XALIMA NEWS – Les journalistes de l’Observateur dont le directeur de publication du journal placé en garde à vue pendant 6h mardi dernier 14 juillet, ont bénéficié hier, mercredi d’un retour de parquet après plusieurs heures passées au tribunal de Dakar. En réaction au développement de cette affaire qui retient Alioune Badara Fall, directeur de publication de l’Observateur, Mamadou Seck, grand reporter à l’Observateur et Mouhamed Guèye, directeur de publication du Quotidien, Mamoudou Ibra Kane, directeur du Groupe futurs médias (Gfm) estime que c’est une « prise d’otages et un recul de la liberté d’expression ».
Les trois journalistes Alioune Badara Fall, directeur de publication de l’Observateur, Mamadou Seck, grand reporter à l’Observateur et Mouhamed Guèye, directeur de publication du Quotidien, seront encore présentés au procureur de la République aujourd’hui. Après plusieurs heures passées au tribunal de Dakar, à la suite d’une garde à vue à la section de recherches de la gendarmerie à Colobane, ils ont pu bénéficier d’un retour de parquet alors que leur libération était pressentie par les nombreux confrères qui étaient présents au tribunal.
«UNE PRISE D’OTAGES DE JOURNALISTES»
Pour Mamoudou Ibra Kane, directeur du Groupe futurs médias (Gfm), cette arrestation est «une prise d’otage» car il est inconcevable, à ses yeux, qu’on demande à un journaliste de révéler ses sources. «Je pense que l’Armée nationale qui est réputée être une armée professionnelle et rompue à la tâche doit être suffisamment outillée pour traquer d’éventuels mouchards parce que manifestement il s’agit de découvrir ceux qui ont donné l’information à l’Observateur. C’est pourquoi cela nous amène à parler de prise d’otages. Les journalistes étant plus faibles et plus vulnérables, on les garde pour jouer sur leurs nerfs pour qu’ils accèdent à la demande des enquêteurs», s’est indigné Mamoudou Ibra Kane.
«Notre position de principe est qu’il est inconcevable, pour nous, qu’on demande à un journaliste de révéler ses sources. Il l’aurait voulu d’ailleurs, il n’aurait pas pu parce que la Charte qui régit le métier de journaliste lui interdit de divulguer ses sources. Il a l’obligation de protéger ses sources. Et on déplore qu’au cours de l’enquête on ait eu à leur demander de révéler leurs sources», a laissé entendre le directeur général du Gfm, évoquant, par la même occasion, le droit à l’information du public, mais aussi le niveau de démocratie et de liberté d’expression atteint par notre pays.
«LA LIBERTE DE PRESSE BAFOUEE»
C’est la même réaction qu’a eu Madiambal Diagne, président-directeur général du Groupe avenir communication, éditeur de Le Quotidien. «Ce sont deux arrestations concomitantes qui peuvent rendre sceptique et qu’on doit regretter parce que ça ne va rien apporter au Sénégal. Au contraire, ça va discréditer l’image de notre pays. On va considérer que c’est un pays où on porte atteinte au droit de la presse et à la liberté d’expression», a-t-il regretté.
Selon lui, s’il y a des situations non appréciées par les autorités publiques parce qu’elles ont posé «un problème au niveau de l’armée ou de la gendarmerie», il aurait «pu être réglé par d’autres procédés et par d’autres canaux». D’autant plus que «cette publication remonte à plus de deux mois». Madiambal Diagne qui estime que «la question était presque derrière», s’est demandé «pourquoi ressusciter cette histoire là maintenant ?» Pour lui, ça le rend sceptique. «C’est inopportun et c’est contre productif », a-t-il déclaré.
Pour ce qui concerne l’arrestation de Mouhamed Guèye, Madiambal Diagne a simplement regretté cette affaire. «Je pense que c’est un incident regrettable et malheureux que nous déplorons. Et pour ça, j’ai déjà eu à présenter mes excuses au niveau de la gendarmerie pour l’attitude de notre confrère qui a pu être perçue comme discourtoise à l’endroit de la gendarmerie. Nous savons que ce n’est pas son genre, ce n’est pas son style, c’est peut-être un cas d’étourdissement, une désinvolture dont il n’a pas peut-être mesuré les conséquences», a-t-il soutenu.
LE CORED POUR “UN CLIMAT APAISE”
Bacary Domingo Mané, président du Cored, présent hier au tribunal pour apporter son soutien aux confrères en détention, a demandé à toutes les parties prenantes de cette affaire de s’inscrire dans une logique d’apaisement. «Quand cela arrive à un confrère, on a mal. C’est quelque chose que nous déplorons tous en tant que professionnels des médias. Nous souhaitons vivement que nos confrères soient libérés pour retrouver leur famille et leur rédaction. Et pour ce Sénégal là, on a besoin d’un climat apaisé», a-t-il déclaré. Et de renchérir: «que ça soit du côté des journalistes, du gouvernement, que du côté des forces de sécurité, il faut qu’on puisse s’inscrire dans une logique d’apaisement parce que cette situation n’arrange pas le pays tout entier».
Toutefois, pour le patron du Cored, «ces arrestations doivent nous pousser à réfléchir davantage sur notre métier et ses contraintes et exigences. Il est possible que le journaliste fasse des erreurs – et dans les cas qui nous intéressent aujourd’hui, il n’y a aucune volonté de nuire – et dans ce cas la bonne attitude serait de se remettre en question». Aujourd’hui, dit-il, «on est écartelé entre deux exigences: celle de donner toute la vérité sur un fait et celle de la contrainte de la loi. Moralité : le travail que nous exerçons devient alors très complexe». A son avis, «la justice doit tenir compte de cette complexité». Tout en se faisant une religion sur une chose : «le journaliste ne va jamais révéler sa source car sa déontologie le lui interdit».
AUGUSTIN TINE CHARGE LA PRESSE
Réagissant sur les ondes de Sud FM, Augustin Tine, ministre des Forces armées, a chargé la presse. «Il y a des choses qu’il ne faut pas diffuser. Ceux-là qui ont permis aux journalistes d’avoir cette information seront traqués. Nous sommes dans un pays de droit», a-t-il souligné. Pour rappel, les journalistes de l’Observateur sont arrêtés pour avoir publié des informations sur le nombre de soldats sénégalais qui devront être déployés en Arabie Saoudite, tandis qu’il est reproché à celui du Quotidien d’avoir intégralement publié le procès verbal de l’audition de Thione Seck.
Sud Quotidien