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Réciprocite des visas: La teranga* se paye cash par Dr Moussa Sow

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Les autorités sénégalaises vont mettre en œuvre à partir du 1er juillet la réciprocité des visas. Eh oui, désormais, les entrées au Sénégal vont faire l’objet d’une demande de titre de séjour. Une telle mesure, aussi courageuse soit-elle, fait l’objet de critiques de la part des professionnels du tourisme sénégalais qui crient au scandale, estimant que leur secteur risque d’en souffrir, évaluant un manque à gagner de 100 milliards. Cependant, cette décision marque une rupture, aux incidences multiples, de même qu’elle démontre une réelle vision dans la politique diplomatique du Sénégal, au fait des enjeux migratoires, sécuritaires et économiques du contrôle de nos frontières.

L’Afrique ne peut prendre son indépendance et son destin en main que si ses frontières sont sécurisées dans le cadre d’une politique stratégique panafricaine qui devrait aboutir à la mise en place d’une vraie force militaire dissuasive pilotée par l’Union Africaine. Le récent appel à la France par la CEDEAO pour aider le Mali à repousser les Jihadistes et autres trafiquants du Sahel est une triste situation de dépendance qui justifie plus que jamais l’urgence de l’Afrique à s’organiser plus efficacement face aux reconfigurations géopolitiques actuelles.

Tandis que des sociétés étrangères pillent nos ressources halieutiques et minières, souvent dans des conditions environnementales déplorables, les Africains eux sont cantonnés en Afrique sans aucune possibilité de mobilité au-delà des frontières du continent. Le cacao ivoirien est le bienvenu en Suisse et le diamant congolais peut scintiller dans les vitrines d’Anvers, mais il faudra plusieurs rendez-vous payants aux consulats de ces pays pour espérer décrocher un visa européen, chinois ou américain.

L’Afrique, le nouvel eldorado

Il n’y a pas longtemps, le cinéaste ivoirien Sylvestre Amoussou réalisait un film, Africa Paradis (2006), pour mettre en images un continent florissant, aiguisant tous les appétits du monde. Amoussou montre bien que ce sont les autres qui ont besoin de nous et non l’inverse. Le constat d’une Afrique en pleine croissance économique n’est plus à démontrer. Six des dix premiers pays en forte croissance économique se trouvent en Afrique ces cinq dernières années. Ainsi, il n’est pas étonnant de voir le retour de la ruée vers l’Afrique, vers ses terres arables, ses forêts luxuriantes, son pétrole… face à une économie mondiale qui bat de l’aile. Toutes les grandes puissances–traditionnelles comme émergentes–veulent leur part du gâteau africain, un continent en plein boom économique, dont la population jeune–70% ont moins de 35 ans–alliée à d’importantes ressources naturelles et minières font que ce continent devrait connaître son âge d’or dans les toutes prochaines années. Il n’y a aucun que l’Afrique porte l’espoir du siècle. C’est dans ce contexte favorable et inédit que les gouvernants africains doivent faire preuve de courage et, bien sûr, de vision pour sécuriser les richesses du continent et/ou en profiter le plus possible. Le Sénégal modèle démocratique conscient de ces enjeux, s’engage à rester vigilant par rapport à l’instabilité politique et sécuritaire de la sous région.

Le Sénégal franchit le pas !

La mise sur pied de la réciprocité des visas par les autorités sénégalaises est une rupture qu’il faut saluer pour au moins deux raisons.

C’est une décision logique et courageuse pour tout pays qui se respecte d’imposer un visa aux visiteurs originaires de contrées qui en demandent un aux ressortissants sénégalais.

L’incidence économique n’est pas négligeable. Et pourquoi ne profitons-nous pas de l’attractivité de notre pays–la porte de l’Afrique– pour que finalement notre Téranga soit payée cash sous forme de frais de visa ? D’ici quelques mois, le ministère de l’intérieur devrait pouvoir nous éclairer sur la manne financière que représentent ces visas d’entrées pour notre trésor public déjà mal en point. Cependant, alors que nous nous réjouissons de cette initiative audacieuse, les professionnels du tourisme désapprouvent cette décision. Qu’en est-il réellement du secteur touristique ?

Comment sont-ils arrivés au manque à gagner de 100 milliards si la réciprocité des visas entre en vigueur ? La dignité se quantifie-t-elle en milliard ? Quel est le plan stratégique des professionnels du tourisme pour booster la destination Sénégal ? Ce ne sont pas 50€ qui empêcheront les touristes à déserter nos plages. Le secteur devrait plutôt accompagner l’Etat du Sénégal dans sa mission de sécurisation du pays en refusant de jouer les victimes. Il est temps que les professionnels du tourisme rentrent dans l’ère du marketing et du branding de leur produit en utilisant des moyens plus innovants. La brise sénégalaise que certains viennent respirer est suffisamment peu cher payée pour que ce visa vienne réduire les recettes touristiques. Si le secteur touristique est pourvoyeur d’emplois, il n’en est pas moins à l’origine de problèmes de santé (Sida et autres MST…) et de travers divers que l’Etat du Sénégal prend en charge. La police assure la sécurité des Sénégalais et des touristes, lutte contre la criminalité et le trafic de drogue, et l’Etat a besoin de trouver des ressources pour financer ces activités régaliennes.

In fine, cette décision est loin d’être anodine, car elle rentre dans le cadre d’une volonté politique de maîtrise globale de la sécurité nationale, en attendant que l’Union Africaine arrive à une harmonisation définitive des politiques migratoires et sécuritaires.

Toutefois, je pense que la mesure de réciprocité, en dépit de son importance, ne va pas assez loin. Il semble évident que l’étranger venant d’un pays du nord obtiendra sans grande difficulté son visa, dès lors qu’il s’acquitte des frais y afférant. L’attribution du visa ne devrait pas être automatique !

Partons du principe que tout touriste est un immigrant potentiel. De là la nécessité d’aller au-delà du visa délivré à l’aéroport et d’exiger un dossier sur la base duquel une admission dudit visiteur peut être acceptée ou refusée.

Nous comprenons que David ne peut pas affronter seul Goliath.

En attendant que les autorités politiques africaines donnent à l’UA les moyens

de sa politique, le Sénégal a décidé de monnayer sa Téranga. Un grand pas vers la restauration de notre dignité africaine.

*Téranga : Terme Wolof pour l’hospitalité.

Dr. Moussa Sow

Convergence des cadres républicains-USA

www.concar-usa.org

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