Choisi par les militaires du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, pour diriger le gouvernement, du fait de sa neutralité politique affichée, Mamadou Ganda porte néanmoins un œil lucide sur la scène politique de son pays, dans un contexte particulier.
Choisi par les militaires du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, pour diriger le gouvernement, du fait de sa neutralité politique affichée, Mamadou Ganda porte néanmoins un œil lucide sur la scène politique de son pays, dans un contexte particulier. S’il souhaite la levée rapide des sanctions internationales qui frappent son pays, il se félicite aussi de l’appui des pays amis en ces moments de crise, dont fait partie le Sénégal.
Propos recueillis à Niamey par Madiambal DIAGNE – [email protected]
M. Mamadou Ganda vous êtes Premier ministre du Niger, est ce que cela a été une surprise pour vous d’avoir été nommé Premier ministre par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie
Pour être honnête avec vous, oui. Pourquoi ? Parce que je suis un observateur certes de la scène publique nigérienne de tout temps, sans rupture. Mais je me suis mis en marge pratiquement, des activités politiques. Donc, après qu’il y ait eu ces événements, personnellement, je ne m’y attendais pas. Et quand j’ai été approché pour la première fois, j’ai rejeté l’offre, pour être sincère avec vous. Mais j’ai continué à être approché, et j’ai fini par céder, compte tenu du fait qu’on me disait qu’il y a nécessité de trouver quelqu’un qui s’est mis en marge, mais tout en ayant ses racines au pays ; démarche à travers laquelle j’ai été approché. Après quoi j’ai quand même voulu savoir quels seraient les contours de la mission et à cet effet, j’ai demandé d’abord quelles sont les marges de manœuvres dont pourrait disposer un Premier ministre dans un contexte comme celui-là. J’ai voulu aussi m’assurer des ga-ranties, qu’il s’agit véritablement d’aller vers ce que les militaires ont eux-mêmes expliqué, c’est-à-dire la restauration de la démocratie. Et les entretiens que j’ai eus m’ont rassuré, selon les propres termes du président du Conseil suprême pour l’instauration de la démocratie, que j’ai carte blanche. Et qu’il s’agit véritablement d’aller vers la restauration de la démocratie.
Donc vous aviez cherché à avoir quelques garanties de la part des militaires
J’ai voulu d’abord m’assurer que ma vision de cette transition cadre parfaitement avec les orientations annoncées et j’ai voulu avoir confirmation, et ces confirmations je les ai eues.
Est-ce que cette nomination aussi n’a pas été tributaire d’affinités personnelles, de connaissances ou bien de relations que vous aviez antérieurement avec les principaux responsables de la junte ?
Non, personnellement tous ceux qui sont là, pratiquement, particulièrement le président, je ne l’ai jamais connu, je ne l’ai jamais croisé. Mais j’ai constaté qu’il y avait quand même quelques acteurs avec lesquels on avait fait la transition de 1999, quand j’étais ministre de la Communication. Est-ce que cela a joué, je ne peux vous le confirmer ou l’infirmer.
Mais est-ce que vous avez eu les coudées franches pour la formation du gouvernement, comment cela s’est passé
La formation de gouvernement, comme toute action qui se veut collégiale, a été faite de manière concertée. On a chacun eu à constituer une banque de données, y compris du côté des membres du Conseil suprême. Ils avaient leur banque de données. Donc, nous nous sommes toujours continuellement mis autour de la table, pour étaler les acteurs sur la base du seul background et de leur neutralité. C’est-à-dire, des acteurs qui pendant longtemps, pendant que le processus se déroulait, on ne les a pas vus ni dans les arènes, ni dans les directions des partis politiques, ni en tout cas dans les meetings ou les portes de bureaux politiques. On regardait leur Cv et on choisissait dans notre banque de données commune, le meilleur candidat. Voilà comment les choses se sont passées.
D’aucuns n’avaient pas compris que le premier gouvernement de la transition n’ait pas associé de grands responsables politiques, des figures de proue de la société civile. C’est peut-être la volonté de neutralité qui l’a justifié.
