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« On m’a volé mon enfance », c’est le titre du livre de Diaryatou Bah, 24 ans, originaire de Guinée. Excisée à l’âge de 8 ans, Diaryatou a été mariée à 14 ans, à un homme de 45 ans, un mariage qui a fait de sa vie un enfer. Aujourd’hui, elle veut tourner la page, se reconstruire, et venir en aide aux jeunes filles victimes de mutilations génitales. Militante inconditionnelle de « Ni Putes ni soumises », Diaryatou veut en finir avec une pratique qui porte atteinte à la condition de la femme. La littérature, pour elle, est une voie d’expression d’un vécu dont elle n’est pas très fière. Une histoire qui s’écrit au fil des pages d’un livre publié en 2006 aux éditions Anne Carrière. Entretien avec Momar Mbaye.
Votre livre publié en 2006 a été traduit en 4 langues. Pourquoi avoir écrit sur quelque chose de si intime, que certains considèrent comme tabou ?
Ce livre est un témoignage à l’humanité, sur ce que j’ai vécu, ce qui m’est arrivé. Il m’a permis de me vider d’un fardeau. A travers l’écriture, j’essaie de faire passer un message aux femmes et aux jeunes filles, pour dire qu’on peut être maltraité, frappé, ou violé, mais il faut être fort, pour pouvoir se relever, prendre son destin en main et sensibiliser les autres.
Vous avez été marié à un marabout que vous n’aviez jamais vu auparavant, alors que vous étiez mineure. Qu’avez-vous retenu de ce mariage ?
J’ai d’abord été élevée par ma grand-mère, puis excisée à l’âge de 8 ans, comme le voulait la coutume, selon laquelle les jeunes filles de 4 à 14 ans devaient être « purifiées ». J’ai ensuite été mariée à l’âge de 14 ans, à un homme de 45 ans, un marabout. Au début, mon père n’était pas partant pour le mariage, mais ma mère a insisté, elle a eu le dessus. J’ai suivi leurs conseils et je me suis laissé emballer dans un mariage où tout avait été arrangé du début à la fin. En me mariant, je ne savais pas que je m’ouvrais les portes du malheur.
Pouvez-vous revenir sur ce mariage qui a précédé votre arrivée en France ?
Mon mari et moi avons vécu ensemble pendant 4 ans. Entre temps, nous avons quitté la Guinée pour aller vivre en Hollande pendant 2 ans et demi. C’est par la suite que nous sommes arrivés en France. Jusqu’ici, tout avait l’air normal, je n’avais fait aucun lien entre ma situation et l’excision, parce que n’arrivais pas à avoir d’enfant. J’ai perdu trois grossesses à cause de ce que j’avais subi pendant mon enfance. C’est seulement quand j’ai regardé une émission de télé sur les violences conjugales, que j’ai commencé à me poser des questions, avant de prendre conscience de mon état. J’ai été voir le gynéco, et là, j’ai tout compris. Ma vie est devenue un enfer. J’ai décidé de mettre fin à mon mariage dans le but de me reconstruire. J’ai vécu le calvaire lorsque j’ai voulu quitter mon mari. Il est devenu violent…Je me suis retrouvée dans la rue pendant 6 mois. Peu après, il a envoyé des personnes voir mes parents pour dire qu’il me répudiait, alors que c’est moi qui l’ai quitté. Aujourd’hui, j’essaie de tourner la page, mais difficilement, j’essaie de me reconstruire aussi.
Justement, comment s’est faite cette reconstruction ?
Çà a été très dur au début, mais j’ai eu la chance de tomber sur des gens bien, qui m’ont encadrée et accueillie à bras ouverts. Grâce à eux, j’ai appris le français dans un foyer, et j’ai intégré l’association « Ni Putes ni Soumises », dont je suis devenue responsable de comité au niveau national. Aujourd’hui, je revendique le droit de m’exprimer en tant que femme, et tout ce qui compte pour moi, c’est me battre pour les autres. Je suis animée par un sentiment d’altruisme, d’où mon engagement aux côtés des jeunes filles qui continuent de subir des mutations génitales, ces sans voix dont l’histoire est similaire à la mienne. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduite à créer une association, « Espoirs et Combats de Femmes. »
Il y a quelques années, un rapport de l’Unicef estimait entre 100 et 130 millions le nombre de femmes victimes de mutilations génitales féminines en Afrique, et 26 millions d’entre elles ont subi une infibulation. Comment expliquer le fait que dans des pays comme la Guinée, que certains puissent encore cautionner la pratique de l’excision de nos jours ?
En Guinée, l’excision passe pour quelque chose de tout à fait normal. Les femmes ne sont pas éduquées la liberté, voilà pourquoi elles se résignent et laissent les autres choisir à leur place. C’est un symbole de la domination masculine et de l’assujettissement du deuxième sexe. Non seulement l’excision diminue le plaisir chez la femme, mais elle peut avoir des conséquences fâcheuses sur sa santé, parce qu’elle se fait sans anesthésie pour la plupart du temps et dans des conditions d’hygiène précaires. C’est une pratique qui n’a plus raison d’être aujourd’hui. Il faudra que les femmes se mobilisent davantage, mais je pense qu’il faut associer les hommes à ce combat. Plus de 90% des femmes guinéennes sont victimes d’excision. Un jour, je discutais avec un homme, qui me reprochait mon engagement et m’a demandé : « pourquoi tu n’arrêtes pas de nous soûler avec tes histoires d’excision ? Tu sais que nous les hommes, on préfère les femmes excisées, qui ne nous causent pas de problème. Elles sont soumises et très dociles. » J’ai répondu : « sais-tu qu’une femme non excisée procure beaucoup plus de plaisir à un homme ? » Et là, il m’a arrêtée net, et il a dit : « ah bon, c’est vrai ? » Et au fil de la discussion, il a changé d’avis sur l’excision.
Êtes-vous déjà retourné en Guinée ?
Oui, en 2008, pour mener une campagne de sensibilisation. Je fais des émissions radio et je travaille avec des ONG à Conakry. Parfois, j’ai comme l’impression que le gouvernement ne s’intéresse pas trop à la question de l’excision. Il n’y a que les pouvoirs publics qui peuvent nous épauler. Malheureusement, on a l’impression que leurs priorités sont ailleurs. Certains pays comme le Sénégal ont déjà montré l’exemple dans ce sens, en s’attaquant ouvertement à cette pratique qui n’a pas fini de porter atteinte à l’image de la femme. J’espère que les autorités guinéennes leur emboîteront le pas.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis que vous êtes en Europe ?
Aujourd’hui, je suis devenue quelqu’un d’indépendant, je suis très autonome. Je veux dire à mes sœurs, qu’il y a des organismes qui luttent contre l’excision et toutes sortes de mutations génitales féminines. J’invite les jeunes filles à aller vers eux. Il y a aussi des médecins qui offrent volontairement et gratuitement leurs services aux victimes d’excision… Rien n’est perdu d’avance. Il faut se battre ….
Propos recueillis par Momar Mbaye
Diaryatou Bah était l’invitée de la nouvelle cellule « Ni Putes ni Soumises » du Haut-Rhin, à la Bibliothèque Municipale de Mulhouse (68), jeudi 22 avril 2010.
Contact : [email protected]
Je ne suis pa daccord quand tu dis une femme excisee ressent moins une femme non exicisee ce nest verifie nulle part cest juste des suppositions. La sensibilite depend de la personne pas de lexcision