L’attitude du Directeur général des domaines continue de faire réagir des Sénégalais. En effet, Mame Boy Diao a offert aux élèves de la région de Kolda des cahiers portant son effigie.
Voici l’intégralité de sa publication !
« Générosité caritative bien ordonnée commençant par soi-même, la chanson satirique française Les Dames patronnesses enseignait, dès 1960, qu’il fallait s’identifier face à la communauté comme le bienfaiteur de tel ou tel indigent : « Tricotez tout en couleur caca d’oie / Ce qui permet le dimanche à la grand-messe / De reconnaître ses pauvres à soi. » Qui n’est pas tenté de distiller un peu de soi dans un vrai-faux mécénat mué en sponsoring, comme lorsqu’une grande marque d’ordinateur inonde de ses dons marketés le campus d’un État en voie de développement ?
Quand la politique s’en mêle, l’affaire prend évidemment une tout autre tournure. Et vint le sac de riz estampillé Faure Gnassingbé ou la montre Compaoré qui ne devait pas manquer de vous rappeler l’heure d’un scrutin voué à maintenir le « beau Blaise » au pouvoir…
La gêne instillée par la générosité politicienne devient scandale quand elle cible les élèves candides d’un système éducatif censé être neutre idéologiquement. En cette période de rentrée scolaire qui prend toujours des airs de casse-tête domestique, le directeur général des Domaines sénégalais a laissé parler son portefeuille en fournissant des cahiers à des écoliers souvent déshérités.
Charité et propagande
Premier détail embarrassant : Mame Boye Diao est candidat à la mairie de Kolda à l’occasion du scrutin prévu le 23 janvier prochain. Deuxième détail fâcheux : lesdits cahiers ont été imprimés à son effigie. Voilà comment la charité devient propagande politicienne…
Traditionnellement, les couvertures des précieux livrets servent de support à quelque carte géographique, illustration botanique ou table de multiplication. Pour la rédaction de senenews, la grande photo qui barre la couverture des cahiers offerts « viole le paravent apolitique qui est censé couvrir l’école nationale sénégalaise ».
« À cheval donné on ne regarde pas les dents. » À cahier donné, les parents d’élèves – cible indirecte de la campagne marketing – peuvent-ils jauger la couverture ? Pour leur épargner un choix délicat en temps de vie chère, des observateurs en appellent à la responsabilité de l’inspecteur d’académie. Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, a enjoint au ministère de l’Éducation nationale de prendre des mesures urgentes.
Pour l’enseignant-chercheur en droit public Mouhamadou Ngouda Mboup, c’est le préfet de Kolda qui « doit inviter Mame Boye Diao à retirer ses cahiers de propagande et interdire leur utilisation par les élèves au sein des établissements publics scolaires ».
Et l’universitaire de rappeler qu’en août, un responsable du mouvement d’opposition Gueum Sa Bopp, Bougane Gueye Dany, avait reçu du préfet une lettre lui demandant de retirer ses affiches publicitaires destinées à pousser les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales. Gageons que l’indignation à l’égard d’un don propagandiste n’a pas, elle aussi, une motivation partiale ».