Journaliste et militante des causes de transformation de la société, notre consœur Saphie Ly Sow est aujourd’hui consultante pour le compte de diverses organisations dont Plan International qui a initié un atelier de formation des professionnels des média sur « La violence faite aux filles dans le secteur de l’éducation ». L’ancienne Rédactrice en Chef de « Sud Quotidien » revient, dans ce petit entretien, sur le rôle que le journaliste doit jouer dans la sensibilisation et la vulgarisation des droits de l’enfant. Mme Sow est d’avis que les média doivent opérer une mutation pour parler plus des faits de société et mettre un terme à la tyrannie du politique dans l’espace médiatique.
« La Sentinelle » : Saphie Ly, vous êtes l’animatrice d’un atelier de formation des professionnels des média sur les violences faites aux filles dans le secteur de l’éducation, peut-on avoir une idée de ce qui a motivé la tenue d’une telle rencontre ?
Saphie Ly- Je suis journaliste-consultante, c’est vrai. Ça, ce sont les modalités techniques. Mais fondamentalement, je suis une citoyenne, un membre de cette société qui est interpellée par les mutations sociales et sociétales. Or, nous parlons de la situation de la jeune fille à l’école qui est souvent malmenée et violentée dans le milieu scolaire. Même si ce n’est pas souvent fréquent, même une fois seulement, c’est déjà trop. Donc, qu’est ce que nous pouvons faire pour que l’école soit un espace sûr, protecteur et bienveillant, pour que l’enfant puisse apprendre sans peur et servir la société. Donc, c’est un débat de société. L’objectif de cet atelier c’est véritablement d’ouvrir, de manière structurée et constructive, le débat de société entre professionnels de la communication que nous sommes.
« La Sentinelle » : On sait également que les journalistes rencontrent énormément de problèmes pour faire passer ces faits de société qui ne sont pas « vendables » dans leurs organes respectifs du fait de la tyrannie de la politique, du sport. Quel doit être le rôle du journaliste justement pour mieux faire passer des informations relatives aux droits de l’enfant ?
Saphie Ly- Ce n’est pas seulement le rôle du journaliste. Mais c’est le rôle du journaliste, du Rédacteur en Chef, du Directeur de publication ou de l’organe, des partenaires… Parce que, le journaliste tout seul ne pourra pas changer les choses. Encore une fois, c’est un débat sur les mutations de cette société pour accompagner les changements de cette même société. Or, nous savons que les Directeurs des organes de presse sont soumis à des réalités économiques très souvent. Quand le journaliste ne perçoit pas son salaire à la fin du mois, il s’en prend au directeur parce que c’est sa principale préoccupation. Le Rédacteur en Chef a une ligne éditoriale à défendre et à construire. Il y a donc toutes sortes de réalités qui deviennent des pesanteurs et ce qu’il faut véritablement, c’est que le journaliste arrive à sensibiliser son rédacteur en chef de la manière la plus appropriée et de façon collective pour sensibiliser, ouvrir et aider celui-ci, le convaincre, susciter son adhésion à ces questions là, sachant que les questions sociétales ne font pas vendre. Parce que c’est nous qui avons construit notre journalisme de telle manière que c’est la politique partisane qui fait vendre. C’est à nous d’opérer la mutation. Il s’agit de créer une rupture au niveau de nos rédactions et de prendre en charge les questions liées à la transformation sociale de nos sociétés, dans le cadre du projet éditorial.
« La Sentinelle » : Justement, quel traitement le journaliste doit-il faire de ces questions pour faire vendre l’information relative aux droits de l’enfant de manière générale ?
Saphie Ly- Mais ce sont des questions éminemment politiques. C’est à nous de transformer la manière dont nous traitons les questions de société. Je prends un exemple très concret. Quand on est dans la presse écrite, on a souvent la page politique où l’on traite : tel parti a fait ceci, tel autre parti a fait cela ou le leader de tel parti va très bien, ou bien à l’Assemblée nationale on a dit ou que le Président de la République a fait ceci. C’est très bien. Mais, à un moment donné, il faudra que l’on aille voir un Parlementaire pour traiter d’une question sociale ou économique et même sur la politique, mais qui fait le lien avec les pages société, social ou économie. Ce sont là des modalités très pratiques. Il faut que chaque journaliste soit capable de faire cet effort là et là, aucun Rédacteur en Chef ne sera contre. Bien au contraire. Et des ateliers comme celui-ci et le réseau prévu devraient être des espaces qui permettent de renforcer les capacités des journalistes pour pouvoir faire ce travail de transformation sociale.
« La Sentinelle » : Vous êtes journaliste et ancienne responsable de rédaction, aujourd’hui vous êtes consultante. Avec le recul, quel regard portez-vous sur la presse de manière générale ?
Saphie Ly – Je suis très fière. Quoi qu’on dise sur les travers et les défis. Tout le monde a des travers et défauts que ce soit du côté du Gouvernement que des autres secteurs politique et économique. Mais l’essentiel, c‘est de progresser. Ce n’est pas linéaire. Des fois nous tombons dans des travers comme tout le monde, nous marquons de reculs momentanés comme tout le monde, mais l’essentiel, c’est que nous avançons dans l’ensemble. Moi, je suis fière de la presse de mon pays et il faut saluer l’initiative du ministère de la Communication, malgré tout le bruit qui se fait autour de lui. Il a pris des initiatives et le leadership sur des questions et des besoins importants tels que le projet de Code de la Presse et autres loi concernant le développement du secteur de la communication de notre pays. Les gens sont des humains. Il n’y a Dieu qui soit parfait. Je pense que les gens avancent dans une bonne direction et nous devons être fiers de nous. Voilà, en avant !