Je m’incline devant tous nos morts sur les routes, dans les fleuves, dans les océans, dans les rues, sous les décombres des maisons.
Je prie Dieu qu’Il leur accorde Son Meilleur Paradis.
Je présente mes sincères condoléances à leurs familles éplorées.
Hier, ils sont plus d’une vingtaine de personnes à mourir dans un car surchargé qui s’est désintégré en heurtant un arbre, après l’éclatement d’un pneu, à hauteur de Gueun Sarr.
Il y a quelques jours, quelques mois, de longues années, des décennies, du naufrage du bateau le Joola à maintenant, les accidents s’égrènent ininterrompus avec leurs cohortes de morts inutiles, évitables.
Les mêmes scènes de douleur, les mêmes figures attristées, les mêmes récriminations face à l’indifférence des usagers face à la surcharge des véhicules, les protestations contre l’indifférence des services chargés de la surveillance routière, le constat de la négligence des services techniques chargés des visites techniques des véhicules, les lamentations des autorités et de l’opinion publique, les mesures sévères annoncées mais jamais entièrement et continuellement exécutées.
?Nous vivons indifférents face à ces bus dont les capacités ont été augmentées pour prendre plus de passagers en même temps que les services techniques de l’État sont indifférents à ces châteaux de cartes roulants.
Il est inadmissible que roulent ces bus qui au moindre choc voient leur carcasse se désagréger, les chaises à l’intérieur s’entrechoquer. Sans parler des vis, dont les pointes sont visibles à l’intérieur de la chambre des passagers, qui constituent de véritables poignards pour eux en cas d’arrêt brutal, de tonneau ou de choc frontal.
Les pouvoirs publics sont absents pour assumer leur responsabilité dans l’établissement des normes techniques de sécurité draconienne sur les véhicules de transport en commun.
Les services de police routière, police et gendarmerie, ferment les yeux et laissent circuler des véhicules qui visiblement constituent un danger mortel pour leurs passagers, les véhicules qu’ils rencontrent et même les populations au bord de la route.
Ne sommes-nous pas sidérés de voir des cars et d’autres véhicules circuler sur les différentes routes avec des nuées de passagers sur leur toit ?
Cela se fait avec l’insouciance totale des passagers qui devisent sereins et l’indifférence irresponsable des agents de police routière dont la gentillesse est louée par ces passagers.
Le constat triste et déshonorant est qu’au Sénégal la vie n’a pas de valeur.
La mort n’est qu’une tragédie conjoncturelle.
Nous nous émouvons spontanément, pleurons instantanément à chaudes larmes puis tranquillement, sereinement, retrouvons notre train-train quotidien, oubliant avoir perdu des êtres aimés, ne nous rappelant de leurs mémoires qu’à l’anniversaire de leurs décès lors des prières pour le repos de leurs âmes.
Il n’y a pas que les accidents de la route qui montrent le peu de valeur que nous accordons à la vie.
Les pirogues de la mort qui convoient nos jeunes, par dizaines, par centaines, dans les tombeaux aquatiques de l’Atlantique et de la Méditerranée, continuent leurs processions macabres.
Et les jeunes continuent imperturbables à payer aux passeurs un billet à prix d’or pour une Europe qu’ils ne verront jamais.
Les autorités doivent enfin prendre des mesures cohérentes pour stopper cette spirale de la mort.
Ces mesures concernent la sensibilisation des populations aux risques dans les transports en commun, la promotion de leur engagement citoyen à refuser d’emprunter des moyens de transport en surcharge ou ne présentant pas de garantie pour leur sécurité.
Elles concernent aussi les services techniques qui délivrent les visites techniques et ceux qui autorisent la circulation des différents types de véhicules de transport.
La police routière, police et gendarmerie, doit être plus exigeante sur la sécurité des passagers dans les transports en commun.
Il est important que les pouvoirs publics mettent en place un dispositif incitatif de formation continue des chauffeurs de transport en commun et réglementent mieux leurs conditions de travail et leurs assurances sociales.
Cette formation doit nécessairement comprendre les soft skills pour une meilleure appropriation de la responsabilité qui est la leur sur la sécurité de leurs passagers.
Ces formations peuvent être, pour les chauffeurs en activité, des formations certifiantes d’une durée d’un mois avec une prise en charge du salaire du chauffeur par l’État et une garantie de retrouver son travail, au retour de la formation, assurée par le transporteur.
Les pouvoirs publics doivent assujettir l’obtention d’un permis de conduire transport en commun au suivi et à la réussite à cette formation certifiante.
En définitive, il revient aux pouvoirs publics d’assurer la sécurité des usagers des transports en commun malgré la difficulté que constitue l’indiscipline et l’inconscience de beaucoup d’entre eux.
Beaucoup de morts sont évitables.
Il est seulement malheureux de constater que notre société n’a pas encore la conscience, le comportement et la sensibilité indispensables pour l’éradication des situations inadmissibles qui les provoquent.
Une introspection générale est nécessaire pour qu’enfin la vie humaine, la vie tout court, retrouve sa plénitude sacrée, sa valeur incommensurable.
Dakar, jeudi 27 juillet 2023
Prof Mary Teuw Niane
Tout à fait d’accord avec vous ! Seulement, l’une des valeurs les plus sacrées que l’on doit rendre à la vie, c’est la reconnaissance envers son bienfaiteur. Car quiconque se rend ingrat envers l’homme qui lui a beaucoup donné pour ne pas dire tout, le verra ici bas avant qu’il ne rende des comptes demain devant le tout-puissant. A bon entendeur salut !