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Samuel Ameth Sarr: Personnage d’ombres

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Ministre d’Etat, ministre de l’Energie, Samuel Ameth Sarr devrait rire sous cape quand les parlementaires l’ont invité à s’expliquer sur les délestages. Son ministère a en charge « la lumière », mais que de ténèbres sur Samuel !

Si Samuel Sarr était un personnage de roman, peu de lecteurs l’auraient adoré. Tant pis ! Les férus de romans violents et de scènes arrosées de sang, eux, s’en réjouiraient. Parce que Samuel est le genre de héros sans pitié, conçu pour nouer et dénouer une trame où la bagarre, l’invective et les heurts jalonnent le récit. Ce n’est point un « enfant » d’un Jules Vernes, porté vers l’extraordinaire, ou même le héros de l’immortel Jean-Christophe Rufin, emmêlé dans l’entrelacs au nom de l’humanitaire. Invité au Parlement à s’expliquer sur les délestages le mercredi 21 juillet 2010, le ministre d’Etat a répondu à 4 heures de questions en une trentaine de minutes. Des questions à la tonalité tantôt grave, tantôt pathétique ou angoissante, tantôt volcanique. Insolence, suffisance, cynisme, férocité ou désinvolture ?

Dans sa deuxième prise de parole, l’imam Mbaye Niang, visiblement ulcéré par le caractère expéditif et fuyant des réponses du ministre d’Etat a dit, en wolof : « Vous êtes comme ça ! ». Quel mystère cache ce dépit ? Beaucoup y verraient l’image du chirurgien, bistouri en main penché sur le patient et répétant : « ça fera mal, mais c’est la voie du salut ». Ils étaient, sans doute, dans le bon train, les parlementaires qui ont cru devoir interpeller le ministre d’Etat, ministre de l’Energie pour voir la lumière jaillir sur les délestages. Mais pas dans le bon wagon ! Attentes donc déçues. [Xalima.com] Assurément ! Comme, hélas, les deux vagabonds de Samuel Beckett, Vladimir et Estragon, qui ne verront jamais « Godot ». Parce que Samuel Sarr est l’exemple achevé du personnage d’ombres. Il n’est point à l’Energie pour combler son handicap. Et projeter sur soi le plein de lumière. Non, le secteur qu’il contrôle lui permet d’éblouir ou d’aveugler le monde d’en face pour s’entourer, à merveille, du maximum de ténèbres. Le costume bleu de nuit assorti d’une chemise blanche qu’il porte ce matin du 21 juillet relève moins de la séduction que de la rouerie.

ATTAQUES

Mais sa capacité d’ensorcellement sur les âmes les plus flegmatiques est, sans conteste, grandissime. Lunettes dorées, costumes somptueux, regards globuleux…, Samuel est un homme svelte à la diction mielleuse. Il a tout l’arsenal foudroyant d’un dandy, en bon saint-louisien, (Saint-Louis, ville d’affectation de son père) gambien, américain, français, qui sait ? Fait-il usage de cet arsenal pour faire baver les cupides et autres courtisanes et courtisans qui fleurissent les allées du pouvoir de l’alternance. Il semble que non. Travail et famille, dit-on, sont ses deux passions. Quand Samuel Sarr parle, il trahit (volontiers ? par vanité ?) la culture qu’il a colportée des pays développés notamment de la France où il a longtemps séjourné. Pour saisir ses propos il faut associer deux attitudes : bien tendre les oreilles et fixer la danse de ses lèvres. Converti à l’islam, Samuel Ameth Sarr, crâne souvent rasé, tient son “Ameth” de son père Doudou Ameth Sarr. Il s’habille parfois en « gorgui » : grand boubou, chéchia et turban blanc enroulé au cou. « Moi j’ai toujours était Wadiste. Vous ne me verrez jamais dans une instance de parti. Je ne suis pas politique. Quand j’étais étudiant au Canada, j’ai épousé ses idées », martelait-il dans une interview au journal Le Quotidien. Une sorte de pied de nez que ses frères lui ont bien rendu le jour de la session extraordinaire sur les délestages. Les députés Amadou Ndiaye Lô parle de crime, Fatou Younouss Aïdara habituée à cogner sur l’opposition, rejette 2012, échéance fixée pour un retour à la normale, Abdoulaye Dramé lui demande de démissionner. Auront-ils finalement sa peau ? Rien n’est moins sûr. Sauf s’ils projettent la lumière, la vraie sur les liens entre le ministre d’Etat et Me Wade. Or là, il faut nécessairement remonter à la ténébreuse affaire de l’assassinat de Me Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel, pour comprendre à quel point ces relations sont devenues si solides.

