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Rebattre ses cartes sur l’Afrique par Naye Anna Bathily

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«L’Afrique, c’est maintenant». Ambition claire : la France qui a perdu énormément de terrain en Afrique- entre 2000 et 2011, ses parts de marché se sont effondrées, passant de 10 % à 4,7 %- souhaite doubler ses échanges avec le continent, et a annoncé la création d’une fondation franco-africaine pour la croissance.

Cette première décennie du XXIe siècle est celle de la métamorphose d’un continent qui, loin de languir aux frontières de la mondialisation en est devenu l’un des acteurs-clés, «Eldorado». L’emphase était de mise au forum économique sur l’Afrique réunissant 580 entreprises et 200 organisations internationales, ainsi que les délégations de la quasi-totalité des 54 pays du continent pendant toute cette journée de décembre.

Cette transformation africaine a longtemps échappé à l’attention d’Européens confits pour la plupart dans la conviction que le continent est condamné aux guerres, aux famines, au sous-développement et à la corruption. Des certitudes que ce forum économique organisé en préambule au sommet de l’Elysée sur la sécurité du continent, a mis à mal. Forum clôturé par François Hollande en compagnie de leaders qui incarnent le nouveau visage de l’Afrique tels que Kikwete de Tanzanie, Sall du Sénégal et Ouattara de Côte d’Ivoire.

Un îlot de croissance

L’Afrique n’est plus un terrain de jeu où pouvaient se financer des partis politiques et rivaliser les réseaux de la Françafrique pour soutenir tel ou tel chef d’État ami. Les économistes et les institutions internationales en sont convaincus : l’Afrique sera à terme un îlot de croissance. Sur les trente pays de la planète à plus forte croissance, quinze se trouvent en Afrique avec une moyenne de 5,5 % par an (contre 3,7 % pour l’économie mondiale) et une réserve démographique que l’Europe ne peut négliger si elle veut échapper à la stagnation : avec 700 millions d’habitants en 2000 et 1,9 milliard en 2050, elle va devenir le plus grand réservoir de main-d’œuvre et de consommateurs au monde.

Alimentée par l’urbanisation ainsi que par le boom des ressources naturelles, les nouvelles classes moyennes représenteront dans les prochaines années près de 500 millions de consommateurs, autant d’éléments qui, expliquent la ruée des émergents. L’économie s’y diversifie, et pour la première fois, le PIB moyen par habitant dépasse le seuil des 1.000 dollars. Aux secteurs traditionnels miniers ou agricoles, sensibles à des phénomènes de prédation ou de gestion à court terme, s’ajoutent les télécoms ou les industries de transformation. La croissance en Afrique est largement endogène et donc à même de durer, malgré des crises sporadiques. Si cette dynamique se confirme, l’Afrique deviendra un moteur vital pour l’économie mondiale.

Il convient toutefois de ne pas trop s’emballer, ont souligné les intervenants, listant les coupures d’électricité, le faible taux d’accès à l’eau potable, ou le coût et les incertitudes des transports de marchandises ou de personnes comme des obstacles majeurs.

Une nouvelle relation basée sur l’humilité et le pragmatisme, a déclaré la ministre de l’Economie et des Finances du Nigeria : «Il y avait autour de la table des hommes d’affaires sérieux et des politiques prêts à agir. C’est de cette manière que les Africains, veulent interagir avec l’Occident, traités en partenaires, en égaux.»

Pour cette championne des réformes, l’avenir, ce n’est pas l’aide au développement, mais l’investissement. L’Afrique est en mouvement. «Nous avons beaucoup de prétendants, a-t-elle encore ajouté. Bougez avec nous, ou alors vous allez rater le bateau, et il ne se représentera pas deux fois.»