Vous savez que la lutte a été faite par tous les acteurs. Il y a des acteurs actifs et des acteurs passifs. En réalité, on a voulu que dans cette transition, qui mettait en avant la réconciliation nationale, qu’on prenne des acteurs autonomes du point de vue de leurs capacités à coordonner l’action gouvernementale, mais qui ne se sont pas singularisés par des prises de position ouvertes, qui pourraient susciter encore d’autres interprétations. Voilà pourquoi ni du côté des formations politiques ni du côté de la société civile, très active et très engagée, on n’avait de figures de proue. Mais ce qui est sûr, c’est que beaucoup d’acteurs qui sont dans le gouvernement ou des ministres sont quand même dans la société civile.
On a vu que le gouvernement n’a pas perdu trop de temps pour se mettre à la tâche. Pensez-vous que vous êtes bien installés pour la transition
Oui je pense … D’abord, parce que ce sont des acteurs autonomes comme je vous l’ai dit, par rapport aux départements ministériels qui leur ont été confiés, ils avaient leur vision de la conduite de la transition. Il était plus facile pour eux de se faire compléter et accompagner par les techniciens qu’ils trouvent dans les ministères. Donc, il se trouvait qu’en mettant en place le gouvernement, nous avons à la fois des questions qui étaient non seulement prioritaires mais urgentes, et des questions qui s’inscrivent dans le cadre des objectifs de la transition. Prioritaire et urgente, c’était la question alimentaire et pour ça, on n’a pas perdu de temps. On a essayé d’abord de lever le voile sur cette question, qui a été comme un tabou avec l’ancienne équipe. Nous avons à la face du monde, dit la réalité des chiffres en termes de situation alimentaire, de crise alimentaire.
Et quelle est cette réalité aujourd’hui ?
Vous l’avez suivie, la réalité aujourd’hui, c’est l’important déficit de plus de 119 mille tonnes. Et face à cela, nous avons lancé un appel pour que nos partenaires viennent en appui et nous avons élaboré un plan d’urgence. Globalement, sur la base de ce plan d’urgence, il faut considérer que du point de vue de la demande en termes d’aliments, c’est-à-dire ce qu’on peut appeler la sécurité alimentaire, il y a déjà un certain nombre de besoins qui avaient été exprimés. Environ 72 milliards étaient affichés à notre plan, et nous nous trouvons avec un gap d’environ 40 milliards. Du point de vue de la nutrition, c’est-à-dire l’alimentation des enfants de moins de 5 ans, des femmes allaitantes et des femmes enceintes, nous nous trouvons avec l’équivalent de près de 96 milliards de besoins et un gap non encore comblé de 56 milliards. Donc la situation est là et nous pensons que les effets cumulatifs de la crise vont se manifester au fur et à mesure qu’on avance dans le temps, c’est-à-dire d’ici mai, ce qu’on appelle ici chez nous la période de la soudure, la situation peut être très difficile. Par conséquent, nous allons renouveler à travers vous, un appel à tous nos partenaires pour qu’ils réagissent rapidement afin d’éviter que la situation ne devienne encore plus dramatique.
Est-ce que vous avez senti auprès de vos partenaires une disponibilité à accompagner le Niger, rapidement et efficacement ?
Ah oui ! Absolument. Je pense que sur ce terrain, il n’y a pas d’ambiguïté. Les partenaires étaient très ouverts, ils avaient parfaitement compris. Les partenaires se sont immédiatement mobilisés, sauf qu’ils ont les contraintes de leurs procédures puisque l’annonce a été tardive, du fait que le gouvernement en place à l’époque n’a pas voulu lever le voile sur la situation réelle du pays. C’est d’autant vrai qu’ils ont répondu et qu’ils ont accepté tout ce qu’on leur a expliqué comme réalité de la situation, que la coordonatrice de l’humanitaire qui est en même temps représentante résidente du système des Nations unies (Onu) au Niger, est actuellement au siège de l’Onu où elle a organisé une conférence, une rencontre pour donner la situation du Niger et lancer un appel à la mobilisation de l’aide en faveur du Niger. Donc je pense que ce sont des indicateurs qui nous montrent que nos partenaires ont bien accepté la situation telle qu’on la leur a donnée. Le responsable du Pam (Programme alimentaire mondial) pour l’Afrique de l’ouest, qui est basé à Dakar était encore à Niamey il y a encore moins de deux semaines, pour se rendre compte de la situation. Il nous a promis de s’engager fermement pour accompagner le Niger.
