Scandale foncier à Podor : Des Italiens font main basse sur 20 mille hectares de terres
Les problèmes fonciers sont monnaie courante dans le pays.La communauté rurale de Fanaye ne fait pas exception à la règle.La source du conflit : l’attribution de 20 mille hectares de terres par le conseil rural à une société italienne. Deux camps se sont formés depuis la réunion de délibération du 15 juin 2011. L’un s’est rangé derrière le président du conseil rural, Karasse Kane. Il est pour l’affection du terrain. Il œuvre pour que le projet réussisse. L’autre s’est érigé en comité de lutte. Il regroupe plusieurs conseillers ruraux et chefs de villages. Il est contre cette attribution et s’évertue pour que le projet échoue. Alors on s’accuse mutuellement. On révèle les casseroles que l’autre traîne. Et c’est parti pour une bataille ardue entre les deux parties. Une bataille qui n’a pas encore livré tous ses contours.
AFFECTATION DE 20 MILLE HECTARES A SENETHANOL : Des conseillers ruraux et chefs de villages crient à l’esclavage…
L’attribution de 20 mille hectares de terres à la société italienne Senethanol a soulevé l’ire de certains conseillers ruraux et chefs de villages. Ils prennent cette affectation comme ‘une forme d’esclavage’.
Vingt mille hectares de terres attribués à la société Senethanol pour 15 ans. La pilule est dure à avaler pour certains habitants de la communauté rurale de Fanaye. Et les expressions n’ont pas manqué pour qualifier cette affectation : ‘20 mille hectares, c’est trop’, ‘on brade notre patrimoine’, ‘ils vendent nos terres’ etc. Pour les contestataires, l’attribution de ce vaste terrain à la société italienne est tout simplement ‘une forme d’esclavage’. Le coordonnateur du comité de lutte contre l’attribution des 20 mille hectares considère que ‘c’est le neuvième des terres de la communauté rurale’ qui a été donné aux industriels qui veulent transformer les habitants ‘en ouvriers’. Amadou Thiam se veut clair : leur aspiration n’est pas d’être ‘des ouvriers agricoles’. Il trouve même que c’est ‘une agression culturelle’ parce que la surface allouée équivaut ‘à toutes les terres dans le Walo’.
Le président du conseil local de jeunesse de la communauté rurale estime même que c’est leur patrimoine foncier qui est ‘bazardé’ parce que la surface affectée à Senethanol représente ‘un tiers des terres cultivables’ à Fanaye. Omar Hane craint que les paysans et éleveurs ne parviennent plus à faire ‘de la culture et du pâturage’ parce que le terrain ‘n’est même pas délimité’. Ce conseiller rural qualifie également le projet ‘d’affaire dangereuse et nébuleuse’. Il a entendu dire que la société va produire ‘de l’acide et de l’alcool’. Une crainte qu’il partage avec le chef de village de Thiangaye. Madani Kane trouve aussi ‘inadmissible’ l’attribution de terres par le conseil rural ‘sans le consentement des chefs de villages’. Dix-huit chefs de villages de Fanaye ont même adressé une lettre au président de la République pour solliciter son arbitrage, selon Omar Hane. Ce dernier croit aussi que la procédure d’attribution n’a pas été respectée parce que le Président du conseil rural, Karasse Kane, avait ‘caché’ le dossier. Les conseillers n’ont été informés que ‘deux heures avant la réunion de délibération’ alors qu’ils devraient avoir connaissance du dossier ‘cinq jours avant la rencontre pour pouvoir l’étudier’. Sur quarante-six conseillers, 24 avaient voté pour et 21 contre, selon Omar Hane. Il accepte donc la légalité de l’attribution des 20 mille hectares ‘puisque la majorité l’a adopté’, mais réfute la légitimé ‘puisque les chefs de villages n’ont pas été associés’. Le président du conseil local de jeunesse de la communauté rurale de Fanaye invite les autorités du pays à prendre leurs responsabilités. Amadou Thiam et Omar Hane assurent qu’ils feront tout leur possible pour ‘contrecarrer’ le projet.
…Le président de la communauté rurale les taxe de mauvaise foi
La réponse du Pcr de Fanaye ne s’est pas fait attendre. Karasse Kane s’indigne des déclarations des conseillers ruraux et chefs de villages contestataires et indexe leur ‘mauvaise foi’.
Les chefs de villages et conseillers ruraux promettent de combattre de toutes leurs forces pour que le projet de Senethanol n’aboutisse pas, mais le président de la communauté rurale de Fanaye ne se sent nullement ‘ébranlé’ par cet avertissement. Karasse Kane soutient que l’affectation est ‘légitime parce que tous les chefs de villages avaient donné leur accord avant l’adoption du projet’. Le conseil rural compte 46 membres et seuls trois conseillers, sur les 42 présents le jour de la délibération, avaient voté contre, selon le Pcr. Il estime donc que l’affectation est ‘légale’. Karasse Kane trouve que les contestataires sont de ‘mauvaise foi’ s’ils disent que 18 chefs de villages et 21 conseillers n’étaient pas favorables à l’attribution du terrain.
Le Pcr n’estime pas également ‘avoir bradé’ les terres de la communauté rurale avec l’attribution des 20 mille hectares. Karasse Kane dit avoir choisi un terrain ‘non exploité et jamais habité’. Il se dit ‘soucieux’ du développement de sa localité et juge que c’est un projet qui peut aider à lutter contre ‘la pauvreté’. Il donne l’exemple de quatre cents jeunes qui ont été engagés pour ‘abattre les arbres’ et qui percevaient ‘4 000 Fcfa’ chaque jour. Doro Tine, l’un des conseillers ayant voté pour, espère que le taux de chômage va ‘baisser’ si le projet réussit. Autre avantage, selon Doro Tine : les éleveurs n’auront plus besoin de faire des kilomètres pour abreuver le bétail parce que Senethanol a promis de faire venir l’eau du fleuve jusqu’à 15 kilomètres dans le Diéri.
Le Pcr soutient aussi que la commission domaniale s’est déjà rendue sur place pour délimiter le terrain. Le président de la commission, Mamadou Diop, assure que c’était en présence des représentants de la société et des trois conseillers qui avaient voté contre. Et ces conseillers avaient même reçu chacun ‘5 000 Fcfa pour leurs frais de transport’, informe Mamadou Diop. Il précise que le conseil rural n’a voté que l’attribution de 300 hectares qui devra abriter ‘une pépinière’. Le reste du terrain sera affecté ‘par tranche’. L’attribution de ‘600 hectares’ est prévue pour la prochaine réunion de délibération dont la date n’est pas encore fixée. C’est en 2015 que tous les 20 mille hectares seront mis à la disposition de Senethanol, affirme Mamadou Diop.
YACINE CISSE (En partenariat avec l’Institut Panos Afrique de l’Ouest)
walf.sn