La visite de Nicolas Sarkozy et David Cameron en Libye n’enthousiasme pas outre mesure les observateurs arabes. Entre scepticisme et déséquilibre géopolitique, ils soulignent la politique du deux poids, deux mesures.
«Vous avez voulu la paix, vous avez voulu la liberté, vous voulez le progrès économique, la France, la Grande-Bretagne et l’Europe seront aux côtés du peuple libyen».
Cette déclaration de Nicolas Sarkozy en visite en Libye, devant une foule en liesse, n’a pas manqué de galvaniser les Libyens présents sur la place de la Liberté, jeudi 15 septembre, à Benghazi.
Sous haute sécurité, le président français et son homologue britannique, David Cameron, ont été reçus en triomphe par les Libyens venus en masse montrer leur reconnaissance envers les deux chefs d’Etat occidentaux.
La visite du président français et du Premier ministre britannique dans la capitale Tripoli, puis à Benghazi, le symbole des premiers jours de l’insurrection, reste le premier déplacement en Libye de chefs d’Etat occidentaux depuis que le régime de Mouammar Kadhafi a été renversé le 23 août 2011.
Les raisons de ce voyage à haut risque, dans un pays toujours en guerre, n’étaient officiellement pas d’ordre économique selon Tunisie Focus, mais consistaient à démontrer le soutien au Conseil national de transition (CNT) le représentant légitime de la nouvelle Libye.
Une visite problématique pour le monde arabe
En contraste avec le plébiscite des Libyens, le déplacement de Sarkozy et Cameron n’a pas fait l’unanimité dans le monde arabe. Pour certains observateurs, la population est venue assister à un discours de présidents parés de leur «costume de néocolonisateurs», tel que le titre le journal algérien Le Temps. Le journaliste Farouk B. rapproche l’événement de celui mené en 2003 par l’Américain George Bush contre le président Saddam Hussein:
«Pour les plus avertis, le locataire de l’Elysée effectuera une tournée en conquérant « néocolonialiste » et en instigateur d’un coup d’Etat contre son ancien « allié », Mouammar Kadhafi.»
Le journaliste poursuit son propos en adoptant une position critique envers l’intervention de l’Otan en Libye:
«Quant à la guerre en Libye, elle n’est pas encore terminée. Le coup d’Etat de l’Otan sous la haute conduite de Sarkozy, avec la bénédiction de Bernard-Henri Lévy, a créé des problèmes plus préoccupants que la « dictature » de Mouammar Kadhafi.»
Farouk B. dresse un bilan critique du conflit libyen:
«La « révolte de Benghazi » a déjà provoqué plus de 60.000 morts (chiffre pas encore vérifié), dont des femmes et des enfants tués par les bombardements aériens franco-anglais (mais surtout français) et les drones fournis par les Américains. Des milliers de Libyens ont été déplacés. Des millions d’étrangers africains n’ont plus où travailler pour gagner leur pain.»
En ne manquant surtout pas de rappeler les échéances électorales françaises et l’intérêt de ce conflit pour Nicolas Sarkozy:
«C’est le prix de l’entêtement de Sarkozy qui voulait coûte que coûte se servir de la Libye pour remporter les prochaines élections présidentielles françaises, reproduisant la fameuse règle des empereurs français considérant que le seul moyen pour faire oublier les souffrances de leurs populations consiste à conquérir des terres d’autrui. […] L’exemple parfait de cette ignoble stratégie est celui de la colonisation de l’Algérie en 1830, quelques décennies après la « glorieuse révolution française »».
Le profil du président reste d’autant plus discutable que les révélations de certains câbles diplomatiques par WikiLeaks traduisent son appartenance idéologique:
«WikiLeaks n’avait-il pas « prévenu » dans ses câbles « diaboliques » que Sarkozy était un fervent « atlantiste » et « néolibéral » défenseur de « la démocratie par les chars »».
