La bataille des procédures s’est encore poursuivie hier, jeudi 21 août 2014, au cours du procès de Karim Wade. Cette fois, la défense s’est rapprochée de la Cour pour plaider des exceptions en vue d’obtenir l’annulation de la procédure enclenchée contre l’ancien ministre libéral. En réaction, le Parquet spécial a nié et démonté les arguments justifiant lesdites exceptions. Le procès reprend lundi prochain.
Devant la Crei, les conseils de la défense de Karim Wade ont continué jusqu’à hier, jeudi 21 août 2014, de soulever des exceptions tendant à obtenir l’annulation de toute ou partie de la procédure. C’est dans ce cadre que l’exception de l’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal a été demandée. En effet, a estimé Me Borso Pouye, « moralement, l’Etat ne peut pas se constituer pour des biens supposés illicites ». Et d’indiquer dans la foulée, « la société lésée est représentée par le parquet spécial ». Dans la même veine, Me Moustapha Ndoye dira que « l’Etat ne pourra pas invoquer le préjudice de restitution ou du moins de l’octroi des dommages et intérêts car la loi sur la Crei n’a pas prévu une voie de recours en sa faveur, contrairement aux autres ».
Fustigeant la promesse non tenue de la défense qui avait pris l’engagement d’exposer toutes les exceptions à l’audience du mercredi passé, Antoine Felix Diome, substitut du procureur spécial, a relevé le cafouillage qui caractérise les conseils de la défense. « Les avocats qui se contredisent à la barre, une avocate qui traite ses confrères du même collectif, de brouillons ». Qui plus est, il pointera du doigt « le désordre qui a particularisé leurs interventions car on avait l’impression d’être à un moment dans le fond de l’affaire ». Revenant sur les exceptions de la défense, M. Diome a expliqué une situation inchangée. « Il n’y a rien de nouveau dans leurs exceptions ».
Poursuivant, l’adjoint d’Alioune Ndao a fait savoir que : « les droits de la défense ont toujours été respectés en ce sens que le dossier a été mis à la disposition des conseils depuis le début jusqu’à cette étape». Pour les nullités relatives à la durée de l’information, de l’annulation de l’arrêt de renvoi et de la désignation des administrateurs provisoires, le substitut spécial reste convaincu que « les formalités substantielles ont été respectées et les raisons exposées ».Toujours est-il, à ses yeux, que « la défense a la liberté de rejeter le raisonnement juridique avancé ».
En renfort à son substitut, le procureur spécial Alioune Ndao a estimé qu’ « il n’y a rien d’immoral pour l’Etat à se constituer dans la mesure où il peut invoquer un préjudice moral causé par un fonctionnaire qu’il emploie ». L’Etat, pour M. Ndao, « peut intervenir pour demander ne serait ce qu’un franc symbolique ».
La nullité de l’enquête préliminaire effectuée par la section de recherches à cause d’une violation du décret d’application de la loi sur la Crei a été soulevée par la défense. Rappelant les possibilités offertes au parquet spécial, M.Ndao a expliqué les raisons qui ont conduit à confier l’enquête à la section de recherches de la gendarmerie de Colobane dirigée par le commandement Cheikh Sarr. « L’enquête est légale car M. Sarr, au regard de la loi sur la Crei, peut faire l’enquête à titre individuel. Une seule personne ne pouvant pas effectuer toutes ses tâches, il a senti la nécessité de se faire assister par d’autres officiers de police judiciaires »précise-t-il. Et de préciser : « l’exception de propriété soulevée par la défense pour demander un sursis à statuer ne prospère pas en ce sens que le patrimoine de Karim Wade ne se réduit pas aux biens immobiliers mais il y a des sociétés, un aspect financier ». Au terme de son réquisitoire, le parquet spécial a demandé à la Cour de rejeter toutes les exceptions de la défense.
ECHOS…ECHOS…ECHOS…
L’essoufflement d’une plaidoirie de 3h ininterrompues
Sacré Ciré Clédor Ly. Le premier avocat de Karim à se jeter dans la mare des plaidoiries a gratifié le public d’un chapelet d’exceptions. « Le pénaliste maison » comme l’appelle le procureur spécial Alioune Ndao a subitement été gagné par l’essoufflement. La fatigue se ressentait sur le visage, sa façon de parler. D’ailleurs, le Président de la Cour ne s’est pas gêné pour lui dire : « Soyez bref et pensez à vos confreres. Vous avez parlé plus de deux heures». Et Ciré Clédor Ly de lui répondre : « Moi-même, je suis fatigué parce que vous avez demandé à ce que tout soit soulevé en même temps ». Qui disait que moins la plaidoirie est courte, plus elle est convaincante.
Abus de patience
Deux jours durant, les avocats de la défense ont occupé la barre pour exposer toutes leurs exceptions. Au-delà de quelques développements des exceptions jadis soulevées, certains conseils de la défense ont reconduit des plaidoiries. Cela a finalement créé un débordement préjudiciant le droit à la parole au vu du timing adopté pour le début et la fin de l’audience. Une partie du public lasse de réécouter des plaidoiries, a quitté momentanément la salle, le temps de souffler…
La leçon d’Alioune Ndao à Ciré Clédor Ly
Dans sa plaidoirie, Me Ly a avancé que la corruption est intégrée au délit d’enrichissement illicite. Ce qui n’a pas été du goût d’Alioune Ndao, selon qui, la corruption et l’enrichissement illicite sont deux délits distincts. Avant de lui dire : « Allez voir la définition de l’enrichissement illicite avant de raconter une telle énormité »
La clémence de trouble
Ceux qui ont l’habitude de manifester des signes d’approbation ou d’improbation n’ont qu’à adopter la prudence. Hier, pendant que le Président Henri Grégoire Diop suspendait la séance et invitait les parties à revenir le lundi prochain, une partie du public scandait le nom de Karim Wade perturbant le fonctionnement de l’audience. Deux d’entre eux ont été repérés ( Saër Tambédou et Ndèye Thioune). Attraits à la barre et sur le point d’être jugés, « les deux malheureux » ont bénéficié de la clémence de la Cour qui a profité de l’occasion pour avertir les éventuels fauteurs de troubles.