Se faire consulter par un gynécologue, un véritable tabou sous nos cieux. Au Sénégal, les femmes rechignent à aller chez le gynécologue. Pour les hommes, il en est hors de question : on ne touche pas à leurs femmes.
C’est quoi la gynécologie ?
Etymologiquement, la gynécologie est la science de l’étude de la femme. C’est une spécialité médico-chirurgicale qui s’occupe de la physiologie et des affections du système génital de la femme. Le médecin spécialisé pratiquant la gynécologie s’appelle un gynécologue. Dans la plupart des pays, les femmes doivent consulter un généraliste. Si les circonstances exigent des connaissances ou un équipement dont ce dernier ne dispose pas, elles sont dirigées vers un gynécologue.
Les principaux instruments de diagnostic sont l’histoire clinique et l’examen. L’examen gynécologique a ceci de spécial qu’étant tout à fait intime, il implique un instrument spécial : le spéculum. Ce dernier consiste en deux lames à charnière en métal poli, qui est employé pour ouvrir le vagin et permettre l’examen du cervix uteri. Les gynécologues peuvent aussi procéder un examen à deux mains (une main sur l’abdomen, deux doigts dans le vagin), pour palper l’utérus et les ovaires. [xalima] Ils peuvent être amenés à faire un examen rectal. Des gynécologues hommes ont souvent une assistante féminine (une infirmière ou une étudiante en médecine) pour ce genre d’examen. Des ultrasons abdominaux s’emploient normalement pour confirmer l’examen à deux mains.
Le dilemme des patientes
Au Sénégal, on ne dénombre que 125 gynécologues, dont la plupart officient en milieu urbain. Seulement, cette consultation médicale comporte des problèmes pour les Sénégalais. N’ayant pas l’habitude de se faire consulter par ces médecins, les Sénégalaises sont réticentes, quant à aller consulter un gynécologue. Pour leurs maris, il est hors de question. Un homme ne consulte pas et surtout ne touche pas à leurs femmes. Rencontré dans les rues de la Médina, cette quinquagénaire explique qu’être consulté par un homme dépend de la religion et de la foi. «Moi, en tant que musulmane, il est hors de question de prendre un homme. J’ai pris une femme en privé qui coûte plus cher, mais qui se déplace au moment de l’accouchement et donc je suis à 100% sûr que ce soit une femme», assure Mme Aïssatou Diop, presque à terme. «Mais ça, c’est un choix personnel bien sûr ! Eh bien, je pense que l’efficacité n’a rien à voir avec le sexe», explique Sylvie Kantousan, la trentaine dévolue. Rencontrée au marché Tilène, elle estime que les hommes sont généralement plus doux lorsqu’il est question du toucher vaginal lors du suivi de grossesse. Ils ont peur de faire mal aux femmes ou je ne sais quoi ; en tout cas, ils y vont toujours doucement.
«Par contre, les gynécologues femmes, je ne sais pas pourquoi, c’est comme si elles se disent, bah, il n’y a rien là et sont souvent plus brusques dans leurs mouvements», explique-t-elle.
«Pour ma part, c’est hors de question ! trop de pudeur ! Après tout, l’Islam interdit de se faire ausculter par un homme. Une femme, c’est mieux !», souligne ce vendeur de fruits. Abdoulaye Barry ne comprend pas pourquoi ce métier est ouvert aux hommes. «Je ne sais pas, mais personnellement, je pense qu’une femme est plus à même de se confier à une femme pour ses problèmes de santé à ce niveau-là ! Même sur le plan de la pudeur, c’est bien moins gênant de se montrer et de se confier à une gynéco femme, bien entendue», fait-il savoir. «En dehors de la religion, poses-toi la question de savoir est-ce que ça ne te gêne pas d’écarter les jambes devant un homme», rétorque son voisin. «Moi, si j’ai fait le choix de prendre une gynéco femme au lieu d’un homme, c’est simplement par pudeur», s’exclame Christiane Sané, venue acheter des fruits.
Le discours masculin
Toutefois, pour cet homme trouvé dans le hall de l’institut d’hygiène social de la Médina, la religion n’a rien à voir avec la santé. «Arrêtons de faire de l’Islam une religion de « pensée mal placée »», rétorque-t-il. Avant d’ajouter : «Comment une femme qui a un peu de dignité ose-t-elle écarter les jambes devant un homme autre que son mari… Donc c’est voulu. Elles n’ont qu’à assumer.»