La solidarité africaine aussi doit être agissante. On sait que lors du dernier sommet du Cils à Ndjamena, vous avez eu à vous entretenir avec le Président Wade et qu’il aurait pris l’engagement d’accompagner le Niger autour de 10 mille tonnes de vivres, à la demande de votre gouvernement. Confirmez-vous cela et au cas échéant où est-ce que vous en êtes ?
Là-dessus, il faut reconnaître qu’à la rencontre de Ndjamena sur le Cils, nous avons eu à rencontrer les quatre chefs d’Etat. Et j’ai été particulièrement marqué par la réaction du Président sénégalais Me Abdoulaye Wade que je salue au passage et dont j’apprécie fortement sa disponibilité d’accompagner le Niger. De toute façon, le Président sénégalais a de tout temps accompagné le Niger dans le processus qu’il mène. Alors, sur cette question spécifique, j’ai exprimé au Président sénégalais, la situation telle qu’elle est et telle qu’elle risque de se présenter d’ici mai. Il n’est pas passé par quatre chemins. Il a fermement manifesté son adhésion à accompagner le Niger et sur place, il m’a demandé l’expression de nos besoins, pour venir en appui et je lui ai exprimé les 10 mille tonnes et il m’a répondu immédiatement : «Une fois rentré à Niamey, demandez à votre ministre des Affaires étrangères d’entrer en contact avec le ministre de l’Agriculture, nous allons faire le nécessaire.» Et la particularité, c’est que je suis rentré à Niamey le jeudi et vendredi matin, le directeur de cabinet m’apprenait que le Secrétaire général du ministère du Commerce sénégalais a appelé son homologue nigérien pour lui dire que le Président sénégalais a mis dix mille tonnes à notre disposition, et d’étudier les modalités pour entrer en possession de cela. Alors nos services sont en train d’échanger, de communiquer pour voir les modalités pratiques. Voilà où nous en sommes avec cet appui qui est concret, pragmatique et que nous apprécions fortement.
Est-ce que d’autres chefs d’Etat africains ont fait de même ?
Oui, tous ont manifesté, en fonction de la réalité ou des possibilités qu’ils ont. Je sais que du côté du Benin, on a la possibilité de trouver du maïs, disponible sur le marché. Du côté du chef d’Etat malien, que j’ai approché, on a la possibilité aussi d’acheter du riz. Donc, ils ont tous exprimé leur volonté d’accompagner le Niger et de faire en sorte que la situation de crise soit soulagée.
La situation alimentaire est assez difficile, mais quand on prend les autres secteurs aussi, tel que celui de l’économie au Niger, les difficultés restent les mêmes. Le gouvernement a promis, en intelligence avec les autorités du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, de faire un assainissement dans la gestion des affaires publiques. Où en êtes-vous avec ce projet ?
Là-dessus, je pense que tous les Nigériens sont conscients du niveau de délabrement en termes de gestion, et beaucoup, pour ne pas dire tous les Nigériens, souhaitent que la transition soit mise à profit pour que plus jamais ce qu’on a vu en termes de gaspillage, en termes de mauvaise gestion ne se reproduise. Alors, dès leur installation, les membres du gouvernement ont été instruits de deux choses. La première, il faut que chaque ministre essaie de capitaliser tout ce qu’il y a comme point fort en termes de gestion économique, sociale et politique dans les ministères et identifier les points faibles, pour qu’on puisse jeter les bases, sinon les améliorer pendant la transition. Donc, le premier acte, c’est sur le plan institutionnel. Nous allons faire en sorte que l’on mette en place des textes qui s’inscrivent dans le cadre d’une gestion durable de l’économie. Deuxième aspect, on doit faire en sorte qu’au niveau économique, les choses s’inscrivent dans une démarche prospective, qui permette de faire ce qu’on appelle communément le développement durable. Alors l’assainissement si c’est cela votre question, en termes concrets, il est évident qu’il nous revient d’abord de savoir de quoi nous héritons. Par conséquent, nous avons trouvé la formule de dire qu’il faut auditer. Les audits sont en cours, pour que chaque nouveau responsable ait une situation bien clarifiée. Et là, il ne s’agit pas d’une quelconque chasse aux sorcières. Il s’agit de cabinets indépendants qui vont auditer les situations et qui mettront au clair la situation de chaque unité administrative en cas de passation de service. Si c’est au niveau des administrations publiques, les passations sont encadrées par des inspections qu’on appelle communément les inspections avec enquête administrative. Voilà un peu les options d’assainissement qu’on a engagées, mais il ne s’agit nullement de faire une quelconque chasse aux sorcières. Nous voulons simplement à partir de cette transition que l’impunité n’ait plus droit de cité.
