Après l’incendie qui a décimé les locaux du commissariat central de Dakar, samedi après-midi, L’Observateur est retourné sur les lieux du sinistre. Un retour qui a permis de palper la vulnérabilité de ce bâtiment vieux de 91 ans, devenu, selon certaines indiscrétions, «une vraie menace à la bombe».
Les locaux de la Sûreté urbaine (Su) et de la Brigade de lutte contre la criminalité, (Blc) et une partie de la Brigade des mœurs, ont été «désertés» par ses habituels occupants. Ce lundi-là, Des flaques d’eau par-ci, des fils électriques entrecoupés et consumés par-là, se balancent au gré du vent, comme pour témoigner de l’ampleur du sinistre. Un court-circuit était passé par là samedi et puis le feu s’est propagé très rapidement. Sur les lieux, la peinture des murs est fortement écorchée. A l’œil nu, l’on aperçoit les stigmates des flammes violentes qui ont tout calciné. Ou presque. Dans des couloirs, coins et recoins des lieux du sinistre sont entassés sans précaution, ce qui reste du matériel et mobilier de bureau. Ce n’est pas tout, puisqu’une odeur âcre qui sent le cramé s’échappe encore des pièces et pollue fortement l’atmosphère. A ce décor lugubre, s’ajoutent des signes graves d’insécurité visibles sur les murs fissurés, les toitures trouées à plusieurs endroits, du fait de chutes progressives de blocs de pierres. L’électricité coupée, samedi dernier, au moment de l’incendie, fait toujours défaut. Ce qui bloque les tâches administratives et judiciaires.
Faute de bureaux fonctionnels, les limiers n’ont d’autre choix que de se tourner les pouces en squattant les couloirs et autres chaises de fortune épargnés par le feu. L’un des policiers ne pouvant cacher sa crainte lance tout de go : «Dieu seul nous préserve la vie. A chaque fois que je viens au travail, je prie Dieu de rentrer chez moi en un morceau, en voyant ces fissures multiples sur le toit et sur les murs», confie-t-il. Ruminant son courroux, un policier encagoulé pointe du doigt les parties du toit qui ont déjà cédé sous le poids de l’âge du bâtiment. «Vous voyez là, en dessus de la grille de sécurité. Cette partie du toit a failli coûter la vie à un visiteur qui se tenait juste en dessous. Heureusement pour lui, il a pris le bloc de ciment sous les pieds», informe-t-on.
Le bâtiment qui abrite le commissariat central a été bâti en 1922, il a 91 ans
«Je peux vous assurer que la véritable bombe qui mérite attention, c’est ce bâtiment vétuste du commissariat central. Si ma mémoire est bonne, c’est en 1922 que les colons l’ont construit. En 1992, il a été rafistolé, c’était sous l’ère du ministre de l’Intérieur d’alors, Famara Ibrahima Sagna», renseigne-t-on. Le bonhomme précise que les limiers de la Sûreté urbaine de Dakar sont aussi exposés que leurs collègues de Rufisque, des Hlm…
Des allégations confirmées quelques heures plus tôt, par un Colonel des sapeurs-pompiers qui avait débarqué sur les lieux, pour les besoins d’une inspection. «Il a vivement déconseillé le personnel de traîner dans les locaux qui abritaient les scellés de la Sûreté urbaine et de la Brigade mises en quarantaine. Une mesure étayée vers 14 heures par le Directeur de la construction et sa délégation qui, après avoir passé au peigne fin les coins et recoins de cette partie du bâtiment, se sont rendus sur le toit où ils ont découvert un rafistolage effectué pour joindre deux pans du toit. Il a aussi relevé que la vétusté du bâtiment n’avait pas épargné certains carreaux qui s’étaient détachés du sol. Fort de quoi, il avait, sans gants, avancé que les lieux constituaient un danger patent pour ses occupants. Pour toute solution, il a été même évoqué le relogement des limiers sur un site vierge, sis dans la commune de Mermoz Sacré-Cœur.
La Senelec avait déjà tiré la sonnette d’alarme
Un autre policier trahit un secret en débarquant sur les lieux pour traiter ses collègues de sinistrés. «Je vais saisir les journalistes de la Tfm pour qu’ils organisent un Téléthon pour nous venir en aide. Puis, remarquant les fils sauvagement raccordés, il révèle que «bien avant l’incendie du samedi dernier, la Senelec qui avait inspecté le bâtiment du commissariat central avait conclu qu’elle ne maîtrisait plus l’installation électrique en place. Elle avait alors proposé de procéder à une réinstallation complète du système électrique. Je crois que cet incendie a quelque chose de salutaire en ce sens qu’il va permettre aux autorités de ce pays de désormais prêter une oreille plus attentive à la hiérarchie qui a toujours souhaité entre autres, de rééquiper et moderniser les locaux de la police à travers le pays.»