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Putsch au Burkina – Compaoré abat sa dernière carte

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Même si les différents protagonistes le nient, les liens de proximité entre le nouvel homme fort du Burkina, Gilbert Diendéré, et son mentor Blaise Compaoré sont tels que tout le monde voit la main, sinon l’ombre du tombeur de Thomas Sankara dans le coup d’Etat du 16 septembre à Ouagadougou. Mais il y a également le fait que la mise à l’écart du processus électoral de tous les proches de l’ancien pouvoir réduisait dangereusement les options de survie du Régiment de sécurité présidentielle dont tout le monde demandait la dissolution. Face à toutes ces menaces, le général Diendéré ne semble avoir eu d’autre choix que de forcer son destin et de donner un dernier coup de pouce à Compaoré.

Diendéré à quitte ou double
Le général Gilbert Diendéré est sorti du bois. Il a été porté à la tête d’un certain Comité national pour la démocratie (Cnd) mis en place par les putschistes au Burkina Faso. Il faut dire que les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp) ne sont pas allés loin pour se trouver un chef de file. Le général Diendéré, homme de main de l’ancien Président Blaise Compaoré, a été le patron de ce régiment d’élite de l’Armée du Burkina Faso. Il avait toujours été en retrait à chaque fois que le Rsp se faisait entendre durant le processus de transition instauré au lendemain de la chute du régime de Blaise Compaoré en octobre 2014.
A trois reprises, le Rsp avait déjà commis des coups d’éclats pour protester contre le projet du gouvernement de la transition de dissoudre cette unité d’élite. Gilbert Diendéré se réservait toujours d’intervenir à la dernière minute pour faire entendre raison à ses hommes, leur imposant plus ou moins de lâcher du lest. L’homme restait discrètement derrière son bureau de Coordonnateur des renseignements au Burkina Faso, donc l’homme le plus informé du pays. Cette fois-ci, l’homme a décidé de prendre ses responsabilités et de se mettre au-devant de la scène. S’il est obligé d’en arriver à cette posture, c’est sans doute parce qu’il n’avait plus le choix.
Dans ce nouvel épisode de la lutte pour le pouvoir, le général Diendéré, comme les 1 330 éléments du Rsp, joue son va-tout. Mieux, il joue sa tête. En effet, les élections présidentielle et législatives initialement prévues le 11 octobre prochain de­vraient sonner le glas de toutes les survivances du régime de Blaise Compaoré. Tous les caciques de l’ancien chef de l’Etat avaient été recalés et écartés du processus de la Présidentielle et le pouvoir devait fatalement revenir au lendemain du scrutin à une personnalité qui ne leur serait pas favorable. Il s’y ajoute qu’un autre acte posé lundi dernier a fini de braquer définitivement le Rsp contre le gouvernement de la transition.
La Commission nationale de réforme des institutions venait de remettre un rapport au Premier ministre Isaac Yacouba Zida, aux termes duquel la dissolution du Rsp était préconisée. Diendéré et ses hommes du Rsp passent pour avoir les mains tachées du sang des nombreuses victimes du régime de Blaise Compaoré. La réouverture des dossiers judiciaires sur les assassinats de Thomas Sankara et du journaliste Norbert Zongo entre autres affaires sulfureuses pouvait inquiéter sérieusement Gilbert Diendéré et des éléments du Rsp, une force spéciale constituée en 1996 et qui avait tous les faveurs de Blaise Compaoré. Ironie du sort ? Les résultats des tests Adn ordonnés par la justice pour identifier la dépouille de l’ancien Président Thomas Sankara devaient être livrés hier jeudi 17 septembre 2015.

Une signature de crime trop manifeste
Nul ne s’y trompe à Ouagadougou. Tout le monde voit la main du camp de Blaise Compaoré derrière le putsch. Déjà, dans l’édition du journal L’Opinion du mercredi 16 septembre 2015, Léonce Koné, vice-président du Conseil pour la démocratie et le progrès (Cdp), le parti de Blaise Compaoré, donnait l’argumentaire ou la justification du putsch qui s’annonçait. Ce texte aux allures de pamphlet, qui dénonce la mise à l’écart de candidats issus du Cdp à la prochaine Présidentielle, apparaît comme une légitimation a priori du coup de force militaire. Léonce Koné se demande avec véhémence : «Que faire face à une violation flagrante de nos droits ?» Il donne une réponse tranchée : «Puisque nous n’avons ni la volonté ni la force de répondre par la violence à la violence de l’Etat de non-droit qui nous est imposée, il ne nous reste qu’à nous battre sur le terrain politique avec la dernière énergie.» C‘est dire que l’intervention du Rsp l’après-midi le jour même de la parution de ce texte révèle l’intelligence pour ne pas dire les accointances entre le Rsp et les pontes du régime déchu de Blaise Compaoré. Une coïncidence on ne peut plus troublante. D’ailleurs, le même Léonce Koné a immédiatement fait une sortie sur les antennes de France 24 dès l’annonce de la prise d’otage du Président Michel Kafando et de son Premier ministre Zida, pour dire sans ambages qu’il ne saurait être question de condamner le coup de force des mutins.
Un autre élément qui conforterait sur l’implication des proches de Blaise Compaoré dans cette affaire aura été le déplacement très opportun de Blaise Compaoré à Braz­zaville en provenance de Casabla­nca, le soir même où le pouvoir politique était en train de basculer au Burkina Faso. On pourrait cependant envisager l’idée que le roi du Maroc aurait demandé à son hôte de s’éloigner du royaume chérifien pour éviter que son pays soit accusé d’une façon ou d’une autre. La déclaration des putschistes lue par le colonel Mamadou Bamba, membre du Rsp, justifie leur acte par une volonté d’organiser des «élections inclusives», en d’autres termes des élections qui permettront au camp de Blaise Compaoré de pouvoir présenter des candidats à la Présidentielle.
Le général Djibril Bassolé, ancien compagnon d’armes de Blaise Compaoré, avait annoncé lui aussi la couleur. Au lendemain de l’invalidation de sa candidature, il avait clairement laissé entendre que le Cdp trouvera le moyen de revenir dans le jeu politique d’une façon ou d’une autre.