Quel délai donnez-vous à ce diagnostic ou état des lieux ?
Selon les estimations des experts, l’audit pourrait prendre entre quatre et cinq mois. Cela veut dire qu’on est en mesure de disposer des résultats des audits à l’intérieur de la transition, dont je ne voulais pas anticiper du rôle du conseil consultatif, qui a pour mission de donner l’agenda de la transition et de donner le délai.
Certains observateurs se demandent si votre gouvernement ne va pas procéder à la remise en cause de certains contrats miniers qui ont été décriés
Là-dessus, je pense que les choses ont été rétablies. D’abord, le ministre des Mines, qui est en charge de ce dossier, a aussitôt réagi face à une information dont on ne sait de quelle source l’a tirée la personne qui l’a balancée dans les médias. Le ministre des Mines a sans ambigüité, rappelé aux gens qu’il…
C’était le contrat avec Areva ?
Ce sont tous les contrats d’ailleurs, parce que la personne a dit entre autres, qu’un comité est chargé d’étudier la remise en cause des contrats. Le ministre des Mines a été très clair. Nous ignorons totalement l’existence d’un tel comité. Le Niger, et le chef de l’Etat en tête, a dit qu’il respecterait les contrats régulièrement souscrits. Donc cette information est fausse, je l’affirme. Mais évidemment, nous pensons qu’il faut dans tout les cas nous approprier ces contrats, les revisiter mais sans jamais envisager une remise en cause.
C’est vrai que l’audit n’est pas encore terminé mais quand on se fie aux informations publiées dans la presse, il y a par exemple des débuts de scandale dans des sociétés comme par exemple, la Nigelec et autres
Nous n’anticipons pas. A la Nigelec, vous savez qu’il y a une passation de service en cours entre les deux responsables. La passation de service nous dira ce qu’il en est et l’audit nous dira de manière explicite et indépendante ce qu’il en est exactement au niveau non seulement de la Nigelec, mais de toutes les sociétés. Vous avez suivi certainement cette semaine, le renouvellement des responsables qui sont à la tête de la plupart des sociétés d’Etat. Donc, c’est une situation générale, elle n’est nullement orientée sur une quelconque société que ce soit.
Justement ces renouvellements de responsables de société publique semblent donner l’impression d’un spoil system. Vous êtes en train de changer systématiquement tous ceux qui étaient là pour de nouveaux hommes. Quelle est la motivation ?
C’est la même chose qui a prévalu dans la nomination des membres du gouvernement. La plupart des responsables de société étaient des membres des états-majors des partis politiques. Certains sont en place depuis plus de dix ans. Vous êtes d’accord avec moi qu’avec plus de dix ans, on ne fonctionne que sur la base d’une routine. Or avec la transition, nous voulons renouveler les idées. Nous voulons des gens proactifs, capables d’imaginer de nouvelles approches pour inscrire leur gestion dans la durée. Nous voulons qu’en cette période, tout le monde se neutralise ou soit neutralisé, pour que nous puissions faire une gestion débarrassée de tout a priori partisan.
Ces derniers jours, l’actualité est dominée par les arrestations de plusieurs pontes, des responsables politiques, des caciques de l’ancien régime (L’entretien a été réalisé le vendredi au matin, et lesdites personnalités ont été relaxées dans la soirée. Ndlr). On a évoqué des tentatives de déstabilisation politique. Qu’en est-il exactement ?
