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Secteur minier: menace sur l’investissement

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Prenant leur source sur de sombres interprétations des textes législatifs et règlementaires, les litiges qui opposent actuellement, dans le Sénégal Oriental, sociétés minières et Ministère de l’Environnement débouchent au moins sur un constat : un environnement des affaires sans cesse mis à mal au Sénégal et le risque, grand, de voir les investisseurs que l’on se démène à faire venir… plier bagages.

Arrestations, harcèlements, blocages des activités, racket, c’est la situation qui rythme le quotidien des sociétés minières dans le Sénégal Oriental et ce depuis sept(7) mois. Taxe forestière, défrichement et coupe de bois, délimitation du Parc national du Niokolo, sont les principales pommes de discorde entre lesdites sociétés minières et les services de la Direction des Eaux et forêts de Kedougou qui, à tour de bras, brandissent les dispositions du code forestier pour leur réclamer… des sous. Les premiers, quant à eux, dénoncent des « abus excessifs de pouvoir » du Service des Eaux et Forêts de Kédougou et opposent l’article 58 du Code Minier ainsi que la convention signée avec l’Etat du Sénégal.

L’affaire est d’autant plus grave que le 18 juin dernier, on a frôlé l’incident diplomatique lorsque le Directeur des Opérations d’une des sociétés minières a été mis aux arrêts par lesdits services des Eaux et forêts de Kedougou, pour « refus de transiger ».

Transiger. Le mot revient constamment dans les litiges qui opposent les deux parties. Mais si la définition du mot renvoie à une négociation, des concessions, pour obtenir un arrangement ou mettre fin à un litige, ici, il s’agit bien crûment de transactions pécuniaires auxquelles sont poussées les sociétés minières, si l’on en juge par les différents comptes-rendus dont nous avons pu prendre connaissance.

Mais revenons sur les faits dont le premier qui porte sur le paiement de taxes forestières remonte en fait au mois de novembre 2009 précisément le 16 du même mois.

La bourse ou la vie

Sur la base d’un compte rendu de la Brigade Centrale du Secteur des Eaux et Forêts de Saraya établissant « l’abattage sans autorisation » d’espèces protégées, sur des tranchées d’échantillonnages et de sondages dans les périmètres de Sounkounkou, de Hérémokone, de Bransan et de Makana, l’Inspection Régional des Eaux et Forêts (IREF) de Kédougou considère une « violation » du Code Forestier par la Société Sabodala Gold Operations (SGO) . Invité à s’expliquer sur les faits, le responsable Sécurité de la Société SGO « reconnaît la faute » et demande la transaction ; après avoir dressé, le 13 décembre 2009, un procès-verbal pour constater l’ « infraction » prévue et punie par les dispositions des articles L41 et L44 de la loi n° 98-03 du 08 janvier 1998 portant Code Forestier du Sénégal (partie législative) et l’article R61 du décret n° 98-164 du 20 février 1998 portant partie réglementaire du Code Forestier, l’Iref fixe la transaction pécuniaire à six millions de francs CFA (6.000.000 FCfa) qu’il notifie au responsable Sécurité de SGO.

Vérification faite sur le terrain, il apparaît que c’est la société Sabodala Mining Company Sarl (SMC Sarl) qui a ordonné le creusement de tranchées d’échantillonnages et de sondages ayant occasionné l’abattage d’arbres constaté dans le procès-verbal déterminant le montant de la transaction de 6 millions de francs CFA et établie au nom de M. Bertrand Kabou (Responsable Sécurité) ; par conséquent, la transaction qui aurait dû être établie, s’il y a lieu, au nom de SMC Sarl et non à celui de M. Kabou qui, ne serait pas salarié de SMC Sarl, pose problème.

Mais le pire réside dans la transaction-même. La règlementation en vigueur notamment la Directive N° 08/2002/CM/UEMOA portant sur les mesures de bancarisation et les arrêtés ministériels impose non seulement la limitation du montant des opérations en espèces à 100 000 FCfa, mais encore le paiement et la perception des opérations de l’Etat (fournisseurs, salaires, pensions, droits et taxes) par un moyen scriptural (chèque, virement, carte…) nécessaire au-delà de 100 000 FCfa. Or, l’Iref a fait encaisser l’argent (6 millions de FCfa) de la transaction par … « l’agent habilité », contre quittance, donc en espèces, nous dit-on. On est là en face d’un déni flagrant du cadre légal et règlementaire et rien n’est moins sûr que cet argent soit allé dans les caisses du Trésor public.

