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Question d’actu avec Moustapha Niasse: « Khaddafi est venu au Fesman à Dakar, qui l’a invité ?… »

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QUESTIONS D’ACTU AVEC… MOUSTAPHA NIASS, EXPLOITANT AGRICOLE, LEADER DE L’AFP

Au détour d’une visite de terrain sur les périmètres agricoles qu’il exploite dans son fief du Saloum, à Keur Tapha, nous avons accroché l’exploitant agricole Moustapha Niass. Sa passion pour l’agriculture n’est cependant pas fortuite du fait de ses racines paysannes comme il aime à le dire, mais aussi du fait que sur ce secteur repose sa vision pour le développement du Sénégal. Mais là où le « paysan » Niass se trouve, l’animal politique n’est cependant jamais loin. Entretien.

Entre l’homme politique et l’exploitant agricole à qui nous adressons-nous ?

Je capitalise 54 ans de vie politique, ce n’est pas rien. Mais j’ai des racines paysannes et je suis plus producteur agricole et consultant avec les sociétés que je dirige, qu’homme politique. La politique je ne la conçois pas comme un moyen de vivre mais plutôt celui de se dévouer pour la communauté. Dieu seul sait qui sera là en 2012, mais je puis vous dire que l’année prochaine, Inch allah, à la période des labours, vous verrez ce que ce tracteur-là (il désigne un machine qui aurait coûté 75 millions de FCfa) qui remplit 44 fonctions peut faire pour l’agriculture moderne.

Votre vision du développement est-elle basée sur l’économie de marché ou le Sénégal doit-il rompre avec le libéralisme tel qu’on le pratique aujourd’hui ?

Aujourd’hui en matière de politiques économiques, il n’y a qu’une voix, c’est la politique qui répond à la loi du marché, puisque les doctrines communistes ont montré leurs limites, l’économie de marché a triomphé mais qui a subi une mutation interne en termes de conceptions de choix économiques. Dans ce contexte, quand il y a trop de biens ou de services les prix baissent et en cas de raréfaction les prix montent. Aussi, les pays et les économies qui peuvent s’en sortir sont ceux qui sont capables d’inventer des techniques permettant d’accroître leur productivité et la qualité de leurs produits. Ce n’est plus la philosophie de St. Simon, Baboeuf, Taylor. Le libéralisme c’est un mécanisme d’agrégats et de comportements économiques qui permettent aux plus performants de conduire l’attelage. Il appartient à chaque pays de tout faire pour atteindre ce niveau-là. Je vous donne un exemple simple ; Ici, mon collaborateur que j’appelle « Coly maïs » qui est ingénieur spécialisé dans le maïs, il plante et produit selon des règles scientifiques de l’agriculture moderne à côté des paysans qui doutent de l’efficacité des méthodes modernes. Lorsqu’ils sèment, lui en dernier, il récolte plus tôt et double le niveau de production des paysans. Ce qui pousse ces derniers, l’année d’après, à suivre son exemple. Le Sénégal est capable, en mettant en œuvre des politiques agricoles performantes, en protégeant l’élevage et la pêche, la formation et l’emploi des jeunes, entre autres, de se hisser au rang des pays émergents.

En tant qu’ancien patron de la diplomatie sénégalaise, que vous inspire la situation en Libye ?

Personnellement, je n’ai jamais eu de rapports personnels ni reçu le moindre franc de lui et je ne lui ai jamais rien demandé. D’ailleurs je ne fréquentais pas Tripoli, j’y allais pour des conférences, mais je sais une chose, c’est que si j’étais chef d’Etat, je ne lâcherais pas Khaddafi. Je dirais cependant deux choses : être resté au pouvoir pendant 42 ans, c’est inadmissible ! Et s’il se trouvait que j’ai toléré cela pendant tout ce temps, je me garderais d’en dire ou d’en faire trop.
Cela dit, chaque pays peut connaitre des problèmes internes et, tout en ne condamnant pas l’action de l’Otan, j’estime quelle devrait être logique avec elle-même. Si elle doit intervenir à travers le monde dans chaque Etat supposé ne pas respecter les droits de l’homme, ce ne serait pas seulement en Libye mais pourquoi pas en Birmanie, par exemple, ou même dans d’autres pays africains ?
Pour être clair, je ne suis pas entrain de défendre Khaddafi au contraire, mais si la Libye a été attaquée parce que le Président Khaddafi ne respectait pas les principes des droits de l’homme ni ceux de bonne gouvernance, le Sénégal ou d’autres pays ne devrait pas y échapper, même si et je le précise, je ne suis pas entrain d’appeler l’Otan à attaquer le Sénégal car je serais le premier à m’y opposer. Je ferais cependant remarquer que l’UA qui regroupe 54 pays depuis le 9 juillet dernier avec le Sud Soudan, devrait faire preuve de plus de fermeté, de clarté et de capacité à faire front pour suivre ce que l’Otan faisait là-bas en Libye car il y a bien des questions qu’il faut se poser sur ce dossier libyen. Au passage, je voudrais saluer le grand courage du Président ATT du Mali concernant ce dossier et tous ses homologues africains notamment devraient avoir le même courage d’autant plus que jusqu’en février dernier, le Président Khaddafi était encore l’«ami» de tous ces chefs d’Etat africains y compris Abdoulaye Wade, lui-même qui aujourd’hui le vouent aux gémonies. Khaddafi est venu au Sénégal en décembre dernier au Fesman, qui l’a invité ? Précédemment, il s’est rendu à Dakar en avril 2011 pour l’inauguration du fameux monument de la renaissance, qui l’a invité ? Une amitié c’est sacré et quelles qu’en soient les circonstances, on ne tourne pas le dos à un ami.