Il ne s’agit pas d’une action orientée contre ceux que vous appelez les caciques de l’ancien régime. A mon avis, la responsabilité de la transition, c’est de tout faire pour que la réconciliation des Nigériens soit privilégiée, pour qu’on puisse aller dans la sérénité vers la restauration de la démocratie. Par conséquent, l’Etat a le devoir d’isoler tout ceux qui par leur comportement, risquent de nous empêcher d’aller vers ces objectifs nobles. Dans tous les cas, nous conservons le principe que le Niger va respecter les droits fondamentaux. C’est pour cela que nous avons un ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Par conséquent, pour les besoins de l’enquête, certaines personnalités ont été interpelées, mais il appartient à la Justice de constater qu’il n’y a aucune charge contre elles, et de les remettre en liberté. Vous pouvez être sûr que cet aspect sera respecté.
Les charges qui pèseraient contre ces personnes ne sont pas très précises. Est-ce que réellement, il y a tentative de déstabilisation du régime, et si c’est le cas, quelle en est la forme ?
Vous savez que dans tous les cas, ce sont des éléments qu’il sera difficile de vous exposer ici. Il y a des services dont la mission est de veiller à certains agissements et de surveiller les activités telles qu’elles se font. Sur la base du rapport de ces services, il est tout à fait normal qu’on essaie de comprendre un peu plus, et ces interpellations n’ont d’autres raisons que de chercher à comprendre un peu plus. Maintenant, la Justice décidera de la suite à donner à ce dossier, en toute autonomie.
Est-ce que ce n’est pas par stratégie d’écarter les amis de Tandja pour les prochaines élections qui mettront en place une nouvelle équipe politique après la transition ?
Personnellement, je ne pense pas que les acteurs de la transition, tant au niveau du Csrd que du gouvernement, soient des gens qui a priori ne sont pas dans des structures partisanes, et qui ne se sont pas donné la vocation de faire la politique. Je ne pense pas qu’ils soient dans cette logique de dire qu’on veut barrer X et préparer le terrain à Y. Je ne vois pas comment on peut écarter quelqu’un si ce n’est pas la Justice qui porte quelque chose sur son casier judiciaire. Donc, sur ce terrain, les gens doivent être confiants que la Justice nigérienne a fait la preuve de son autonomie, la preuve de son courage dans les moments les plus difficiles. A plus forte raison, lors de la transition, où chacun est appelé à jouer en toute responsabilité son rôle. Par conséquent, je ne vois pas comment disqualifier un acteur, si en réalité on ne trouve aucune charge sur lui du point de vue judiciaire.
Il se dit que les autorités de la transition vont mettre en place les conditions d’élection, et passer le pouvoir sans prétendre à aucune responsabilité politique. Confirmez-vous cela ?
Absolument ! Cela je le confirme. De toute façon, il n’y a aucune ambition des autorités en place de s’impliquer dans le jeu politique.
Il faut que l’on parle maintenant du sort du Président Tandja. Il est retenu à la maison verte, mais aucune charge officielle ne pèse sur lui. Jusqu’à quand va-t-on le garder ainsi ?
Aucune charge. Mais c’est quand même un ancien président de la République. Un président de la République n’est pas quand même pas un homme du commun. Il est bien traité. Je pense que vous avez suivi certains responsables venus ici au nom des institutions africaines, qui ont eu à le rencontrer. Et ils ont rapporté des échanges qu’ils ont eus avec lui, l’état dans lequel il se trouve et la manière dont il est traité. Il n’y a aucune inquiétude, l’ancien président de la République est dans de bonnes conditions. Il s’agit simplement de créer les conditions d’une certaine sérénité, pour réconcilier les gens. Je pense que là où il est, il est au courant du déroulement de la restauration de la démocratie au Niger. Par conséquent, sur ce plan, il n’y a aucune inquiétude, sauf que ça demande quelques précautions, pour garder ce climat de restauration de la démocratie et de la réconciliation des Nigériens, dont M. Tandja fait partie.
Lors du sommet de l’Union africaine, le chef de la délégation du Niger, le colonel Djibrilla Hamidou dit Pelé, avait dit que le Président Tandja ne sera pas inquiété. Est-ce que ce n’était pas aller trop vite en besogne ?
La preuve est qu’il n’est pas été inquiété, dans tous les cas. Je pense qu’il n’est de meilleure corrélation que de constater la déclaration du membre du Csrd auquel vous faites allusion et la situation actuelle dans laquelle se trouve le Président Tandja.
Quelques semaines après, ce membre du Csrd était déchargé de ses fonctions
C’est une interprétation de l’autre. La réalité est que je ne puis avaliser l’affirmation que vous faites.
