L’imposante vue panoramique sur la mer qui s’offre à toute personne empruntant la Corniche Ouest pour aller vers les Almadies est brutalement freinée par les édifices et multiples chantiers érigés à partir de la Cour Suprême. Une multitude de bâtisses masquent la vue privant ainsi l’accès des populations à la plage, pourtant inscrite dans le Domaine Public Maritime.
Corniche Ouest. De Dakar Plateau à la Cour Suprême, en passant par la Porte du Millénaire et la plage de Soumbédioune, une vue panoramique de la mer s’offre à tout passant. Les vagues qui s’écrasent sur les rochers, ainsi que l’air marin qui caresse les visages des usagers de ce tronçon procurent une impression de bien être. Une grande bouffée d’oxygène s’offre aux passagers sur la Corniche Ouest, après un étouffement monstre dans le centre ville de Dakar, pollué à mourir.
Réveil brutal ! A partir de la Cour Suprême ce n’est plus le grand large si prompt à la rêverie. Un écran géant de béton obstrue la vue et prive les passants de la brise marine et du moutonnement des vagues. La Pointe de Fann est devenue inaccessible au public. La plage vers laquelle convergeaient les jeunesses de Fann, Gueule Tapée et de la Médina et d’où l’on pouvait avoir une vue plus proche de l’Ile au Sarpent est entièrement cédée à des privés. Sur cet unique lopin de terre très avancé dans la mer qui restait à Dakar qui restait à Dakar, se dressent quatre infrastructures. Il y a juste une petite «baignoire» aménagée entre le Magique Land et l’hôtel Terrou Bi, pour recevoir toutes les populations environnantes. Le comble, un mur dénommé par d’aucuns «Mur de la Honte», et par d’autres «Mur de la frustration», sort de terre, comme si de rien n’était, bloquant du coup toute la vue sur mer et même interdisant l’accès aux populations.
Cependant, le sourire revient au rendez-vous en voyant le parcours des sportifs, sise entre la Pointe de Fann et la Plage du Souvenir. Tout un dispositif sportif est mis à la disposition des populations de Dakar, pour la plupart des étudiants. Ici on a la possibilité de respirer l’air pure, venant tout droit des entrailles de l’océan Atlantique. A cet endroit de la Corniche Ouest la plage s’offre gracieusement aux usagers, et donne ainsi un visage radieux et splendide à la ville de Dakar.
Hélas, tout retombe dans la tristesse et la désolation dès qu’on continue vers les Almadies, plus précisément, entre la Plage du Souvenir et les Mamelles. Tout se perd derrière d’imposantes bâtisses privées. Plus de vents frais, ni de vagues ni de brises marines. Impossible de contempler les bateaux au large. Que du béton et des rochers.
Le Domaine Public Maritime n’existe plus ou presque plus. Hôtels, villas luxueuses, commerces, etc., occupent tout le littoral de Dakar, obligeant les populations de la ville à s’entasser sur une seule plage accessible au public, notamment celle de Ngor ou bien au ‘’Plongeoir’’ de la Cour Suprême. La Corniche Ouest qui a perdu son lustre d’antan présente ainsi un visage hideux , dégradé malmené et asphyxié par l’œuvre humaine. Comme qui dirait «le Poumon de Dakar se meurt».
REACTIONS …REACTIONS…REACTIONS
Abdou Birahim Diop, Division de l’Aménagement urbain de Dakar
Le Bien public ne doit pas être privatisé
«La corniche est une zone non aedificandi. On n’a pas le droit d’y faire des constructions en dur», soutient Abdou Birahim Diop, ingénieur aménagiste et chef de la Division de l’Aménagement du territoire de l’urbanisme et de l’habitat à la Direction de développement urbain de la Ville de Dakar. Il fait remarquer que la plupart des édifices déjà construits ou toujours en construction au niveau de cette zone sont illégales et en violation du Code de l’urbanisme et de l’habitat qui dit que le domaine maritime public est «inaliénable et imprescriptible».
Depuis 2009, la mairie n’a délivré aucune autorisation de construire sur la corniche
«Toutes les constructions que vous voyez au niveau de la corniche ouest sont fait sur la base d’un déclassement de cette zone et ensuite transféré dans le domaine public de l’Etat qui, par la suite octroie des baux. La mairie de Dakar n’appose pas sa signature sur les demandes de permis de construire sur la corniche. C’est une volonté politique. L’équipe municipale actuelle, en place depuis 2009, a reçu des instructions claires. Le maire de Dakar nous a demandé de ne pas porter à sa signature tout dossier d’autorisation de construire sur la corniche. Toutes les demandes de construire sur cette zone de la corniche que nous avons reçues, nous les retournons au service de l’urbanisme. Mieux, nous avons demandé que les autorisations de construire sur la corniche ne soient pas ouvertes».
« Une ambassade, ce n’est pas un projet de l’Etat»
Rejetant en bloc le motif évoqué par la direction de l’urbanisme pour justifier la bénédiction donnée aux Turcs, malgré le refus catégorique de la ville de Dakar, il martèle : «Les Dakarois ont le droit d’avoir une vue sur la mer et la mairie est appelée à préserver ce droit des habitants de la ville de Dakar». Et de poursuivre : «Nous avons 26 plages à Dakar, les 15 sont autorisées, les 11 ne le sont pas. Avec la ville de Marseille, qui est une ville jumelle, nous avons élaboré un plan d’aménagement et de gestion pour faire de ces zones-là, des espaces de détente réservés à la population de Dakar». Il note aussi que «sur la corniche, à part ce qui reste du plongeoir, il n’y a plus de plage fréquentable. Nous en appelons à la sérénité et au patriotisme, le bien public ne doit pas être privatisé».
Action citoyenne pour la défense de l’environnement de Fann Hock
« Nous ne voulons pas de ce mur«
Selon M. Touré, président de l’ Association Action citoyenne pour la défense de l’environnement « la corniche doit être préservée, aménagée au profit de la population de Dakar». Fustigeant l’érection du mur de l’ambassade de Turquie dans cette zone, il dit constater » la poursuite de l’impunité dans la gestion du littoral avec le bradage des terres au profit des intérêts crypto individuels et partisans». Aussi a-t-il exigé, « au-delà de la pointe de Fann, l’arrêt systématique de toutes les constructions au niveau de la corniche, l’audit foncier du littoral et l’adoption du projet de loi sur le littoral».
Discussions au sommet
Selon Moussa Sarr, Directeur de cabinet de Khoudia Mbaye, «le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, le ministère de l’Intérieur, la Ville de Dakar et les plus hautes autorités de l’Etat et l’ambassade de la Turquie sont en train de prendre en charge cette question ». Il dit ne pas vouloir « en dire plus ».