Son arrestation dans cette affaire le révèle au grand public. Il s’apprêtait à prendre l’avion, en direction de Conakry, puis Libreville et Brazzaville. Il fera huit jours à la gendarmerie de Thiong. Pourtant des faits compromettants auraient pu davantage prolonger son séjour loin de la lumière du jour. Après avoir nié avoir connu Assane Diop, un des meurtriers de Me Sèye, il se ravise et avoue lui avoir donné 200.000 FCfa. Pire, le soleil, publie dans la foulée de son arrestation un communiqué du gouvernement laissant croire que des documents importants ont été saisis sur lui. Dans les fameux documents figure le plan des locaux du Conseil constitutionnel. Malgré tout, Samuel, alors présenté comme le conseiller financier de Me Wade s’en tire. « Mon carnet d’adresses où les noms de Jacques Chirac et de François Léotard (Ndrl : ancien ministre de la Défense) voisinent avec ceux d’autres personnalités de la politique française m’a sauvé des affres de la torture », confesse-t-il. Né, en Gambie, d’une mère gambienne de confession catholique, Samuel Ameth Sarr, 47 ans, aime évoquer le Canada. Sans doute pour s’enorgueillir d’y avoir fait ses humanités.

CRESUS

Mais là, il faudra davantage de lumière pour se faire une idée sur sa formation. Certains qui le connaissent sont formels : Samuel n’a pas terminé ses études universitaires. Il a quitté les bancs de l’université pour aller chercher de l’argent. Aujourd’hui, il en a beaucoup gagné, prétendent certains de ses détracteurs. Pas toujours de façon orthodoxe, suggérèrent-ils, à tort ou à raison ! Directeur de la Senelec de 2003 à 2006, il confesse dans le même entretien avec Le Quotidien s’être fait tout seul. « J’ai mes affaires qui tournent à l’extérieur du pays. Je suis dans l’arachide, dans l’huile d’arachide, je suis dans d’autres choses. J’ai d’autres activités. C’est un sacrifice pour moi d’être venu ici, travailler pour le Président Wade (…) Moi j’ai toujours voyagé en première classe. Depuis que je suis directeur général de la Senelec, je ne voyage qu’en classe affaire. » Pour autant, Samuel Sarr s’est retrouvé dans une sombre affaire de confusion de comptes bancaires qui a, alors, défrayé la chronique. Il aurait à l’époque mis dans son propre compte 1 milliard de FCfa appartenant à La Senelec. Le coup d’audace aura l’effet d’un feu de paille. Pourquoi ? Mystère !

Par contre, son coup de gueule contre Moustapha Niasse fera le bonheur de la presse. « Répétons-le : Moustapha Niasse a fait fortune dans le pétrole et ce n’est pas à Keur Madiabel où, d’après lui, on mange des cailloux, qu’il a hérité son premier puits de pétrole », accuse-t-il au cours de point de presse en janvier 2010. L’escalade verbale « ennoblit » Samuel. Il est un des rares hommes politiques à s’attaquer à Niasse sur l’origine de sa fortune. La lumière crue s’abat sur les géniteurs de Samuel. « Ce garçon (Samuel Sarr, Ndlr), son père était dans mon service en 1968 en tant que journaliste (…). Il s’appelait « Sarr binocle » parce qu’il avait de grosses lunettes et il était mon ami », éclaire Niasse dont ne doute jamais de la bonne connaissance du pays. Samuel dégage en touche. Son père, dit-on, était un fonctionnaire de la santé. Encore le flou ! Il faudra plus que des binocles pour illuminer la trajectoire de Samuel. Décidément, les ténèbres lui collent comme par atavisme.

Hamidou SAGNA

lagazette.sn

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