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Sauver le coach Aliou Cissé (Par Abdoulaye Thiam)

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103 joueurs convoqués en 6 ans ! 15 gardiens de but, 23 milieux de terrain, 28 attaquants. Ces statistiques ont été publiées par le quotidien sportif «Stades» dans sa parution du vendredi 9 avril 2021. Un record qui mérite sa place dans le livre Guinness. Le journal en conclut que le sélectionneur national des «Lions», Aliou Cissé est en «perpétuelle quête de onze idéal».

Pourtant ce n’est pas le talent qui manque à cette sélection sénégalaise. Ce n’est pas de la qualité non plus. Jadis, le poste de gardien de buts était un véritable casse-tête pour les techniciens qui se sont succédé à la tête de l’équipe nationale. On peut même dire sans risque de nous tromper que depuis la retraite internationale de Tony Mario Sylva, il y avait un désert. Mais, avec Edouard Mendy, Alfred Gomis et autre Abdoulaye Diallo, Aliou Cissé a même l’embarras du choix. Au niveau de l’axe central, idem. Sans occulter le milieu de terrain, les excentrés et la pointe de l’attaque où les serial-killers se bousculent au portillon. Last but not least, l’équipe nationale du Sénégal dispose en son sein le meilleur joueur de l’Afrique, le ballon d’or Sadio Mané. Quid de son standing ? Disons le tout net : notre sélection n’a absolument rien à envier à aucune sélection sur le continent. La machine est bien huilée ; avec une Fédération qui a capitalisé une expérience de haut niveau. En témoigne sa capacité d’anticipation lui permettant de mettre les joueurs dans d’excellentes conditions de voyage et de séjour. Et un Etat qui dépense sans compter, dans un pays où tout est prioritaire.

LA BARAKA DES TIRAGES 

Aliou Cissé a eu à déclarer qu’il était un «enfant béni». L’ancien capitaine des « Lions » ne savait si bien dire. Lui qui a toujours eu la « baraka » dans les tirages. Aussi bien en éliminatoires qu’en phases finales. «Les faits sont sacrés, le commentaire est libre», dixit notre maitre à penser Hubert Beuve-Méry (fondateur du journal Le Monde). Lors des éliminatoires de la CAN 2017 au Gabon, Cissé a réalisé un grand chelem. Inédit dans l’histoire footballistique du Sénégal. Six matches, six victoires. 13 buts marqués, 2 encaissés. Même si c’était face à des adversaires de moindres acabits (Burundi, Namibie, Niger). Pour les éliminatoires de la CAN 2019 en Egypte, Cissé s’offre cinq victoires et un seul nul. Pour la prochaine CAN 2021 prévue du 9 janvier au 6 février 2022 au Cameroun, il composte son ticket après quatre journées en empochant les 12 points en jeu devant l’eSwatini, la Guinée-Bissau et le Congo (Brazaville).

Pour les phases finales, Aliou Cissé tombe sur la Tunisie en décadence, le Zimbabwe qui se cherche et l’Algérie en reconstruction. A noter que de grosses cylindrées sont absentes au Gabon. En plus du pays hôte, cette CAN avait vu les participations de l’Algérie, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la RDC, de l’Égypte, du Ghana, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Maroc, du Sénégal, du Togo, de la Tunisie, de l’Ouganda et du Zimbabwe. On notera lors de cette CAN, des cascades de blessures (Gervinho- Cote d’Ivoire-, Ryad Boudebouz-Algérie, Younes Belhanda, Oussama Tannane, Nordin Amrabat Sofiane Boufal-Maroc), de forfaits et/ou autres retraites internationales des grands joueurs (Yaya Touré-Cote d’Ivoire).

Le Sénégal faisait alors office d’épouvantail et nous continuons de croire qu’il avait tous les atouts de son côté pour monter sur la plus haute marche du podium. Hélas ! Le staff technique va manquer d’audace. Faisant preuve d’une frilosité, Cissé n’aura pas le courage de prendre le risque pour dynamiter les deux barrages mis en place par Hugo Broos qui avait fini par avouer son incapacité à battre le Sénégal sur le terrain et qu’il n’avait autre solution que la séance fatidique des tirs au but. Il réussira son pari et Cissé lui, devrait se contenter d’une place en quart. Une défaite amère surtout face à une sélection camerounaise marquée par des défections. Huit joueurs titulaires avaient refusé de prendre part au rendez-vous gabonais. On peut citer Joël Matip (Liverpool), qui se disait «écoeuré par l’amateurisme ambiant», de Eric ChoupoMoting (Schalke 04), officiellement pour des raisons personnelles, officieusement pour ses relations houleuses avec le staff en place. Quant à Guy Roland N’dy Assembé, alors titulaire avec Nancy, le Lillois Ibrahim Amadou, Allan Nyom à West Bromwich et le Marseillais Franck Anguissa, ils avaient tous choisi de privilégier leur club.

BELMADI ET L’ALGÉRIE 

Comme lors du tirage au sort de la CAN 2017 où le Sénégal avait toutes les chances de rester à Franceville jusqu’en finale, en 2019, Cissé aura aussi, la même baraka au Caire. Logés dans la poule C en compagnie du Kenya, de la Tanzanie et de l’Algérie, les Lions sont assurés de rester dans la capitale égyptienne jusqu’en finale. Ce qui n’est pas négligeable dans le haut niveau. Avec deux victoires (contre la Tanzanie : 2-0 et le Kenya : 0-3) et une défaite face à l’Algérie (1-0), le Sénégal franchit le premier tour. La suite du parcours se passe de commentaires.

