Le verbe « révolutionner » a une philosophie occasionnant inquiétude et perplexité. Si on ferme les yeux à son évocation, on risque braver notre postérité.
Pourtant, à la genèse, il a trait à l’astronomie, et désigne le mouvement circulaire d’une planète autour d’une autre. Plus usuellement, nombreux sont les exemples d’emplois positifs d’un mot qui décrit un changement important et rapide, mais pas forcément violent. Même si elle n’a pas été sans bouleversements sociaux, la « Révolution industrielle » a ainsi permis dès le début du XIXème siècle un changement radical dans le mode de vie des populations des pays occidentaux, tout comme la « révolution numérique » a modifié en profondeur notre manière de communiquer et de travailler à l’heure du changement de millénaire.
Une révolution peut donc être – pour autant qu’elle soit choisie et non subie – essentiellement pacifique et positive, et améliorer la qualité de vie de celles et ceux qui la vivent diligemment ou indifféremment.
C’est de ce type-là de révolutions dont a aujourd’hui besoin notre système économique. Une modification fondamentale de ses bases dans un laps de temps suffisamment court pour éviter la catastrophe que le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité et l’épuisement des ressources naturelles font planer au-dessus de nos têtes.
La crise économique qui substitue graduellement à celle sanitaire pourrait bien être l’étincelle de cette révolution, le point de départ d’un chemin qui remettra l’humain et l’environnement dans lequel il vit au centre des préoccupations.
Outre une dépendance aux énergies fossiles, à l’importation et à une croissance à n’importe quel prix qui la rendent non viable à moyen terme, notre économie a vu dévoilées au grand jour de nouvelles et inquiétantes faiblesses : trop grande dépendance vis-à-vis d’une mondialisation mal maîtrisée, faible protection des PME/PMI et de certaines professions pourtant indispensables, ou encore distance croissante entre producteurs et consommateurs.
Si à court terme il urge de limiter les dégâts en venant en aide aux secteurs et aux personnes qui ont le plus souffert, il serait irresponsable de vouloir par la suite tout faire repartir comme avant.
L’économie sénégalaise de demain doit être durable, en ce sens qu’en lieu et place d’une course désespérée aux points de PIB, elle doit avoir pour boussole les limites qui sont celles de la biosphère, garantissant à celles et ceux qui viendront après nous une meilleure qualité de vie dont nous avons pu jouir. Locale, c’est-à-dire privilégiant les circuits courts, la redécouverte de ce qui peut être produit sur place et se passant autant que faire se peut d’intermédiaires. Solidaire, car elle ne doit laisser aucun sénégalais de côté, et permettre à tout le monde de trouver une activité correspondant à ses capacités et à ses ambitions.
Les moyens pour y parvenir sont nombreux : investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, utilisation d’outils alternatifs au PIB pour quantifier le bien-être d’une société, mise en place d’un revenu de transition écologique, relocalisation de certaines activités ou chaines de production, encouragement à la vente directe, notamment dans le secteur agricole…
Ne reste donc qu’à se redresser les sets, et à agir chacun à son niveau pour passer de la théorie à la pratique, et faire repartir sur de plus saines et fortes bases notre économie, afin de la rendre plus résistante aux crises de demain, et en éviter au passage une bien plus importante, celle liée au réchauffement climatique.
Boubacar SYLLA