«Un partenariat pour l’avenir»

L’événement fut l’occasion pour un groupe d’experts de remettre le rapport qui leur avait été commandé : «Un partenariat pour l’avenir». Les auteurs font quinze propositions, dont celle de créer une fondation franco-africaine pour la croissance pour remobiliser la France au côté d’une Afrique en marche. Mais la première des quinze propositions de la commission porte sur la rénovation des procédures de visas (économiques), jugées «restrictives à un point hallucinant».

L’enjeu est de taille et la place des émergents de plus en plus prépondérante. A titre d’exemple, depuis les années 2000, les relations commerciales entre l’Afrique et la Chine se sont considérablement resserrées. Au point que la part de marché de la Chine a atteint 16 % sur le continent africain en 2011 (contre 2 % en 1990), plus de 200 milliards dollars de commerce avec l’Afrique, vingt fois plus qu’il y a dix ans. Les équipementiers de télécoms modernisent les réseaux, les industriels délocalisent, à l’instar du fabricant de chaussures Huajian, qui installe des usines en Éthiopie.

Les échanges avec l’Inde ont quintuplé en six ans pour atteindre 130 milliards de dollars : elle est le deuxième fournisseur du continent avec 6 % de part de marché. Le Brésil, très présent en Afrique du Sud et en Angola, lui aussi diversifie de plus en plus ses activités (agroalimentaire, pétrole, aéronautique, minerais). La Malaisie a aussi fait une percée remarquée en devenant le troisième investisseur du continent. Le Vietnam et la Turquie ne sont pas en reste. Au total, selon l’Institut Montaigne, les pays émergents détiennent 14% des stocks d’investissements en Afrique et représentent un quart des flux d’investissements rentrants.

En juin 2014, Barack Obama recevra les chefs d’Etat et de gouvernement du continent– une première aux États-Unis. La Chine, mais aussi l’Inde ou la Turquie ont déjà leurs sommets. La plupart insistent sur le bien qu’ils veulent à l’Afrique et à son développement. En admettant qu’il s’agit aussi d’y développer… leurs propres intérêts. Le Japon, met les bouchées doubles pour que sa Ticad ouvre la voie à ses investisseurs : 25 milliards de dollars promis lors de la dernière édition. Les pays arabes ont aussi leur sommet et viennent de se retrouver au Koweït. L’Iran et Israël n’en sont pas encore à l’organisation de grandes rencontres, pas plus que la Russie, mais s’emploient à compenser par des visites officielles.

Parallèlement se développent des sommets plus spécialisés, mais cruciaux, ayant pour thème les mines ou l’énergie. Récemment, à Abou Dhabi, un sommet consacré à la Guinée a permis de lever plus de 15 milliards de dollars.

Tourner la page du passé

C’est dans ce contexte que la France veut reconquérir un continent africain en plein essor : «Il faut un agenda économique partagé». Certes, Paris est de facto toujours le gendarme du continent, comme l’illustrent les interventions militaires en Côte d’Ivoire, Libye, Mali et tout récemment en Centrafrique. Mais la tendance est à la démocratisation. Le continent compte désormais 25 régimes plus ou moins démocratiques, contre seulement… trois il y a une génération. Quant aux coups d’État et conflits inter-ethniques, la tendance est à une baisse marquée, même s’ils demeurent encore plus nombreux qu’ailleurs.

«Faire grand, neuf et positif», insiste-t-on dans l’Hexagone. En clair, tourner la page du passé pour instaurer un nouveau partenariat «gagnant-gagnant» de développement. L’urgence, c’est surtout de reprendre pied dans un continent où les entreprises hexagonales ont perdu- malgré des liens historiques et une langue commune-, des parts de marché face à la rude concurrence des émergents, en tête la Chine.

Seulement quelques jours après ce forum inédit, c’est le géant Ousmane Sow qui renoue (culturellement) à jamais la France à l’Afrique. Premier Africain admis à l’Académie des Beaux-Arts, le titre est un symbole à beaucoup d’égards. Une nouvelle page s’écrit. Tout un futur…

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