Nardjes Flici, qui s’interrogeait jeudi 15 septembre, dans le journal algérien L’Expression, si la Libye était «L’Irak de l’Afrique du Nord ?» partage en substance l’analyse de Farouk B.:
«Une vision claire et illustrée du devenir de ce pays semble avoir été tracée, comme ce fut le cas pour les autres régimes déchus grâce à une intervention (diplomatique et/ou armée) de l’Occident!»
«Un intérêt qui a poussé ces puissances, dès que l’occasion s’est présentée, à entamer des négociations avec les nouveaux dirigeants, dans les différents secteurs, notamment, l’exploitation et la distribution du pétrole libyen. La Libye se reconstruira d’elle-même, avec son propre argent. Nul besoin de la charité des Occidentaux, et ils le savent fort bien.»
Le journal marque par ailleurs et dans un autre article intitulé «Le CNT au bord de l’implosion», les dissensions existantes au sein du CNT:
«C’est le boycott par Abdelhakim Belhadj de la conférence de presse du représentant du bureau exécutif du CNT, M.Jibril, dimanche soir à Tripoli, qui a mis en lumière le froid existant entre les responsables civils et militaires du CNT. C’est l’arrivée, en début de semaine à Tripoli, de Mustapha Abdeljalil qui a fait des remarques assez sévères à l’aile armée du Conseil qui a tout déclenché.
Selon les dernières nouvelles, l’aile armée du Conseil transitoire a exigé sa part au sein du futur gouvernement d’intérim, qui sera annoncé dans moins de 10 jours. Une demande a laquelle se sont opposés certains des membres du Conseil national de transition, et particulièrement les libéraux.»
Une visite problématique pour le monde arabe
En contraste avec le plébiscite des Libyens, le déplacement de Sarkozy et Cameron n’a pas fait l’unanimité dans le monde arabe. Pour certains observateurs, la population est venue assister à un discours de présidents parés de leur «costume de néocolonisateurs», tel que le titre le journal algérien Le Temps. Le journaliste Farouk B. rapproche l’événement de celui mené en 2003 par l’Américain George Bush contre le président Saddam Hussein:
«Pour les plus avertis, le locataire de l’Elysée effectuera une tournée en conquérant « néocolonialiste » et en instigateur d’un coup d’Etat contre son ancien « allié », Mouammar Kadhafi.»
Le journaliste poursuit son propos en adoptant une position critique envers l’intervention de l’Otan en Libye:
«Quant à la guerre en Libye, elle n’est pas encore terminée. Le coup d’Etat de l’Otan sous la haute conduite de Sarkozy, avec la bénédiction de Bernard-Henri Lévy, a créé des problèmes plus préoccupants que la « dictature » de Mouammar Kadhafi.»
Farouk B. dresse un bilan critique du conflit libyen:
«La « révolte de Benghazi » a déjà provoqué plus de 60.000 morts (chiffre pas encore vérifié), dont des femmes et des enfants tués par les bombardements aériens franco-anglais (mais surtout français) et les drones fournis par les Américains. Des milliers de Libyens ont été déplacés. Des millions d’étrangers africains n’ont plus où travailler pour gagner leur pain.»
En ne manquant surtout pas de rappeler les échéances électorales françaises et l’intérêt de ce conflit pour Nicolas Sarkozy:
«C’est le prix de l’entêtement de Sarkozy qui voulait coûte que coûte se servir de la Libye pour remporter les prochaines élections présidentielles françaises, reproduisant la fameuse règle des empereurs français considérant que le seul moyen pour faire oublier les souffrances de leurs populations consiste à conquérir des terres d’autrui. […] L’exemple parfait de cette ignoble stratégie est celui de la colonisation de l’Algérie en 1830, quelques décennies après la « glorieuse révolution française »».
Le profil du président reste d’autant plus discutable que les révélations de certains câbles diplomatiques par WikiLeaks traduisent son appartenance idéologique:
«WikiLeaks n’avait-il pas « prévenu » dans ses câbles « diaboliques » que Sarkozy était un fervent « atlantiste » et « néolibéral » défenseur de « la démocratie par les chars »».
