xalimasn.com-Au coeur de Dakar, la gare routière s’érige dans un nouveau décor tout de contrastes. On n’est loin du grand tintamarre du mois d’Avril qui annonçait la merveille du coin au monde entier. Deux mois après son inauguration, le Grand Théâtre affiche un air triste dans une ambiance silencieuse. Encore sous l’ombre des décombres, le joyau attend toujours des spectacles qui tardent à venir.
La gare routière de Dakar était passée pour être le coin le plus prestigieux de la capitale sénégalaise. A l’heure du bilan du Festival mondial des arts nègres qui devait convaincre les sénégalais de la nouvelle trouvaille à l’air du temps, notamment l’importance de la Culture au sein de la gouvernance de notre pays. Pendant que nos concitoyens ployaient sous le poids des difficultés de la vie, le Président de la République avait tenu à démontrer ce nouveau statut. Et la marche vers le Grand Théâtre, construit à coût de milliards, avait déjà fini par donner l’espoir à un nombre de sénégalais en la personne des acteurs culturels qui s’enthousiasmaient déjà autour de ce joyau devenu, apparemment, la richesse la plus importante qu’ils n’aient jamais eue. Car il s’agissait d’un espace qui devrait abriter les plus grands spectacles les mettant, par conséquent, au devant de la scène. Alors, d’aucuns n’hésitaient pas à s’accrocher aux basques des autorités de la Culture en place qui se sont vues offrir de nouvelles sympathies. Celles-ci devaient encore servir à trouver la solution immédiate ou plutôt la voie appropriée pour l’accueil et surtout la prise en charge de ce nouveau chouchou. Mais, aujourd’hui le rêve semble être transformé en un cauchemar dans un décor des plus tristes. Quand les environs de la gare routière de Dakar qui abrite le Grand Théâtre, témoigne d’un désordre insolite. Si l’on sait que la «merveille», haute de ses quatre étages, le tout dans un luxe insolent, indispose dans ce lieu fait de décombres et de latérite rouge. Aux côtés de l’insalubrité habituelle propre aux espaces très fréquentés de la capitale sénégalaise.
Des travaux de finition qui cachent mille facettes
Au soir du 15 Avril 2011, les nombreux hôtes venus assister à l’inauguration du Grand Théâtre étaient loin de deviner les multiples incommodités qui se cachaient derrière cet immense bâtiment. Encore que les lumières du jour avaient aidé à faire briller la merveille de sorte qu’elle avait attirée, à elle seule, tous les regards. Toutefois, il faut dire que les travaux de finition n’étaient pas bouclés en ce jour. La partie chinoise, ayant accompli sa part de la mission, avait jugé nécessaire de remettre les clés à l’autorité qui, il faut le souligner, avait tout aussi hâte de montrer l’ouvrage au monde entier et pour la énième fois, dans le folklore et les fanfares. Ainsi, le Sénégal avec une participation de plus de deux milliards, devait s’occuper des travaux de l’extérieur du bâtiment en l’occurrence la verdure, entre autres et la route donnant accès au Théâtre. Pour dire que si les autorités chinoises avaient concédé à la remise officielle du joyau, c’est parce que l’Etat du Sénégal avait aussi promis de remplir ce qui lui était destiné dans la construction du Grand Théâtre. Cependant, ces travaux devant être réalisés par le Sénégal sur le site tardent à être faits. La piste de latérite rouge qui met les conducteurs dans une position cahoteuse ainsi que l’absence de verdure et de parking officielle, amènent les plus curieux à fuir cette zone. Ainsi, point d’ouvriers sur le site en ce début d’après-midi qui annonce un été dur. Il se pourrait qu’ils se soient réfugiés quelque part pour une pause afin de reprendre le travail qui demande à présent, moins de pression. En tous cas, le décor ne prête pas au cadre approprié pour un tel investissement. Du moins, celui de la république populaire de chine, ayant consenti de gros efforts financiers jusqu’au spectacle d’inauguration, est sur le point d’être dilapidé. Pendant que l’Etat du Sénégal ne semble pas sentir le besoin de justifier l’argent du contribuable déployé dans ce projet. On n’est loin du jour où il fallait faire vite afin de servir, au peuple sénégalais et ses sympathisants, un cadeau d’un modèle unique qui devait apaiser, tout de suite, les ardeurs.
Loin de la posture de Théâtre
En réalité, la gare routière offre aujourd’hui un «théâtre» qui sert, à lui seul, de spectacle à travers un tableau inédit. Celui-là unique dans son genre. Car le Grand Théâtre étonne autant par la grandeur de son architecture que par son silence de maquis, donnant une suite scandaleuse aux nombreux acteurs qui l’attendaient. Ces derniers ne peuvent, en vérité, que se morfondre dans leur déception. Ce qui ressemble pour eux au pire échec. Certains, interrogés, parlent de période nécessaire à la procédure pour une prise en charge efficiente de ce bâtiment de luxe. Pendant que d’autres ne semblent rien comprendre de cette mise en scène de mauvais goût. Un acteur culturel qui a souhaité garder l’anonymat va jusqu’à qualifier la situation de sabotage. «Si c’est de cette manière que l’on va vers les 7 merveilles, mieux vaut ne pas poser le pied pour les acteurs qui devraient, toute de suite, dénoncer cette lâcheté. Car, au moment où on construit le Grand Théâtre pour ensuite l’exposer, il y a des acteurs qui peinent à survivre et qui n’auraient pas demandé mieux que peaufiner leur formation à défaut de gagner à travers cet édifice. Pour vous dire que les initiatives ne manquent pas quand il est temps de le faire», peste t-il. Ainsi, bon nombre d’agents du secteur se désolent du fait qu’il n’y ait pas encore de spectacle dans ce bel intérieur qui devient un gâchis de plus. Même si les uns osent espérer que cette situation ne perdure pas. Au même moment, les plus ambitieux sont partagés par l’inquiétude de voir «leur bien» entre les mains d’un gestionnaire étranger. «C’est dommage ! On devait y penser pendant le processus de construction si l’autorité voulait vraiment faire du sérieux en lieu et place d’un tel folklore qui laisse un souvenir amer», se désole un autre acteur culturel en soutenant que Wade «a vendu» le Grand Théâtre avant qu’il ne soit sorti de terre. Et pendant que la nouvelle locataire du département de la Culture semble résoudre des problèmes plus urgents, à travers le genre et le cadre de vie sous le couvert de la graine politique du moment, le Grand Théâtre, vu de jour comme de nuit, semble mourir de la belle mort au coeur d’un vacarme qui désole même les moins soucieux.
Réalisé par Diouma SOW, xalimasn.com