Le Peuple burkinabè muselé
Les éléments du Rsp semblent avoir appris de leurs erreurs passées. Ils ont pris la précaution de couper tous les moyens de communication qui pouvaient permettre à la rue et aux organisations de la société civile d’entretenir la flamme de la contestation. Les radios privées ont été coupées ou incendiées. Des patrouilles lourdement armées sillonnent les rues de Ouaga­dougou et les éléments du Rsp ouvrent allègrement le feu pour disperser tout rassemblement. Durant toute la matinée d’hier, des détonations plus ou moins fortes ont été entendues. Le bilan provisoire fait état de quelques trois morts et une soixantaine de blessés. Le Rsp semble être la seule unité militaire en pointe dans ce putsch.
Les autres garnisons militaires et de gendarmerie seraient en réserve. D‘ailleurs, un camp de gendarmerie à Ouagadougou offrait l’abri aux manifestants pourchassés par les éléments du Rsp. Il nous revient aussi que la haute hiérarchie militaire avait été mise à contribution pour tenter le dialogue avec le Rsp durant toute la nuit du mercredi à jeudi. Aussi, le président du Conseil national de transition, le journaliste Chérif Moumina Sy, qui a déclaré assurer les fonctions de chef de l’Etat, après la prise en otage du Président Kafando, a engagé les autorités militaires à prendre tous les moyens nécessaires pour restaurer l’ordre républicain. Cet appel ne semble pas encore être suivi par les différentes unités de l’Armée. Il est de notoriété publique au Burkina Faso que la puissance de feu du Rsp est sans commune mesure avec celle des autres corps de l’Armée burkinabè.
Les éléments du Rsp exercent une répression violente contre certains responsables politiques et de la société civile. La résidence ouagalaise de Salif Diallo, ancien ministre d’Etat du régime de Blaise Compaoré avant sa rupture de ban intervenue il y a un peu plus de trois ans, a été encerclée. De même, le domicile du musicien Smockey, un des dirigeants du mouvement Le balai citoyen a été brûlé. Les adversaires des putschistes ne sont pas non plus en reste dans cette subite folie pyromane qui gagne le Burkina Faso.
Les sièges du Cdp ont été brûlés à Ouagadougou, à Bobo Dioulasso et dans d’autres villes de l’intérieur du pays. La résidence familiale du général Diendéré dans son village de Yako a été également la proie des flammes. Le domicile de Jean Baptiste Natama à Ouagadougou a été brûlé à cause d’une rumeur qui le présentait comme le Premier ministre désigné par les putschistes.
Dans une telle atmosphère, Ouagadougou devient une ville morte. Les populations sont restées chez elles et aucun service public n’a fonctionné depuis hier. Les frontières du pays sont fermées et un couvre-feu a été instauré. L’orage et la pluie qui tombaient sur la ville hier soir ont davantage confiné les populations dans leurs chaumières. Des soubresauts contestataires ont été enregistrés de certaines villes du pays comme Bobo Dioulasso et Banfora notamment.

Le monde condamne le putsch
La communauté internationale condamne vigoureusement le putsch. L’Union africaine, l’Onu et la Cedeao ont dénoncé le coup de force militaire. Des contacts ont été engagés par le Président Macky Sall, président en exercice de la Cedeao, avec les différentes parties, en vue d’une solution de sortie de crise. Un séjour du chef de l’Etat sénégalais à Ouagadou­gou a d’ailleurs été annoncé. En tout cas, les différentes parties semblent compter sur la diplomatie sénégalaise pour une solution de sortie de crise. Déjà le week-end dernier, lors du sommet de la Cedeao à Dakar, la situation politique explosive à Ouagadougou avait été discutée et une mission conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine et de l’Onu avait été dépêchée dès lundi dernier à Ouagadougou. Il est dommage que cette mission n’ait pas réussi à désamorcer la bombe.
La France et l’Union européenne, comme les Etats-Unis et l’Onu semblent inflexibles dans l’exigence adressée aux putschistes de libérer les otages et de rendre le pouvoir. Le général Diendéré ne semble pas hostile à l’idée de libérer les autorités étatiques détenues dans le camp de Naaba Komdu Rsp, situé à quelques encablures du Palais présidentiel de Kosyam. Seulement, quelle serait la contrepartie d’une telle libération ? La communauté internationale n’est pas moins sensible à l’idée que les autorités de la transition au Burkina Faso ont tenté le diable en excluant tout le camp de Blaise Compaoré de l’élection présidentielle.
Le Président Kafando n’aurait pas voulu entendre une demande insistante de certains chefs d’Etat étrangers d’inclure des candidats du Cdp dans le scrutin, dont la campagne électorale devait être ouverte dimanche prochain. La loi électorale adoptée par le Conseil national de transition excluant le Cdp de la Présiden­tielle avait été invalidée par la Cour de justice de la Cedeao établie à Abuja. N’empêche, cette décision de la haute juridiction communautaire n’a pas été suivie par le Conseil constitutionnel du Burkina Faso qui avait estimé que le gouvernement n’avait pas pris les dispositions pour conformer la loi électorale à l’arrêt de la Cour d’Abuja. Dos au mur, Diendéré et ses hommes ont franchi le Rubicon.

Le Quotidien

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