L’autre interrogation et non des moindres est relative au paiement-même, par la SMC, de quelque taxe alors que, comme le revendique la société, elle, est signataire, au même titre que d’autres sociétés minières, avec l’Etat du Sénégal, de Conventions qui les exonèrent totalement du paiement d’impôts et de taxes de toute nature, sur la base de l’article 58 de la loi n° 2003-36 du 24 novembre 2003 portant Code Minier du Sénégal et ne doivent donc pas payer la taxe forestière. Pourquoi alors Smc a-t-elle accepté de transiger si les textes lui donnent droit de ne pas le faire ?

La réponse, semble-t-il, se trouverait dans le souci pour les miniers de se voir contraindre y compris par la force et ainsi de voir leurs activités stoppées ou ralenties. La Société OROMIN Joint Venture Group LTD l’a d’ailleurs vécu à ses dépens, au début du mois de juin dernier, lorsque, apprend-on, des forestiers en provenance de Kédougou ont arrêté deux agents dans sa concession aux alentours du village de Maki Madina, pour « coupe d’arbres sans autorisation » ; Devant son refus de transiger sur l’ « infraction » en question arguant de l’article 58 du Code Minier, Michel Marceau, ressortissant Canadien et Directeur des Opérations de la Société OROMIN, a été mis aux arrêts. Il aurait dû son salut au paiement, finalement, de la transaction pécuniaire dont le montant a été fixé à 10 millions de francs CFA. L’affaire aurait failli virer à l’incident diplomatique si le ressortissant canadien, gardé à vue pendant plus de 24 heures, n’avait pas été libéré.

Nos tentatives pour entrer en contact avec un responsable au département de l’Environnement n’ayant pas abouti, toute cette affaire nous a motivé à entrer dans les méandres des différents codes qui régissent les deux secteurs minier et forestier, pour constater une certaine ambigüité législative et règlementaire dans leurs dispositions et qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations.

Flou artistique

Dans le code minier en vigueur, les dispositions de l’Article 58 au chapitre des exonérations fiscales ne souffrent d’aucune équivoque et stipulent que « Le titulaire de permis de recherche de substances minérales bénéficie pendant toute la durée de validité dudit permis de recherche et de ses renouvellements, dans le cadre de ses opérations de recherche, d’un régime d’exonération totale d’impôts, et de taxes de toute nature ». Plus loin dans le même code minier, l’article 99 stipule que : « sont abrogées toutes dispositions contraires à l’entrée en vigueur du présent code relatives à son objet et à son contenu, notamment la loi n°88-06 du 26 août 1988 portant code minier et le deuxième alinéa de l’article L44 de la loi 98-03 du 1er janvier 1998 portant code forestier ».

Notons que l’alinéa 1er de l’article L44 du code forestier concerne uniquement l’exploitation forestière en forêt classée tandis que le deuxième alinéa dudit article L44 concerne l’exploitation minière en dehors des forêts classées. Pourtant, au département de l’Environnement, on s’arc boute justement sur l’article L44 du code forestier et on persiste à considérer que la notion d’exonération visée dans le Code Minier ne couvre pas les redevances forestières et par conséquent l’IREF de Kédougou est en droit de réclamer la taxe forestière aux sociétés minières. Par ailleurs, le département de l’Environnement invoquerait les alinéas 3 et 5 de l’article L44 du Code Forestier qui imposent des obligations aux sociétés minières, notamment « un avis du Service des Eaux et Forêts, une étude d’impact sur le milieu, une évaluation des coûts de remise en état des lieux et des taxes à payer avant tout abattage d’arbres… ».

On est là dans un labyrinthe d’interprétations car, dans le code minier, bon nombre de dispositions démontent les arguments des forestiers notamment au chapitre III relatif à l’occupation des terrains. Aussi, l’article 73 du code minier dispose que « la possession d’un titre minier confère un droit d’occupation sur l’ensemble du Territoire de la République du Sénégal » et que « Ce droit d’occupation emporte autorisation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du périmètre qui lui est attribué », à, entre autres, « couper les bois nécessaires à ces travaux ». Ce d’autant plus que les projets d’installation visés à l’article 73, nécessaires à la réalisation des opérations minières de recherche et d’exploitation de substances minérales, « peuvent être déclarés d’utilité publique dans les conditions prévues par la législation applicable en la matière », article 74 du code minier.

Mieux, l’alinéa 6 de l’article 28 du code minier précise que « le décret d’octroi du permis d’exploitation ou de la concession minière vaut déclaration d’utilité publique pour l’exécution des travaux entrant dans leur cadre ». Force est ainsi de constater les ambigüités étourdissantes qui existent entre les deux codes et qui offrent une opportunité pour s’engouffrer dans la brèche. En fait, on semble considérer ici les détenteurs de titres miniers comme des exploitants forestiers or, à l’évidence, les activités minières (recherche et exploitation) ne sont pas des activités d’exploitation forestière ni de par leurs définitions, ni de par leurs finalités ou objectifs.