Tout le contraire de ce jeune garçon qui pense qu’un gynéco homme est, à la base, un vicieux. «Je ne me fais même pas d’illusion sur ce genre de personne et son comportement vis-à-vis de sa clientèle féminine. Une femme doit consulter une femme et un homme doit consulter un docteur homme… Aux maris de refuser que leurs femmes consultent un docteur homme qui les oblige à se déshabiller et à se laisser enfoncer des doigts dans leurs parties intimes.» Selon lui, une femme qui se fait violer chez un gynéco homme a une part de responsabilité dans cette situation… Elle doit porter la faute au même titre que l’homme qui a commis l’acte.
«Les gynécologues ne sont-ils pas des produits de notre société comme toutes les autres corporations professionnelles», se demande Abdou Fall, instituteur de son état. Pour lui, autant on trouve des vertueux et des ingrats dans la société, autant on trouvera dans les mêmes proportions des gynécologues intègres et d’autres vicieux ; idem pour les enseignants, les ouvriers…
«Le plus important, c’est de bien choisir son gynécologue. Personnellement, on ne m’a jamais rapporté de cas où un accoucheur traite de façon dégradante, violente psychologiquement, voire inhumaine, une accouchée. Ce n’est pas le cas chez certaines accoucheuses : on rapporte des comportements indignes du corps médical et des quolibets classiques comme : ‘’Ne nous tympanise pas maintenant, puisque quand tu concevais cet enfant tu y trouvais du plaisir’’. Ce qui me pousse à croire qu’au moment de l’accouchement, les hommes sont plus miséricordieux envers les accouchées que les femmes», fait-il savoir.
Le poids de la religion
Dans la religion musulmane, la consultation d’une femme par un gynécologue est formellement interdite. Selon l’islamologue Taïb Socé, dans le cadre de vie musulman, cela n’est pas permis. C’est pourquoi, à l’en croire, l’Islam forme des gynécologues femmes pour prendre en charge leurs semblables. Selon lui, tout ce que l’Islam recommande est basé sur des fondements clairs. On y trouve des solutions. D’ailleurs, il raconte que le Prophète Mohamed (Psl), un grand conférencier, discutait de tout dans la société musulmane. Et il raconte qu’il lui arrivait que les femmes lui posent des questions sur leur vie intime. Et pour ne pas trop entrer dans les détails, le Prophète préférait enseigner à Aïcha pour qu’elle puisse, ensuite, expliquer aux autres femmes. D’ailleurs, estime M. Taïb Socé, ce n’est même pas bon pour un homme de consulter la femme d’autrui. Pour lui, l’homme est comme un animal. Son instinct le guide sur des choses parfois pas du tout catholiques.
Le poids de la tradition
Selon certains us et coutumes, une femme ne doit pas se déshabiller devant un étranger, explique une dame. La pauvre a refusé de se faire consulter parce que tout simplement, elle n’a pas eu l’autorisation de son mari. «Je ne peux pas le faire, sans l’aval de mon mari», explique la quadragénaire. Trouvée dans un hôpital de la place, elle explique qu’elle a des problèmes au niveau de ses parties intimes et ne peut que s’adresser au seul gynécologue de cet hôpital. Mais elle a peur. Quant à aller voir une femme dans le privé, elle soulève le problème de moyens. «Dans les cliniques privées, les consultations sont trop chères. Je n’ai pas les moyens», ajoute-t-elle. «Je ne compte pas me déshabiller devant un homme. C’est impensable. Même pour me doucher, je mets une serviette sur moi. Je préfère m’habiller pour que certaines parties de mon corps ne paraissent pas. A plus forte raison devant un inconnu», tel est le récit de Khoudia, cette mère de trois bout de bois de Dieu.
C’est de l’ignorance Pour le docteur Sangharé, gynécologue- obstétricien, ils ne sont pas nombreux les hommes qui pensent ainsi. Seulement, c’est par ignorance que ces derniers se comportent de la sorte, dit-il. Pour le gynécologue, c’est vrai qu’ils sortent l’argument de la religion, mais cela n’est pas vrai. Il m’arrive, raconte-t-il, de rencontrer des hommes qui sont réticents, mais c’est leur femme qui s’imposent. Au finish, ils tombent d’accord. Pour le Dr Sangharé, ils ne savent pas que la médecine évolue.
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