Après les retrouvailles Abdoulaye Wade, Yaya Jammeh, quel avenir pour Salif Sadio ? Tel pourrait être aujourd’hui l’intitulé d’un sujet de réflexion. Le chef rebelle, qui a longtemps bénéficié de l’hospitalité coupable de la Gambie, va-t-il continuer à profiter de l’aile protectrice des autorités gambiennes ou sera-t-il sacrifié sur l’autel du réchauffement diplomatique entre deux pays condamnés à la cohabitation par l’histoire et la géographie.
(Correspondance) – Doit-on désormais se tourner vers la Gambie pour booster le processus de paix en Casamance ? S’il est prématuré de répondre par l’affirmative à cette question agitée depuis quelques jours, il reste que les retrouvailles entre les présidents sénégalais, Abdoulaye Wade, et gambien, Yaya Jammeh, ont provoqué un réel espoir de paix en Casamance. Car, depuis longtemps, la Gambie, par sa position géographique vis-à-vis de cette région sud du Sénégal et ses similitudes sociologiques, s’érige comme un pays incontournable dans le processus de recherche d’une solution définitive à la crise qui a éclaté dans la partie méridionale du Sénégal en 1982.
En réalité, seul Abdoulaye Wade semblait douter de l’influence réelle du pays de Yaya Jammeh sur ce qui se passe au flanc sud du pays. Si bien que la Gambie et son président ont longtemps été snobés par le chef de l’Etat sénégalais qui semblait envisager une solution définitive à cette crise sans l’implication des pays comme la Guinée-Bissau, mais surtout, comme la Gambie.
Erreur de jugement ? Peut-être. Volonté de pourrissement pour faire capituler le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) ? Sans doute. Le résultat en tout cas est le même : La Casamance continue de sombrer dans le chaos avec des braquages à répétition, des affrontements entre l’armée et les rebelles indépendantistes, des déplacements de populations, des accidents de mine avec leurs lots de victimes, etc. Dans cette ambiance, ces populations sont obligées de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Qu’est-ce qui s’est passé entre-temps pour que le président Abdoulaye Wade comprenne en fin de compte que la paix en Casamance ne peut se réaliser sans l’implication et le soutien de la Gambie, entre autres pays ? Cette main tendue du chef de l’Etat à son homologue gambien vient en tout cas conforter certains observateurs au fait du dossier dans leur conviction que rien ne peut se faire sans l’appui de la Guinée-Bissau et de la Gambie. Deux pays qui, à un moment de l’histoire, ont été les parties garantes dans le processus de règlement du conflit casamançais. Snober ces deux pays, ne relève-t-il pas d’une méconnaissance de la réalité socioculturelle de l’aire géographique dans laquelle s’exerce la rébellion casamançaise ?
Heureusement qu’aujourd’hui, Abdoulaye Wade semble être revenu à de meilleurs sentiments en actionnant la piste gambienne. Mieux vaut tard que jamais, serait-on tenté de dire. En tout cas, le président de la République semble avoir frappé à la bonne porte. Celle d’un homme connu pour ses accointances avec les rebelles casamançais, d’un ‘Fiju di terra’ (enfant du pays) qui partage la même culture que la plupart de ceux-là qui, en 1982, avaient pris les armes au nom de la défense d’un idéal indépendantiste. Cette réalité a fait de la Gambie un pays d’accueil et de repli pour les bandes armées après des opérations quelquefois meurtrières sur le territoire de Casamance.
Cette ‘autorisation’ de Wade, Yaya Jammeh l’a toujours attendue pour prouver enfin sa capacité à aider le Sénégal à trouver une solution à son problème interne que constitue le conflit en Casamance, pour montrer qu’il est indispensable. Le chef de l’Etat gambien, qui avait mal pris sa mise à l’écart, obtient ainsi un permis d’agir. Seulement, la question est de savoir ce qu’il va faire réellement. Va-t-il continuer à soutenir les chefs rebelles qui ont jusque-là bénéficié de sa bénédiction coupable ? Ce serait une aberration. Va-t-il sacrifier ses ‘hôtes’ pour mériter la confiance de Wade et du Sénégal ? C’est sur ce terrain qu’il est attendu. D’autant qu’aujourd’hui, Yaya Jammeh a besoin de prouver sa bonne foi qu’il a toujours clamée lorsqu’il est accusé de soutenir la rébellion en Casamance. Ce qui doit nécessairement passer par un changement de politique vis-à-vis des chefs rebelles comme Salif Sadio.
Désormais, la question est de savoir si le président gambien ira jusqu’à sacrifier son ‘ami’ et hôte, fût-il un chef rebelle, sur l’autel du rétablissement des relations avec un voisin indispensable et incontournable pour un pays comme la Gambie. Un exercice indispensable, cependant, pour réhabiliter l’image écornée d’un président soupçonné depuis longtemps d’offrir l’hospitalité aux ‘ennemis’ du Sénégal.
Mamadou Papo MANE