Yahya Jammeh vient de décider d’imposer, mardi 6 janvier, le voile aux femmes de l’administration gambienne. Cette mesure fait suite à sa décision, en décembre 2015, de proclamer la Gambie « République islamique ». L’autoritarisme du président gambien semble désormais sans limite.
Rien n’est de trop pour l’ancien troufion dans l’asservissement de ses concitoyens. D’un pays politiquement fermé, avec une opposition et des médias muselés, Jammeh passe dorénavant à une ultime funeste stratégie de régression sociale et sociétale.
S’il est inadmissible d’interdire à une femme de porter par choix le voile, notamment dans un pays à majorité musulmane, l’imposition de celui-ci est une forme de totalitarisme dont Yahya Jammeh est devenu un héraut.
On en arriverait finalement à se demander à quoi joue Yaya Jammeh ? Sauf que le fantasque de Banjul ne s’amuse pas. Il n’est pas non plus dans une fourberie feinte comme cela a déjà été vu dans le passé. Il n’est pas non plus fou, comme le prétextent certains, mais juste irresponsable.
L’autocrate gambien est dans une entreprise claire et déterminée d’imposer la terreur à son peuple, déjà largement martyrisé par la pauvreté. Il y en a certains à qui Yahya Jammeh inspire le sourire. Je n’en fais pas partie. Le degré de férocité de l’homme a été largement observé par tous ceux qui prêtent attention à ce petit pays niché dans le sud du Sénégal.
Hommes politiques, défenseurs des droits de l’homme et journalistes ont subi les foudres du régime de Jammeh. Le journaliste Deyda Hydara a été assassiné en pleine rue en 2004. Jusque-là, aucune enquête crédible n’a été menée, mais de sérieuses pistes mènent à la responsabilité du gouvernement gambien. Ebrima Manneh, jeune journaliste de 28 ans à l’époque est porté disparu depuis dix ans. Silence là encore. Les récits des méthodes de la NIA, la police politique gambienne, renseignent sur la cruauté du régime qui défie depuis deux décennies la communauté internationale, au mépris de toute forme de sanction diplomatique.
Condamnations à mort, tortures, arrestations sans procès, détentions secrètes sont le lot des Gambiens qui souffrent de la folie destructrice de Yahya Jammeh.
Prison à ciel ouvert
Dans cette prison à ciel ouvert qu’est le pays, la jeunesse gambienne trouve davantage de raisons de prendre les chemins de l’exil. Beaucoup aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Une autre partie trouve refuge dans les pays de la région, notamment au Sénégal. Et les plus téméraires empruntent la route périlleuse de la Méditerranée, souvent au risque d’y perdre la vie.
Enveloppé dans un mysticisme islamo-fétichiste, Yahya Jammeh s’est arrogé droit de vie et de mort sur son peuple. Il s’est aussi approprié le combat de la lutte contre les homosexuels qualifiés de « sataniques » et de « vermines ». Il se targue d’un savoir ésotérique qui lui permettrait de soigner de nombreuses maladies, dont le sida. Non, aucune déclaration aussi délirante que dangereuse n’est de trop pour l’homme fort de Banjul.
Dans toutes ses entreprises, l’autoproclamé « Professeur El Hadj Docteur Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Nasiru Den Jammeh » rate les vrais combats. Ceux liés à l’instauration d’une véritable démocratie dans son pays, à la prospérité économique et à l’adoption de mesures pour une émergence sociale et une lutte contre le chômage qui gangrène le pays et plonge sa jeunesse dans le désespoir.
Dans nos vœux pour 2016, n’oublions pas les Gambiens ! N’oublions pas d’avoir une pensée pour un peuple qui souffre depuis vingt-deux ans des lubies d’un autocrate qui voulut être Sankara mais a fini seulement déguisé en Ubu.
Hamidou Anne
lemonde.fr