Les caisses de l’Etat grec sont à sec, les investisseurs s’en vont, l’euro chute sur les marchés des changes et l’Union européenne, inquiète, fait la seule chose qu’elle peut c’est-à-dire hausser le ton et sommer Athènes de redresser la barre.
- Pourquoi cette inquiétude soudaine autour de la Grèce ? Parce qu’elle est plus affectée par la crise qu’on ne le pensait. Quand, le 4 octobre 2009, le nouveau gouvernement socialiste arrive au pouvoir, il découvre la véritable ampleur du déficit. Le gouvernement précédent, conservateur, annonçait un déficit public de 6 % du PIB en 2009. George Papandréou, nouveau premier ministre, dévoile la réalité des chiffres : un déficit de 12,7 % du PIB. Sachant que la limite européenne est de 3 % du PIB, la situation est alors soudainement perçue comme vraiment dramatique.
- Quel est l’état des finances grecques ? Très mauvais. Un déficit public prévu à donc 12,7 % du PIB pour 2009 et 9,4 % du PIB en 2010. Une dette publique de 300 milliards d’euros fin 2009 (113 % du PIB) et attendue à 120 % du PIB en 2010. Début décembre, pour la première fois en dix ans, une grande agence de notation (Fitch Ratings) fait descendre la note d’Athènes en dessous de A (elle passe de « A – » à « BBB »). Cette note donnant, pour les marchés, une appréciation du risque de solvabilité du pays. Plus la note est mauvaise, moins on prête de l’argent au pays.
- Pourquoi la Grèce ? Parce que le pays a des problèmes financiers depuis bien avant la crise et est mal parti, dès 2001, en entrant dans la zone euro à la faveur de comptes publics falsifiés. La situation était déjà détériorée avant que la crise ne vienne frapper le pays. Pour mémoire, les émeutes des jeunes Grecs, à la fin de l’année 2008, nées d’un fait-divers et devenues porte-voix d’une génération précaire, et sans avenir professionnel, surnommée « génération 700 euros » (montant du salaire minimum grec). Le poids de l’économie souterraine, estimée à environ 20 % du PIB est aussi un fléau, car il suscite un mauvais fonctionnement du système fiscal, et donc des recettes. Enfin, le pays exporte très peu.
- Quel est le risque, dans le pire des scénarios ? La faillite, c’est-à-dire une cessation de paiement, comme ce fut le cas de l’Argentine en 2001, qui n’a toujours pas fini de remonter la pente. Mais la Grèce, l’Europe et les experts économiques excluent cette possibilité : la Grèce fait partie d’une union monétaire et si elle fait faillite, elle entraîne les pays de la zone euro dans sa chute, en faisant s’effondrer le cours de la monnaie européenne. Un scénario inenvisageable.
- Pourquoi la monnaie européenne chute-t-elle ? Mécaniquement, parce que l’offre est plus importante que la demande car personne ne veut prendre le risque d’acheter des euros. Les incertitudes sur le sort de l’économie grecque et la crainte d’une contagion dans d’autres pays à la périphérie de la zone euro en sont les raisons. Et qui dit euro bas, dit importations plus chères pour les pays de la zone euro et donc difficultés financières. Le 12 février, l’euro a touché un nouveau plus-bas depuis le 19 mai 2009 à 1,3532 dollar pour un euro.
- Que peut faire la Grèce ? Réduire les dépenses publiques et mettre en place un plan d’austérité, ce qu’elle a fait. Le 9 février, le pays a présenté tout un train de mesures fiscales allant dans ce sens : réduire de 10 % les dépenses de l’Etat, les primes dans la fonction publique et les dépenses de santé, retarder l’âge de la retraite, supprimer les bonus dans le secteur bancaire public, freiner les embauches dans le secteur public, fiscaliser les primes des fonctionnaires… entre autres. La Grèce doit également maintenir la confiance des marchés pour que les investisseurs continuent à lui prêter de l’argent, essentiel pour rester la tête hors de l’eau. Avancée positive et bonne surprise : le 25 janvier, le pays a réussi à emprunter 8 milliards de dollars.
- Que peut faire l’Union européenne ? Concrètement, pas grand chose. Les traités européens excluent le sauvetage d’un pays de la zone euro et la BCE ne peut pas accorder un prêt aux Etats. Dans les faits, il est possible de contourner ces interdictions mais cela créerait un dangereux précédent et, selon l’expression d’un député allemand, « on n’aide pas un alcoolique en lui donnant encore une nouvelle bouteille d’eau-de-vie ». Le mieux que puisse faire la nouvelle Commission européenne est de taper du poing sur la table en avançant cet argument simple : « Proposez-nous un plan de relance efficace et l’UE vous soutiendra. Si l’UE vous soutient, les marchés reprendront confiance et les investisseurs avec. » Le 3 février, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires approuve les réformes budgétaires mais impose au pays de rendre compte régulièrement de l’application des mesures d’économie : une véritable mise sous tutelle. Si l’Allemagne, pilier le plus solide de la zone euro a refusé, le 12 février, de présenter un programme précis de sauvetage pour le moment, Berlin et Paris ont affirmé qu’ils pourraient aider le pays, en dernier recours. Une manière de rassurer les marchés.