Le litige le plus récent en date opposant l’Environnement et les Mines concernant la délimitation officielle du Parc national du Niokolo Koba, renseigne davantage sur la profondeur du problème entre les deux départements.

En dépit…

Dans une lettre datée du 26 avril 2010 adressée au Directeur des Mines et de la Géologie, la Joint Venture KANSALA – BAMBUK (titulaire du permis de « Mako ») signale l’existence de deux (02) bornes à l’intérieur de son périmètre présentant des similitudes avec celles qui matérialisent les limites orientales du Parc National de Niokolo-Koba et sollicite un éclairage. A son tour, le Directeur des Mines et de la Géologie signale le problème au Directeur des Parcs nationaux, en soulignant la non-conformité de la position de certaines bornes par rapport aux limites définies par le décret n° 2002-271 du 7 mars 2002 portant actualisation des limites du Parc National de Niokolo-Koba et de sa périphérie.

En réponse, une mission tripartite (DMG, DPN, Société KANSALA – BAMBUK) est dépêchée, le mardi 01 juin 2010, dans la zone de Mako aux fins de déterminer la position desdites bornes par rapport aux limites exactes du Parc. Vérifications faites sur le site, il apparaît que les limites établies par la DPN ne correspondaient pas à celles définies par le décret n° 2002-271 du 7 mars 2002 portant actualisation des limites du Parc National de Niokolo-Koba et de sa périphérie ; la zone litigeuse du prospect de Pétéwole du permis de Mako serait bel et bien située en dehors des limites du Parc. Seulement, le Conservateur du Parc aurait contesté cette évidence en invoquant un « projet d’extension des limites du Parc ». Projet au demeurant antérieur au Décret de 2002 et qui engloberait la zone de litige.

Devant cet état de fait, la Joint Venture KANSALA – BAMBUK poursuit ses opérations de recherche alors que, bien qu’informée et relancée plusieurs fois sur la situation, la DPN n’aurait pas donné suite. Pourtant, le samedi 26 juin 2010, ses agents font une descente dans la zone de Mako et interpellent 11 collaborateurs de la Joint Venture KANSALA – BAMBUK (9 sénégalais et 2 canadiens). Ces employés auraient été acheminés à Tambacounda le même jour et mis aux arrêts. Ils seront libérés le lundi 28 juin 2010 dans l’après midi, après interventions.

Comme si cela ne suffisait pas, les services du Parc National exigeraient toujours aux responsables de la Joint-venture Kansala – Bambuk de… transiger, sous peine de voir leurs engins d’exploration saisis ou à défaut, mettre aux arrêts le Directeur national. Si cela n’est pas du racket et du harcèlement, ça y ressemble fort. Toujours est-il que le matériel en question aurait été immobilisé par les gardes forestiers, occasionnant ainsi des surcoûts journaliers de plus de 800.000 FCfa en location, à la joint venture.

Cette énième « affaire » a fini par susciter, le 07 juillet dernier, dans un hôtel à Dakar, une rencontre conjointe entre les ministres des deux départements et leurs collaborateurs. Rencontre qui n’aura abouti qu’au constat dont nous faisions cas plus haut : la légèreté dans l’appréciation des textes, favorisée par une ambigüité coupable de ces mêmes textes législatifs et règlementaires. Le fait que les experts des deux départements ont été chargés de travailler à la « révision de tous les codes » minier, forestier et le Code de l’environnement ; les harmoniser ensemble, « pour qu’il y ait une lecture compréhensible, partagée et assumée », en dit long. Pendant ce temps, sur le terrain, les harcèlements, menaces, intimidations, abus de pouvoir, voies de fait et autres exigences de paiement d’amendes iront de plus belle tandis que c’est l’image d’un Etat qui ne respecte pas ses engagements en dépit des droits, avantages et garanties accordées à travers les conventions minières signées en application du Code minier, qui en prend un sacré coup.

Si les conventions minières signées avec l’Etat du Sénégal sont l’objet de beaucoup de circonspections, le fait est qu’elles sont… signées. Et à moins qu’elles ne soient révisées (si tant est qu’elles puissent l’être), l’Etat a-t-il d’autre alternative que de respecter ses engagements ?

Aussi, lorsque le ministre de l’Environnement, au terme de la rencontre conjointe du 7 juillet 2010, envisage de proposer au chef de l’Etat de « signer un décret délimitant les limites du parc », alors que les textes en vigueur ont déjà réglé le problème, il y a là le risque, comme si l’environnement des affaires n’était pas assez déliquescent, de décourager l’investissement minier au Sénégal.

sudonline.sn

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