Dans le deuxième volet de son ballet diplomatique, le Président Bassirou Diomaye Faye a atterri dans des pays dirigés par des juntes militaires, après avoir débuté ses premiers pas à l’étranger par des États considérés comme démocratiques. Ces déplacements d’hier au Mali et au Burkina, qui seront sans doute complétés prochainement par le Niger, lui permettront de discuter avec l’axe de dissidence au sein de la Cedeao constitué de ces trois pays qui ont mis en place l’Alliance des États du Sahel (Aes). Ainsi, il a été demandé au Sénégal, par deux pays poids lourds de l’organisation régionale, le Nigeria et le Ghana, de tout faire pour faire pencher du bon côté la balance de l’unité au sein de l’Afrique de l’Ouest. Il est à penser que cela ne sera pas tâche facile, mais Dakar dispose d’atouts pour réussir sa mission. Le Sénégal est un pays leader de la Cedeao avec une histoire démocratique et une trajectoire de transmission pacifique du pouvoir. Il est, avec le Cabo Verde, les deux seuls pays de la Cedeao à ne jamais avoir connu de coup d’État. En plus, auparavant, les nouvelles autorités sénégalaises n’ont pas eu de positions tranchées sur la question de l’Aes. Ils ont plutôt quelques affinités idéologiques avec ceux qui sont à la tête des pays de l’Aes, particulièrement sur des questions ayant trait à la souveraineté, à la présence des bases militaires étrangères, entre autres. Sans compter aussi que notre nouvelle politique étrangère a pour pierre angulaire le panafricanisme, symbolisé par la dénomination de notre Ministère en charge de ce domaine. C’est donc par cette ambivalence que le Sénégal est le plus légitime pour tenter d’encourager une réconciliation entre la Cedeao et les pays de l’Aes, mais doit, en retour, exiger d’avoir « un mandat robuste » pour porter ce costume de médiateur.
Un mandat sera, entre autres, de conditionner la médiation par des réformes nécessaires afin de permettre à la Cedeao de faire face aux défis auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée. Comme pour toutes les organisations multilatérales, l’organisation communautaire traverse une crise structurelle et existentielle du fait de son manque d’adaptation et surtout de ne pas avoir les mêmes postures face à toutes les menaces de la démocratie : les prises du pouvoir par les armes (coups d’État) et sa conservation par les urnes (syndrome du troisième mandat). Il faut donc réformer cette communauté économique régionale qui, malgré tout, est la meilleure d’Afrique compte tenu des acquis liés à l’intégration. « Je lance un appel à nos frères et sœurs africains, pour qu’ensemble nous consolidions les acquis obtenus dans le processus de construction de l’intégration de la Cedeao tout en corrigeant les faiblesses et en changeant certaines méthodes, stratégies et priorités politiques », avait lancé le Président Bassirou Diomaye Faye lors de sa première prise de parole comme Chef de l’État du Sénégal. Comme indiqué dans son programme en tant que candidat de la coalition « Diomaye Président », le dirigeant sénégalais avait clairement montré son option et sa vision de « porter une initiative de réforme de la Cedeao à travers le renforcement du Parlement de la Communauté, de la Cour de justice de la Communauté et une atténuation de la prépondérance de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement ». Tout un chantier difficile, comme l’est celui de la médiation pour faire revenir les pays de l’Aes.
Renforcer et réformer la Cedeao pour faire face aux défis (Par Oumar Ndiaye )
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