Sur la durée de la transition, les autorités nigériennes sont évasives. Combien de temps faudrait-il pour que la transition se déroule dans de bonnes conditions et que vous puissiez organiser des élections transparentes et crédibles ?
Vous vous souvenez que le président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie a affirmé à l’opinion que la définition de l’agenda et la détermination de la durée de la transition, sont du ressort du conseil consultatif. Sur ce plan, le processus a débouché sur certaines mesures. D’abord, on a pris un certain nombre d’ordonnances pour confirmer qu’aucun membre du Csrd et du gouvernement ne sera candidat à la Présidentielle. Ensuite, on a essayé de rencontrer toutes les composantes du Niger pour faire passer le message et échanger avec elles, sur leur vision du processus tel qu’envisagé.
La durée de la transition n’est pas encore déterminée, mais si le Csrd se réfugie derrière le conseil consultatif, d’aucuns peuvent interpréter cela comme une stratégie pour jouer contre la montre.
En fait ici, ce sont des options qui peuvent être différentes, le Csrd aurait pu dire que nous allons donner une durée de la transition. Mais nous avons préféré adopter une démarche qu’on peut qualifier de participative et inclusive. Donc, c’est déjà un élément du respect du jeu démocratique. Or, on sait qu’en respectant le jeu démocratique, cela coûte nécessairement du temps. C’est peut-être cela qui fait qu’on pense qu’on veut gagner du temps. En réalité, c’est l’option même qui l’impose. Dès lors que c’est le conseil consultatif de manière concertée, qui devrait définir la durée, donc des citoyens nigériens qui devraient s’accorder sur ce temps, à mon avis il n’y a de responsabilité dans la définition de la durée de la transition qu’au niveau du conseil consultatif. Je pense que c’est beaucoup plus pertinent que des Nigériens s’accordent sur une durée de la transition plutôt qu’une structure ou une institution.
Dans un tel contexte, les sanctions décidées par les organisations internationales peuvent gêner votre stratégie de sortie de crise ?
Absolument ! Parce que dans tous les cas, nous avons hérité d’une situation de suspension. Depuis le référendum du 4 août le Niger, en termes d’aide, était suspendu par certaines institutions déterminantes, dont celles qui nous apportent un appui budgétaire. Aujourd’hui pratiquement, nous fonctionnons sur des ressources internes. Notre souhait, c’est qu’avec les actes posés, qui traduisent la volonté des dirigeants du Csrd d’aller rapidement vers la restauration de la démocratie, ces mesures soient assouplies. Il ne faut pas se le cacher, aujourd’hui avec la situation alimentaire et sécuritaire, tout le monde sait que le Niger fait partie de cet espace sahélo-saharien qui reste une préoccupation pour l’ensemble de la communauté internationale. Le Niger sera obligé d’orienter les ressources vers la situation alimentaire et vers des préoccupations de sécurité. Si de l’autre côté, les mesures persistent malgré cette volonté, il est évident que ce serait très préoccupant pour les autorités d’aller avec sérénité vers la restauration de la démocratie. Nous allons faire en sorte que les aspects soient conciliés, mais il est évident que plus de 70% des ressources mobilisées en interne sont prioritairement consacrées à la situation alimentaire et à des préoccupations sécuritaires.
Ne comprenez-vous pas le scepticisme de la communauté internationale quand on sait qu’en Guinée, les militaires ont pris des engagements qu’ils n’ont pas respectés ?
Cette question m’a aussi été posée par un de vos confrères. Mais en réalité, ce qui compte c’est le contexte. Les environnements ne sont pas les mêmes. L’environnement humain, les motivations qui ont fait qu’il y’a eu des ruptures dans les différents pays, ne sont pas les mêmes. Je peux comprendre le scepticisme de la communauté internationale, mais je pense que cette communauté doit au moins se rappeler l’histoire récente de chacun des pays, pour pouvoir déterminer son attitude. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des actions de rupture de la démocratie au Niger, des situations de transition par l’Armée et que l’Armée ait respecté sa parole. Rien que cela suffit pour dire que le contexte nigérien, les acteurs nigériens, ne sont pas nécessairement les mêmes que les acteurs des autres pays.
lequotidien.sn