Vous avez été un peu partout pour mener des missions de bons offices notamment dans des zones de conflits, pourquoi ne vous-êtes vous jamais impliqué dans la question casamançaise ?

D’abord, la question casamançaise je ne prétends pas pouvoir la régler. Ensuite vous savez, il y a un principe de droit universel dans le domaine de la diplomatie et qui veut qu’on n’est jamais négociateur chez soi. Dans ce domaine, on cherche toujours un non-national pour mener une médiation. Ce qui peut se faire pour un national c’est ce qu’on appelle une médiation interne et à ce sujet, je renvoie la question à quelqu’un comme le juge Kéba Mbaye qui, n’était pas marqué politiquement, ou encore Monseigneur Théodore Adrien Sarr qui n’a jamais pris la carte d’un parti politique et même le Chef d’Etat major de l’Armée nationale devrait pouvoir mener une médiation interne qui consiste à créer des structures de convergences pour aller vers un compromis, alors que la négociation consiste à pousser des parties en conflit à des renonciations successives qui peuvent permettre d’aller vers la ligne de convergence. C’est pourquoi on n’a pas pris un congolais pour régler le problème du Congo …

Tout de même lorsque le Président Wade promettait de régler le problème de la Casamance en 100 jours, vous étiez avec lui, pensiez-vous à l’époque que c’était réaliste ?

Wax Waxeet ! Non, plus sérieusement, il le disait avant que nous ne fûmes ensembles. En fait il n’avait aucune idée de ce qu’est un Etat ni un conflit. Il avait dit cent jours, multipliez 365 par 12…
Le problème de la Casamance a une et des solutions. Si on demandait à quelqu’un comme Assane Seck, bien qu’il ait été membre et militant d’un parti politique, ou alors Amadou Moctar Mbow, ils pourraient beaucoup apporter. Ce sont des autorités morales qui ont dépassé l’espace où roulent les reptiles et ils marchent debout compte tenue de la charge morale qui est la leur. Personne ne peut les soupçonner de partis pris, mais ils sont l’antithèse de qui vous savez et qui ne leur demandera jamais de s’impliquer. Mbow lui a écris cependant, pour lui dire que les Assises ont élaboré un plan de paix. Qu’est-ce qu’il lui répond : « A quel titre m’écrivez-vous d’abord ? En dirigeant les assises nationales vous vous êtes rebellé contre l’Etat… Vous ne pouvez pas me faire de propositions, le problème je peux le régler et je le règlerai quand je le voudrais ! »…

La surtaxe sur les appels entrants au Sénégal, vous approuvez ?

Ce que je peux dire c’est que cela ne favorise pas notre économie. D’ailleurs ce n’est pas la Sonatel qui sera taxée, mais les sénégalais qui appellent de l’étranger. De plus, il n’y a rien de clair dans cette affaire. Ils ont d’ailleurs commencé à répartir soit disant le produit de cette surtaxe mais cette répartition ne couvre pas les 60 milliards qu’ils ont annoncés. Que vont-ils faire de la différence, ils ne le disent pas. C’est du vol violent ! La Sonatel est un outil très performant et fait rentrer énormément d’argent (200 milliards de FCfa en 2011) dans les caisses du Trésor contrairement à la Senelec qui pompe autant au Trésor public. Donc Wade ne devrait pas mettre la main dans les télécommunications.

Vous n’êtes pas candidat à la candidature au sein de Benno, vous avez quand même une vision globale pour le Sénégal ?

Ma vision pour le Sénégal elle est d’abord philosophique et morale. Il y a une dizaine d’années, partout où se présentait un sénégalais on le regardait autrement par respect. C’est entrain de changer du fait de l’image négative que renvoie le Chef de l’Etat à travers ses sorties malheureuses et sa gestion des affaires publiques connues au-delà de nos frontières. Il faut corriger cette image du Sénégal à partir d’une morale de vie et d’engagement. Quant à la vision économique, je dirais que le Sénégal ne retrouvera jamais le chemin du développement et de la croissance s’il ne règle pas d’abord le problème de son agriculture. Aucun pays ne peut se développer s’il ne part pas de sa capacité de produire dans le domaine agricole des biens, des services de sorte qu’avec moins d’espace on produise plus en utilisant des techniques agricoles qui depuis 3000 ans, ont été éprouvées. Deux types d’agricultures, celles à grandes vocation industrielle avec les grandes exploitations, et les petites exploitations qu’on appelle agriculture solidaire avec une mise à disposition assurée des semences, engrais, fongicides, etc… Vous savez, pour régler les problèmes d’une filière agricole, on commence par gérer la problématique des prix au producteur avant même de parler de semences…

C’est un clin d’œil à la Goana ?…

Vous savez, Wade a essayé et je serais irresponsable en disant qu’il n’a rien fait sur le plan agricole. Il a annoncé des programmes cohérents comme la goana, qui étaient porteurs et qui pouvaient produire des résultats. Mais comme à son habitude, il énonce des éléments d’un programme que tout le monde peut partager même si on est contre lui et il met en même temps tous les éléments qui biaisent ces programmes, parce qu’au lieu de faire des politiques objectives, il fait des politiques subjectives.

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