Le commissaire Cheikhna Cheikh Sadibou Keïta, celui-là même qui a donné un grand coup de pied dans le nid de frelons que constitue l’affaire de la drogue dans la police, s’exprime dans des éléments audio, obtenus par EnQuête, sur le Président Macky Sall.
« Dans mon pays, c’est des gens de mon rang et mon honorabilité qui postulent aux postes les plus élevés. Je suis plus gradé que Macky. Macky n’est pas du système de l’Administration. C’est un ingénieur ’’xawma lan’’ (je ne sais quoi) géologue, un ramasseur de pierres. Donc il n’existe pas hiérarchiquement. Je suis administrativement son patron. Le président de la République, en tant que Macky Sall, agent de l’État, je suis son patron ».
Sur un autre élément, l’ancien patron de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), Cheikh Sadibou Keïta, parle du ministre de l’Intérieur Pathé Seck, apparemment à des membres de son équipe qui l’ont donc enregistré. Et c’est à propos du sort fait à son rapport contre le Directeur général de la police nationale, Abdoulaye Niang. « On va dire : ’oui, ils ne sont pas contents, danu ko iñaane (ils sont jaloux de lui)’, ceci cela. C’est le discours que l’autorité a voulu développer. Nous ne sommes pas là-bas, parce que nous avons vécu notre carrière, avec des Directeurs généraux de différents horizons. Lui, c’est un â…. Parce qu’il vient nous amener ce débat-là parmi nous. Il ne doit pas le faire ? Et puis il expose dans la presse, il ne doit pas le faire. Bu de jang rek (si on ne parle que de niveau d’études), il n’a qu’à venir ici, lui et moi. Général de je ne sais quoi là (…), même à la gendarmerie, je suis meilleur que lui. Et il nous impose ce débat-là. ’Oui, esprit de corps’. Nous qui avons vécu ici, quelqu’un vient de l’extérieur, qui appartient à un autre corps, pour nous parler d’esprit de corps. C’est son choix qui n’est pas bon. Ce n’est pas Niang qui n’est pas bon. Niang, il est Niang. C’est son choix qui n’est pas bon, c’est lui qui n’a pas fait son travail. »
La manipulation : mode d’emploi…
Dans le troisième élément sonore que EnQuête a pu écouter, le commissaire Keïta s’épanche sur la manipulation et son mode d’emploi. ’’Les affaires sur lesquelles je montais quand j’étais à la Sécurité publique, aucun chef de la DIC (Division des investigations criminelles), lorsqu’il y a un meurtre dans un secteur que je commande, n’ose venir pour me dessaisir. Moi, personne ne me dessaisit. Au contraire, on dessaisit la DIC à mon profit, quand j’étais en arrondissement. J’étais commissaire d’arrondissement au Point E, on dessaisit la DIC et on m’envoie le dossier pour me demander de voir comment régler ça (…)’’.
Et comment procède-t-il lorsqu’il veut faire peur à sa hiérarchie ? ’’Je vais voir le DG, je fais une note pour dire qu’il y a le fils de tel (un homme important) qui est dans la drogue dure et que je vais l’arrêter. ’Ah non, ne le touche pas’. Il y a le fils de… (un autre homme important), c’est un ami de Macky Sall et je sais que le lobby toucouleur tient beaucoup à cette famille. Mais son fils fait dans la drogue dure, j’en ai la preuve. Et même si je suis pressé, da may dem fen ko fen bu tooy xepp (je vais inventer de toutes pièces), créer une histoire rocambolesque, comme quoi je l’ai vu acheter auprès d’une femme non identifiée, je l’ai vu en compagnie d’autres personnes, je l’ai trouvé dans une situation de consommation et j’ai préféré vous prévenir. C’est de la pression que je crée’’. Cheikhna dixit… ’’J’arme le Directeur général pour qu’il pèse sur le ministre, que ce dernier s’affole et court dire que les policiers, patati patata’’. Et la suite…
’’On t’offre rapidement 20 millions’’
Pour Cheikhna Keïta, ’’ce que je donne au DG, je sais que ce n’est pas vrai, mais je ne le lui dis pas, je lui donne simplement de quoi affoler le ministre. Il monte avec ça, sur un document. On m’appelle, je raconte la même histoire, ajoutant que nous sommes derrière lui depuis deux, trois mois. Il a fait ceci, il a fait cela, en compagnie de tel et tel autre. Et que le jour où cela va éclater, ça va être grave. Le jour où la presse le saura, ça va être mauvais, alors autant prendre des dispositions’’.
Le commissaire poursuit pour dire à son ou ses interlocuteurs : ’’Ça, cela peut te conduire devant Macky, devant le président de la République, quel qu’il soit. Tu peux te retrouver tout de suite avec 20 millions qu’on t’offre, parce qu’on t’aura présenté à un monsieur qui pensera que tu viens de sauver son fils. Alors que, ce que tu sais, c’est qu’il consomme de la drogue dure’’. Le reste, ’’tu complètes, tu lui fais une belle assiette et tu fais un rapport, avec quelques éléments qui existent et quelques autres éléments de ton imagination, qui soient complémentaires. Tu as joué ta part. C’est ça qu’on appelle manipuler dans cette vie-là. Loolu mo fi nekk (c’est ce qui se passe), c’est cela le jeu. Mais aller dire : j’ai arrêté tel trafiquant avec 200 kg ou aller trouver un gosse et lui extorquer ses 20 000 F…’’ No comment !