Loin de nous de minimiser l’Ouganda battu en huitièmes (0-1) ; le Bénin en quarts (1-0), la Tunisie difficilement en demies (1-0, a.p) ce ne serait tout de même pas quand même exagéré d’affirmer que c’est loin d’être les douze travaux d’Hercule. Ainsi arriva le moment attendu. Ce vendredi saint du 19 juillet 2019, Baghdad Bounedjah, auteur de l’unique but dès la 2ème minute (1’20), offre à l’Algérie son deuxième titre continental après 29 ans d’attente. Et dire que ce buteur précoce qui a rejoint l’Egyptien Ad-Diba (Egypte-Ethiopie : 4-0, CAN 1957) et le Nigérian Segun Odegbami (Nigeria-Algérie : 3-0, CAN 1980), évolue à Al Saad pendant que le coach sénégalais déclare non sélectionnable tout Lion qui ose signer en Chine. Diantre ! Cueilli à froid, Aliou Cissé dont l’équipe avait été battue dans tous les compartiments de jeu grâce à un pressing haut et permanent des hommes de Djamel Belmadi, va cette fois buter face à un bloc-bas des Fennecs. Comme ce fut le cas, il y a deux ans à Franceville. C’est le cas, devrait-on dire, à chaque fois qu’un adversaire des Lions décide de se recroqueviller dans son camp. Et cela fait six longues années que le Sénégal n’arrive toujours pas à résoudre une telle équation.

MANAGEMENT 

Un autre problème auquel Aliou Cissé semble être confronté, c’est au niveau de management de ses hommes. Le nombre de capitaines en est une parfaite illustration. Cheikhou Kouyaté, Sadio Mané, Kalidou Koulibaly et tout récemment Idrissa Gana Guèye. Cette valse n’est pas sans conséquence dans les vestiaires. Les images du refus «poli» de Cheikhou Kouyaté de récupérer le brassard que Sadio Mané lui avait sportivement tendu en plein match de coupe du monde en Russie sont encore vivaces dans nos mémoires. Et dire que tous ces «cadres» cohabitent encore en sélection. Tout récemment, c’est Bacary Cissé, l’un des journalistes les plus introduits dans la tanière qui annonce qu’il y aurait un problème au niveau du staff technique des Lions notamment entre Régis Bogaert et Nouredine Bouchara.

Par ailleurs, on se souvient encore de ce surnom que certains cadres avaient collé à Aliou Cissé au début de sa prise de pouvoir. «Yaya Jammeh», avaient relayé nos confrères de l’Observateur après les deux premiers matches livrés face au Ghana et Le Havre. Pour marquer son territoire, Cissé avait alors décidé de se débarrasser des «fortes» personnalités pour ne composer en majorité qu’avec des joueurs avec qui, il avait travaillé quand il était adjoint de Karim Séga Diouf sur le banc de la sélection olympique. D’autres «grandes gueules» finiront par quitter la tanière au lendemain de la coupe du monde 2018. Mais Cissé n’a pas eu de problèmes qu’avec certains joueurs. Ces relations avec les médias sont aussi tendues pour ne pas dire heurtées. Dès sa prise de fonction, il a décidé de tourner le dos la presse nationale. 365 jours sans un seul point de presse. Les médias devraient se contenter de recevoir la liste des joueurs convoqués par mail avant qu’elle n’atterrisse sur sa page facebook. Circulez, il n’y a rien à signaler ! Même la télévision nationale en a pris pour son grade lors du Mondial russe. L’équipe déployée par le Directeur général, pour réaliser un documentaire s’est vue les portes de la tanière se fermer à double tour. Elle rentrera bredouille. Quant aux autres Envoyés Spéciaux, ils auront droit à interroger Mbaye Niang et Pape Alioune Ndiaye lors de la première séance, avant que Cissé ne décida de tout arrêter. Visiblement jaloux de la notoriété de ses joueurs et trop imbu de sa personne, il ne souhaite pas être éclipsé. Or, la vraie star devrait être les joueurs et non le sélectionneur. Hélas, c’est ça aussi la méthode Cissé.

LE 3-5-2 EN QUESTION 

Terminons cette radioscopie par son système de jeu. Nous sommes de ceux qui pensent qu’il doit et qu’il a même intérêt à le varier pour parer à toute éventualité. Pourvu juste qu’il mette les joueurs qu’il faut à la place qu’il faut. Ce qui s’est passé au stade Lat Dior est un non-match. C’est presque un sabotage savamment orchestré pour narguer les Sénégalais. Le Sénégal n’a-t-il pas décidé de jouer la carte de l’équité sportive jusqu’au bout ? Ce qui est, à notre avis, une excellente chose. On se rappellera toujours de cette honteuse rencontre entre l’Allemagne (RFA) et l’Autriche pour éliminer l’Algérie en 1982. Qu’est ce qui a alors empêché à Aliou Cissé qui a battu le rappel de ses troupes, de mettre un onze type avec Sadio Mané à la baguette, un tandem Kalidou KoulibalyAbdoul Diallo ; Idrissa Gana et Nampalys Mendy au milieu de terrain etc., plier le match en première période pour ensuite mettre ses «coiffeurs» en seconde? Il a choisi de n’en faire qu’à sa tête. Comme d’habitude. Osons seulement espérer qu’il a compris la bronca populaire, pour changer rapidement le tir afin de nous éviter d’autres symphonies inachevées.

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