- Pourquoi entend-on surtout l’Allemagne et la France ? Pour des raisons politiques et économiques. Politiques, car cette crise apporte au couple franco-allemand la possibilité de reprendre en main l’UE. Economiques car les deux pays sont les bailleurs des pays pauvres de l’Europe : les banques françaises et allemandes cumulent plus de 84 milliards d’euros d’exposition en Grèce (près de 40 % de la dette extérieur grecque) et six fois plus dans l’ensemble de l’Europe du Sud. Paris et Berlin seraient directement victimes si la Grèce arrêtait de payer ses dettes. Le Royaume-Uni et l’Irlande détiennent 23 % des obligations émises par Athènes, la France 11 % et l’ensemble Allemagne, Suisse et Autriche 9 %. Or le Royaume-Uni et la Suisse ne sont pas dans la zone euro.
- Que peut faire le FMI ? Il va se contenter de déléguer des experts auprès de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne et ne se mêlera ni de la définition du plan de redressement des comptes grecs ni de la surveillance de son exécution. (Ecouter l’analyse d’Alain Faujas, du service Economie du Monde.)
- Qu’est-ce qu’une « contagion » et pourquoi les regards se tournent-ils vers l’Espagne et le Portugal ? Parce que l’Espagne, particulièrement, est en réalité dans un situation financière plus grave que la Grèce et si Athènes coule, il y a peu de chances pour que Madrid reste hors de danger. L’Espagne, pour qui tout allait bien jusqu’à la crise, a fondé son économie des dernières années sur le secteur immobilier. Or, ce secteur a été pratiquement détruit par la crise et l’Espagne a vu ses déficits publics et sa dette croître de manière exponentielle depuis. D’où le redoublement d’effort pour sauver la Grèce d’une situation de faillite qui serait dramatique pour toute l’Europe.
Lemonde.fr
les européens on dirait qu’ils n’ont pas compris que leurs économies doivent s’intégrer et s’harmoniser….davantage.
Je ne sais plus dans lequel de mes cours de jeu le prof nous avait appris que dans la nouvelle économie, ce sont les liens qui comptent :))
«Les mesures économiques d’harmonisation sont souvent présentées comme relevant de la volonté d’on ne sait quel groupe d’intérèt de libéraliser les économies, de les mettre en concurrence et de les intégrer encore plus au processus de mondialisation des échanges. Avoir ce point de vue conduit à un contresens complet sur la réalité économique des politiques d’harmonisation en Europe. En effet, l’organisation des échanges et du commerce au plan mondial est tout le contraire de la politique d’harmonisation européenne puisque l’objectif au plan mondial n’est pas de construire une entité cohérente sur le plan économique et politique, mais de donner des règles minimales pour encadrer l’économie mondiale, sans aucun objectif de régulation collective, sanf peut-ètre en ce qui concerne le FMI et l’OMC. Les cadres réglementaires induits par les politiques d’harmonisation en Europe sont au contraire le résultat d’une volonté politique de construire une économie commune aux différents pays membres de l’Union. La règle de l’unanimité, toujours en vigueur, et les procédures d’élaboration des normes juridiques montrent bien que la construction de ce cadre commun aux pays de l’Union est le fruit d’une volonté politique de construire un cadre économique commun et non la résultante du jeu de rapports de force économique, profitant aux plus influents des membres de l’Union. L’objectif économique des politiques d’harmonisation européenne n’est pas d’introduire une libéralisation à outrance à l’intérieur de l’Union, mais de construire une économie commune capable de s’imposer au reste du monde dans des conditions bien plus favorables que ne le feraient les économies de chaque pays pris isolément. L’harmonisation économique en Europe a pour objectif la construction d’un espace économique et monétaire solidaire qui permet un développement plus puissant de l’économie européenne, et donc aussi de celle de chaque pays membre. En d’autres termes, si au plan mondial comme au plan européen les règles d’harmonisation ont pour objectif, implicite ou explicite, une meilleure intégration économique des différents pays, cette intégration se fait sur une base solidaire en Europe, ce qui naturellement n’est en général pas le cas en ce qui concerne l’intégration au plan mondial.»