XALIMANEWS- Aujourd’hui, les mariages ne tiennent plus comme avant. Et pour comprendre le pourquoi, Xalima a donné la parole au sociologue Dr Souleymane Lo qui trouve que ce phénomène est dû au sens même que la société donnait à l’amour qui est la base de toute union et qui a fini par changer au fil des générations. : « on constate que les mariages duraient plus longtemps qu’aujourd’hui. Dans la tradition, l’amour n’était pas un sentiment que l’on ressent mais, un ensemble de valeurs, une valeur symbolique des normes qu’une société épousait. Dans les mariages, l’individu n’epousait pas son prochain mais une famille, une société. L’amour c’était entre les clans, les familles, les sociétés. Alors l’individualité n’existait pas en amour. On aimait au regard du portrait que chaque société faisait à l’amour. De ce fait, un individu n’avait que le droit d’aimer pour la la famille et non pour soi même », rappelle-t-il avant d’expliquer que la façon dont les mariages se faisaient augurait de leur longévité : « ce n’était pas à l’homme ou à la femme d’aller chercher son amoureux (se) mais c’était plutôt la société, la famille qui le faisait à la place. Par conséquent, cet amour étant une représentation sociale faite de valeurs, de normes, de qualités faisait que chaque famille se mirait dans une autre famille dont elle apprécie le comportement, dont elle salue la dignité, la bravoure,…, pour pouvoir la recommander à un des siens ».
Selon lui, tout cela fait que les mariages perduraient alors que, aujourd’hui, le mariage est basé sur l’amour orienté pour soi-même ce qui fait que les choix des uns et des autres ne tiennent toujours pas compte de ce qui est permis ou interdit par la société (ethnie, famille, clan, classe sociale…). « Aujourd’hui ce que les jeunes mettent en avant, c’est ce qu’ils ressentent et ne tiennent pas compte des règlementations », regrette M. Lo qui rappelle qu’il « ya l’islamisation qui est arrivée pour essayer d’anéantir ces différences pour essayer de faire sauter ces barrières mais il ya une forte turbulence de ces croyances ».
Cependant, indique le sociologue, ce nouveau paradigme de l’amour peut être un piège dans les mariages et peut engendrer des dégâts collatéraux dans la mesure où ceux qui s’engagent peuvent se tromper de cible ou de sentiment. « Ce n’est plus une question de valeur, d’être ou d’éthique, mais ce qui importe, c’est cet amour qui peut conduire au matérialisme. La plupart du temps les gens pensent être amoureux alors qu’ils ne le sont pas . Parce que c’est un piège dans le domaine des sens parce que beaucoup pensent être amoureux de l’idée de l’être sans être amoureux alors que quand on est amoureux de l’idée de l’être amoureux alors qu’on n’est pas amoureux, c’est une certitude qui est fausse; c’est un piège puisque, une fois dans le mariage, l’individu, ce qu’il a senti pour la première fois, il commence à ressentir de moins en moins le même désir parce que l’habitude émousse l’instinct et il peut arriver, à un moment donné, où ce qui le faisait émouvoir, ce qui le déterminait n’existe plus en lui et par conséquent, il ne restera que les regrets des uns en face de ce désordre. Et quand la situation se présente comme tel, cela commence à installer une situation désastreuse par conséquent, c’est la méfiance et le conflit lattant commence ça et là jusqu’à ce qu’il devienne un conflit ouvert », explique-t-il.
Une chose très importante que l’on ne prend plus en considération, est que, autrefois, on préparait les nouveaux mariés à entrer dans les ménages ce qui n’est plus le cas maintenant. Et cela, combiné à cet amour « égoïste » mentionné plus haut, donne sens à la compréhension du taux important de divorces au Sénégal: « les rites qui accompagnaient le mariage commencent à disparaitre alors que ces rites étaient le laboratoire par lequel on opérait et on préparait l’homme et la femme pour qu’ils puissent surmonter tous les obstacles possibles. Mais à l’heure actuelle cela n’existe plus, une fois que le mariage est scellé, le couple est laissé à lui même. On ne sait même pas ce que demain sera. Par conséquent, ce sont des limites, qui constituent une faille importante dans les mariages d’aujourd’hui », argumente-t-il.
Un autre aspect non négligeable qui contribue aussi au nombre important de divorces, semble noter M. Lo, c’est l’autonomisation de la femme. A l’en croire, il est évident que cela participe à la consolidation du mariage mais, cela pourrait nuire au couple. Ainsi, la société devrait prendre cette autonomie de la femme comme un atout puisque les choses ont évolué et les mentalités devraient suivre pour que cela soit un facteur favorisant dans la durabilité du mariage plutôt qu’un handicap: » il faut l’union dans les cœurs comme dans le bien économique. Ce qui veut dire qu’une femme qui travaille participe à alléger les charges du ménage et ceci peut être un élément favorable à la survie, à la continuité du ménage. Par conséquent, il faut saluer le fait que la femme puisse être autonome dans un ménage danse sens d’aller travailler, d’apporter un soutien à la constitution de ce lien social de proximité par le biais du ménage », détaille-t-il.
Mariama Kobar Saleh