nous ont confié la ville de Saint-Louis. Le travail réussi à Saint-Louis donne une optique et une vision sur mes capacités réelles et sur mes disponibilités pour aider le Sénégal.
Propos recueillis à Genève par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)
walf.sn