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Professeur Mamadou Diouf (Historien) : «La crise casamançaise n’a jamais été régionale…»

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Le fait de n’avoir pas compris que la crise casamançaise est d’abord et avant tout une crise nationale a été la cause de l’échec de toutes les tentatives de règlement du conflit. Le Pr Mamadou Diouf affiche une telle certitude qui tire sa source d’une profonde analyse du processus historique ayant abouti au déclenchement du conflit en 1982. L’historien ne manque pas de proposer des solutions…

(Correspondant permanent – Montréal) – Convié à une réflexion sur l’histoire politique du Sénégal ces dix dernières années et sur la crise casamançaise par l’association Casa-Espoir la semaine dernière à Montréal, le Pr Mamadou Diouf s’est senti très à l’aise en remontant le fil de l’histoire pour mieux partager sa compréhension des phénomènes ayant conduit à l’éclatement de la crise casamançaise. Le système colonial n’est jamais parvenu à intégrer la Casamance dans son modèle organisationnel, basé sur une alliance avec les dirigeants locaux représentatifs du système islamo-Wolof. Le modèle devait permettre aux colons de disposer de la main-d’œuvre nécessaire pour la culture de l’arachide à partir de 1844. Le système inégalitaire et hiérarchisé du modèle islamo-Wolof, qui s’animait autour des chefs locaux et surtout des marabouts, avait beaucoup facilité l’implantation et le développement de la culture arachidière. Or, faute de ne pouvoir disposer des mêmes alliances chez les Diolas, le colon a préféré marginaliser la Casamance, selon le Pr Diouf. La société diola était réfractaire à toute chefferie. Elle s’est toujours articulée autour d’un système égalitaire. Le Pr Mamadou Diouf de noter que «les Diolas étaient comparés à des Romains ou à des nobles sauvages. Ils étaient des gens purs fonctionnant autour d’un système égalitaire contrairement au Nord qui était plus hiérarchisé. Il y avait alors d’un côté une certaine admiration et d’un autre un dédain du modèle diola à une époque du 19e siècle où être civilisé, c’est avoir un Etat alors que les Diola n’en avaient pas».

Ne pouvant transcender une telle situation, le colon prendra l’option d’envoyer des Wolofs pour diriger la Casamance. Cela fera naître une tension entre l’idéologie inégalitaire des commis Wolof envoyés au Sud et celle égalitaire des Diolas. Le paradoxe souligné par le Pr Diouf était que malgré leur niveau scolaire élevé et partant du principe que l’école créait l’inégalité, les Diolas ont toujours su garder l’idéologie égalitaire. Le manque de considération affiché par le Nord à l’endroit du Sud par le fait que tous les leviers politique et économique provoqués par des décisions politiques et la sécheresse poussant à la recherche de nouvelles terres, amène une sorte de colonisation intérieure. Les jeunes Casamançais retournent à la forêt. L’éclatement du conflit en 1982, favorisé par le niveau élevé de mécontentement, sera rendu possible par le travail inlassable de feu Abbé Diamacoune qui travaille pour une nouvelle expression mettant en avant l’indépendance de la Casamance.

Les pistes de solution du Pr Diouf

La résolution du conflit en Casamance a toujours péché sur un certain nombre de facteurs. Le Pr Mamadou Diouf dénonce la posture affichée par les différents groupes de dirigeants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Ces derniers ont pris en piège les populations du Sud alors qu’ils sont censés parler en leur nom. Au contraire, selon l’historien, les dirigeants du Mfdc ont toujours mis en avant leurs propres intérêts. Ce dernier d’ajouter que «les cadres sont aussi pires puisqu’ils ont confisqué la parole des Casamançais. C’est vous dire que la crise, à travers le trafic de bois, de drogue, nourrit beaucoup de personnes, notamment la hiérarchie militaire qui s’est beaucoup enrichie». L’enseignant ne manque pas aussi de critiquer la gestion de la crise par le président Abdou Diouf. Si le président Senghor a su retarder par le cousinage à plaisanterie entre Séréres et Diolas l’éclatement du conflit, Abdou Diouf n’a jamais su trouver d’interlocuteurs valables. Il a, comme Abdoulaye Wade, utilisé l’argent pour essayer de régler le problème, fait remarquer le Pr Diouf. Ce dernier d’asséner avec force que «l’opinion publique sénégalaise et nos dirigeants politiques n’ont jamais compris que la crise en Casamance n’est pas régionale, ni de décentralisation, mais (elle est) nationale appelant une approche globale. C’est une crise politique qui touche toute la nation». «Prendre en considération la manière de voir et de vivre des communautés ne constitue pas une remise en cause de l’Etat», ajoute l’historien. Le conférencier de préconiser la refonte de tout le système institutionnel du pays. Le Sénégal devra aller vers la mise en place d’un système de représentation basé sur les communautés qui pourront identifier leurs dirigeants qu’elles seront appelées à choisir par vote. Tendre vers l’élection des gouverneurs de région, repenser notre diplomatie sous-régionale avec la Gambie, la Guinée-Bissau et la Mauritanie complètent les pistes de réflexion de l’enseignant.

Abdou Karim DIARRA

walf.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Quequ’un qui a appris ses lecons,doit necessairement pouvoir les restituer,et, c’est en quoi faisant on est declare admis a tel ou tel concours et qu’on devienne entre autres professeur c’est a dire enseigner exactement ce qu’on avait appris.Voila le propre des recitateurs comme on les appelle dans les instances onusiennes.Ce dont on a besoin ce sont de ces hommes qui reflechissent aux enjeux de l’heure,qui se mouvoient dans le volet recherche en se basant sur le vecu et qui anticipent sur le futur au lieu d;etaler des contrverites,genre les ouolofs sont affectes pour diriger ceux du sud. Ce ne sont pas les declarations d’un Salif Sadio ou d’un Cesar Atou Badiate.

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