Nardjes Flici, qui s’interrogeait jeudi 15 septembre, dans le journal algérien L’Expression, si la Libye était «L’Irak de l’Afrique du Nord ?» partage en substance l’analyse de Farouk B.:
«Une vision claire et illustrée du devenir de ce pays semble avoir été tracée, comme ce fut le cas pour les autres régimes déchus grâce à une intervention (diplomatique et/ou armée) de l’Occident!»
«Un intérêt qui a poussé ces puissances, dès que l’occasion s’est présentée, à entamer des négociations avec les nouveaux dirigeants, dans les différents secteurs, notamment, l’exploitation et la distribution du pétrole libyen. La Libye se reconstruira d’elle-même, avec son propre argent. Nul besoin de la charité des Occidentaux, et ils le savent fort bien.»
Le journal marque par ailleurs et dans un autre article intitulé «Le CNT au bord de l’implosion», les dissensions existantes au sein du CNT:
«C’est le boycott par Abdelhakim Belhadj de la conférence de presse du représentant du bureau exécutif du CNT, M.Jibril, dimanche soir à Tripoli, qui a mis en lumière le froid existant entre les responsables civils et militaires du CNT. C’est l’arrivée, en début de semaine à Tripoli, de Mustapha Abdeljalil qui a fait des remarques assez sévères à l’aile armée du Conseil qui a tout déclenché.
Selon les dernières nouvelles, l’aile armée du Conseil transitoire a exigé sa part au sein du futur gouvernement d’intérim, qui sera annoncé dans moins de 10 jours. Une demande a laquelle se sont opposés certains des membres du Conseil national de transition, et particulièrement les libéraux.»
Bernard-Henry Lévy, le trouble-fête
Présent à Benghazi, le philosophe français «BHL» s’est retrouvé auprès de Sarkozy et Cameron. Au même instant, les «One, two, three, viva Sarkozy» fusaient dans la foule. Devant le plaisir évident du philosophe, à la question de savoir si ces manifestations de joie lui faisaient plaisir, le président français avait répondu:
«Ce n’est pas une question de plaisir, c’est extrêmement émouvant de voir les jeunes Arabes se tourner vers deux grands pays d’Occident pour leur dire merci. Ce qui prouve que l’affrontement entre l’Occident et l’Orient n’est pas du tout une fatalité».
Dans les colonnes du journal algérien Le Temps, Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union juive française pour la paix (UFPJ), dans un entretien accordé à Mounir Abi, revient sur la pertinence des positions du philosophe français.
En Algérie, on accuse en effet ce dernier d’avoir exprimé son soutien à l’appel pour la «journée de colère» qui devait avoir lieu, selon ses initiateurs, ce 17 septembre, pour commencer la «révolution» en Algérie.
«De quoi et de qui parlons-nous? D’un grand intellectuel-philosophe qui aurait marqué son époque par ses idées et son engagement progressiste comme ceux qui ont signé le Manifeste des 121 pendant la guerre d’Algérie, ou comme les regrettés Michel Foucault et Pierre Bourdieu? Ce type de personnalités est hélas devenu rare.»
A la question de savoir ce que propose BHL aux Libyens, Pierre Stambul ne fait pas de détour:
«D’être les clones des régimes occidentaux: fric, ultralibéralisme, intervention militaire. La nécessaire libération des peuples qui n’ont pas encore réussi à ébranler le régime en place est totalement contradictoire avec un alignement sur ce qui se fait de pire dans les sociétés occidentales.
On peut analyser la « sortie » de Bernard-Henri Lévy sur l’Algérie comme une anticipation pour faire valoir des droits français sur les richesses de l’Algérie. Fondamentalement, je ne suis pas inquiet.» «Les révolutions n’ont rien à voir avec les mondains.»
