Dans un monde où les principales informations qui occupent la une des médias nationaux comme internationaux se relaient parfois à la vitesse de l’éclair, il n’est plus étonnant de voir certains événements ayant défrayé la chronique même pendant quelques heures ou quelques jours tomber aux… oubliettes. Mais la ronde incessante continue puisque d’autres phénomènes surgissent pour, aussitôt, les remplacer. Le Sénégal n’échappe pas à cette mode de dimension presque planétaire. C’est ainsi que beaucoup d’affaires ou de cas, pourtant très sensibles, ayant fait couler beaucoup d’encre et de salive dans ce pays ont été aussi vite oubliés qu’ils étaient survenus. Les exemples sont légion pour l’attester. Tiens, dans le brulant dossier du colonel Keita, on nous avait promis, pour ne prendre que ce cas, révélations, radiations, voire condamnations. Tout le monde s’en souvient. Il s’agissait d’une sensible affaire de drogue qui avait, en son temps, secoué le sommet de la police nationale. Puis, plus rien. Le temps a-t-il fait son œuvre salvatrice si on ose dire? Le fait est qu’au bout d’une certaine période on peut constater qu’aucune décision marquante n’a été prise par l’État et la fureur et les bruits des medias ont disparu. Bref, on peut dire autant en emporte le vent! Dans un autre dossier très médiatisé, celui portant sur les révélations contenues dans le livre du colonel Ndao sur la gendarmerie et le fonctionnement de l’État ces dernières années, ce fut, là également, un feu de paille là où l’on s’attendait à voir tomber des têtes ou une remise en question de beaucoup de pratiques au cœur du pouvoir.
En tenant compte de ces reflux dans ces affaires qui secouent la nation par intervalles plus ou moins réguliers, on peut même se risquer de considérer que si l’on n’y prend garde, les meurtres commis sur certains étudiants de l’Université de Dakar, dont on cherche toujours les coupables, vont connaitre un classement vertical –au fond des tiroirs de la froide bureaucratie.
Même au-delà de nos frontières, les analyses post-mortem qui seraient en train d’être effectuées en France pour élucider les circonstances ténébreuses qui entourent la mort brusque et mystérieuse de Maty Mbodj, célèbre mannequin, décédée il y a quelques jours, pourraient se solder par une vaine attente. Car, dans ce cas, la justice pourrait une fois encore prouver sa propension à trainer les pieds quand des personnalités sont impliquées dans les affaires qui lui sont soumises. De fait, si on recensait toutes les affaires judicaires qui ont fait l’objet d’un grand battage médiatique au Sénégal pour ne finir que comme une tempête dans un verre d’eau, la liste serait longue.
Pour étouffer certaines de ces affaires sans que la population ne s’en rende compte, l’État adopte souvent la même posture. S’il ne joue pas avec le temps en utilisant des procédés dilatoires, dans l’espoir que de nouveaux événements viennent faire oublier ceux qui tenaient l’opinion publique en haleine, il adopte une stratégie fallacieuse pour noyer les gros poissons dans ses eaux troubles au moment où les gens se débattent dans les nasses de la dépense quotidienne pour faire face aux difficultés de la vie. Il arrive parfois cependant que l’État veuille agir. Mais en ayant peur d’affronter les gros bonnets impliqués dans certains cas. On ne reconnait plus alors cet État, d’habitude si prompt à « envoyer à l’échafaud » une frange de la population, de s’en prendre à ces laissés-pour-compte qui n’ont ni la force ni les moyens financiers de passer entre les mailles du filet de la justice.
Seule une opinion publique consciente et éprise de justice est capable de faire changer l’attitude de ceux qui nous gouvernent. Car comme disait Abraham Lincoln : « L’opinion publique est la clé; avec elle, rien ne peut faillir; sans elle, rien ne peut réussir…. ». Mais quand la plus grande préoccupation de la majeure partie de cette opinion publique est confrontée à la résolution de ses besoins élémentaires, il est peu probable qu’elle s’insurge contre ce système inique.
Bosse Ndoye
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Montréal