Jour J pour la cérémonie d’investiture de Joe Biden à Washington. Une cérémonie sous haute tension, deux semaines après l’invasion du Capitole par les partisans de Donald Trump. Pour le nouveau président, les défis sont énormes. Sanitaires, mais aussi économiques.
L’objectif du 46e président des États-Unis sera de sortir son pays de la profonde crise économique dans laquelle l’a précipité l’épidémie du Covid-19 en s’attaquant à plusieurs chantiers.
Plan pour soigner l’économie malade
Mobiliser les moyens pour vacciner le plus d’Américains sera sa première priorité. Vient ensuite un plan d’urgence de 1 900 milliards de dollars. Des aides directes aux familles et aux petites entreprises annoncées la semaine dernière, et qui s’ajoutent aux 2 000 milliards de dollars déboursés par l’équipe de Donald Trump au printemps. Plus tard, interviendra un plan de reprise. Un effort colossal pour un pays malade, déclarait Joe Biden : « Durant cette pandémie, des millions d’Américains, sans que ce ne soit leur faute, ont perdu la dignité et le respect qu’apportent le travail et le salaire. Des millions d’Américains s’attendent à être licenciés et doivent rester bloqués des heures dans leurs voitures devant des banques alimentaires pour pouvoir nourrir leurs familles. Voici ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis. »
Une nouvelle politique sociale
Si le chômage reste stable à 6,7%, le quotidien de ces personnes ne s’améliore pas. 18 millions d’Américains touchent des aides sociales. Il s’agit de leur redonner du pouvoir d’achat, mais ensuite d’enclencher un cercle vertueux en relançant la consommation et l’activité des entreprises. Issu d’un milieu populaire, le président promet de mettre l’accent sur l’amélioration des conditions de vie des plus précaires et des travailleurs pauvres en doublant le salaire minimum à 15 dollars de l’heure et en écartant la couverture sociale au plus grand nombre.
Dans cette crise, comme dans toutes les crises économiques partout dans le monde, les femmes paient un lourd tribut, rappelle Sylvie Matelly, économiste et directrice-adjointe de l’IRIS, l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques : « D’abord parce qu’elles ont les métiers les moins rémunérateurs. Les femmes gagnent moins que les hommes, ce sont donc elles qui subissent le plus les effets de la crise. Quand il y a une séparation dans un couple, ce sont elles qui élèvent le plus souvent les enfants et qui gèrent les dépenses d’un foyer. Ce sont encore les femmes qui occupaient les postes en première ligne dans la lutte contre le Covid-19 et qui étaient dans les secteurs ravagés par l’épidémie et qui ont été souvent licenciées. À mon sens, les États-Unis sont le premier pays à faire dans son plan d’urgence une référence à la situation des femmes. »
Des actions aussi en faveur des Noirs, des Hispaniques et des Américains d’origine asiatique ou indigène. Ce sont eux en effet qui représentent l’essentiel des mal-lotis. L’objectif de Joe Biden est clair : s’attaquer aux inégalités croissantes, mais aussi redonner confiance aux classes moyennes. Celles-là même qui avaient pu être séduites par Donald Trump.
C’est un changement radical en matière de politique sociale que promet le nouveau président, estime l’économiste, Sylvie Matelly : « Depuis une trentaine d’année on a eu une paupérisation d’une partie de la population. Elle a essentiellement touché les hommes, blancs, Américains, et en particulier travaillant dans les bassins industriels aux États-Unis. Pour les républicains, et en particulier pour Donald Trump, c’est la faute des étrangers. Pour les démocrates on est dans la logique de désindustrialisation. Dans une logique de populations qui ont été oubliées, qui n’ont pas pu être formées. Et donc, la solution pour remédier à cela, c’est de lutter plutôt contre les inégalités qui se sont creusées, en allant taxer plus largement les très riches et en redistribuant beaucoup plus. Forcément, les réponses politiques sont radicalement différentes. » Cette nouvelle politique se retrouve au cœur de la prochaine réforme fiscale.
La dette des États-Unis
Sur le point économique, la crise du Covid-19 a amputé les recettes de l’État fédéral et accru ses dépenses. Le recours au déficit public étant massif, la dette publique est passé de 108% du produit intérieur brut au premier trimestre 2020 à plus de 127 % aujourd’hui. « Cette tendance va se poursuivre sous l’effet d’une accélération des dépenses », estime Christophe Blot, économiste au sein de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques. « Au vu de tous les plans de reprise adoptés et annoncés, la dette publique pourrait atteindre 140% du PIB américain cette année, un record historique depuis 1870. »
Est-ce que cela pose problème ? Pas pour le moment. Une partie de cette a été rachetée par la banque centrale, la Reserve Fédérale. Et pour financer l’effort colossal de la relance la Fed et les banques du pays ont été mises à contribution. « Le seul problème que cela pourrait générer à l’avenir, c’est que les investisseurs craignent que finalement les États-Unis n’honorent pas leurs engagements et qu’ils demandent des primes de risque et des taux d’intérêt plus élevés pour acheter la dette américaine. Mais il se trouve qu’il y a une forte demande pour la dette américaine. Il y a une forte épargne aux États-Unis et dans le monde qui peut aussi alimenter cette demande de titres de la dette. Donc, le financement de cette dette à court et à moyen terme ne pose pas d’énormes problèmes », conclut l’économiste de l’OFCE.
Rfi