A l’inverse, pour le site Algérie 360, BHL n’y est pour rien dans l’appel à manifester, dénoncé par le ministre de l’Intérieur algérien, Ould Kablia:
«Le seul « étranger » à avoir publiquement évoqué l’appel du 17 septembre est le porte-parole militaire du CNT, Ahmed Banni, dans une interview accordée jeudi 25 août à la chaîne BBC.»
Mais sur place, à Tripoli, il semble bien que les Libyens sont sincèrement reconnaissants envers la France et l’intervention de l’Otan pour faire fuir Mouammar Kadhafi:
«Les gens continuent de se rendre sur la place des Martyrs tous les soirs. La différence, aujourd’hui, c’est qu’ils le font de leur plein gré. Personne n’est forcé ou payé pour célébrer la victoire. La France, et personne ne peut le nier, a été le premier pays à croire en nous, à comprendre notre révolution et à nous venir en aide. C’est tout à fait normal que ce pays s’attribue sa part de mérite dans le succès de la révolution.»
Le journal algérien Akhbarelyoum se focalise lui sur la prise de la ville de Syrte par les rebelles. Par ailleurs, il revient également sur cette visite «historique». Le quotidien, qui détaille le voyage de Sarkozy et Cameron, donne une idée de la tenue des 160 policiers français envoyés en Libye:
«Ils ont reçu des instructions de voyager en civil pour rester plus discret et se mêler à la foule, avec des sacs à dos, dans lesquels ont trouvait des bouteilles d’eau, de la nourriture une veste et un gilet pare-balle.»
De son côté, le journal qatari Al Jazeera donne la parole à plusieurs Libyens, souvent lucides sur leur situation et les intérêts du déplacement des deux chefs d’Etat:
«En dehors des raisons évidentes, comme les contrats pétroliers et d’autres gains économiques, je pense aussi que le Royaume-Uni et la France ont réalisé qu’ils ont loupé le train des révolutions en Tunisie et en Egypte. C’est pourquoi ils prétendent maintenant avoir un rôle si important en Libye.
Ce que je souhaite aussi, c’est que l’Occident aide à mettre en place un meilleur système d’éducation ici en Libye. Cela ne signifie pas nécessairement que nous allons perdre un peu de notre identité arabe. Je suis aussi pour des liens plus étroits avec l’Arabie saoudite et le Qatar. Et si les Américains veulent introduire McDonald’s en Libye, ça me va», confie Seraj Eddin Youssef, 19 ans.
Reste que là aussi, les avis divergent sur les intérêts et la face cachée de l’intervention des forces de l’Otan:
«Personnellement, je pense que la France et le Royaume-Uni se sont aidés en aidant la Libye. Vous verrez qu’aujourd’hui tout sera affaires de contrats pétroliers et de gaz. Ils ne le diront peut-être pas ouvertement, mais c’est ce qui va se passer. Pas que je sois contre. Mais c’est ce qui va se passer», affirme Abdel Azabi, 32 ans.
David Cameron en retrait par rapport à Sarkozy
David Cameron, le plus discret des deux chefs d’Etat durant la visite, avait marqué sa position:
«Nous sommes prêts à vous aider sur le plan sécuritaire, politique et économique. Nous sommes vos amis, mais il s’agit de votre pays. Il s’agit de voir le printemps arabe mener à un été arabe.»
Alors même que les frappes de l’Otan en Libye continuent (PDF), dans la presse anglosaxone, David Cameron veut éviter tout triomphalisme pendant ce séjour où il avait déclaré «Mission accomplie!» de façon prématurée à la fin du conflit militaire en Irak.
Enfin, en dehors du fait que le porte-parole dénonce la visite de Sarkozy et Cameron, la presse relève deux bémols dans leur visite express: certains pays comme la Tunisie ou l’Egypte attendent encore la visite du président français et supposent que leur territoire et leur révolution représente moins d’attrait que la Libye.
Mehdi Farhat
avec slateafrique