Les gouvernements qui se sont succédés n’ont pas réussi à amorcer une transformation de l’économie sénégalaise pour passer à une prédominance secondaire.
Les trajectoires peuvent varier, car chaque pays, dans son processus de développement, suit des étapes dictées par des facteurs intrinsèques avec une phase intangible, indépendamment des spécificités : l’industrialisation
Il est d’un commun accord que l’industrie est un fort accélérateur de la création d’emplois et par ricochet stimule la consommation.
La structure des contributeurs au PIB, montre un paradoxe notoire qui en dit long sur le modèle économique sénégalais, avec le secteur tertiaire qui représente 60%, le secteur secondaire, soutenu par les activités extractives, qui est à 24% et le secteur primaire, porté par l’Agriculture, contribuant à 16%.
Notant au passage que malgré un taux de croissance de 5.2% en 2019, le sénégalais lambda ne ressent pas cette performance. Cet état de fait est expliqué en partie par la fuite des capitaux, car les investisseurs étrangers représentant l’essentiel des capitaines d’industrie, mais aussi par un secteur industriel à l’agonie. Ce dernier est pourtant un facteur prépondérant à la productivité du travail, mais ne représente que 18% de la population active.
Le secteur tertiaire, malgré sa forte contribution au PIB, n’aide pas à résorber le chômage.
Dans les premières années de l’indépendance, le Sénégal était pourtant le premier pays francophone le plus industrialisé pour finir en chute libre aujourd’hui.
Selon l’ANSD (l’agence nationale de la statistique et de la démographie, 2015), le tissu économique sénégalais est dominé par les petites et moyennes entreprises qui représentent 85% versus 10% pour celles de grande taille ; ceci expliquant la fragilité du secteur industriel sénégalais.
Trois programmes majeurs se sont succédés pour booster le secteur industriel, sans résultats probants.
Le premier fut la nouvelle politique industrielle, qui opérait sur trois leviers principaux : la suppression des barrières douanières, le renforcement de la compétitivité de l’industrie sénégalaise et le redressement rapide du secteur manufacturier. Hélas les partenaires au développement ont poussé à un changement de stratégie du gouvernement du Sénégal avec moins d’appui sectoriel qui entraina la suppression de milliers d’emplois.
La politique de redéploiement industriel a succédé au programme précité et devait assurer un maillage étroit et une modernisation du secteur industriel. Ce fut un échec suite au manque de mesures d’accompagnement !
Enfin Le plan Sénégal émergent dans sa composante industrielle, vise le développement des infrastructures, du transport, de la compétitivité du secteur industriel avec un ancrage à l’agriculture et l’augmentation de la valeur ajoutée du secteur secondaire.
Dans ce sens le programme de partenariat pays entre l’ONUDI et le Sénégal, prévoit un financement de 4,5 millions de dollars. En tout état de cause, il faut noter que le PSE tarde à porter ses fruits sur le développement du tissu industriel.
Un certain nombre de viatiques est nécessaire à l’Etat et aux industriels pour le développement du secteur secondaire :
Conjuguer industrie et développement durable : oui cela est nécessaire pour une compétitivité pérenne. L’Etat doit stimuler le développement d’une économie circulaire versus horizontale. Cela permettrait un meilleur impact sur la communauté, mais aussi une optimisation des coûts de matières premières pour les industriels. L’Etat pourra assurer des facilités devant permettre l’investissement nécessaire dans ce sens.
Taux d’utilisation optimale des moyens de production : beaucoup d’industries sénégalaise souffrent d’une sous-utilisation des capacités de production avec des coûts fixes exorbitants y afférents. Cela impacte directement la compétitivité. Il convient pour les industriels, d’assurer une agilité incluse dans la culture d’entreprise et des structures pour une diversification des produits, justifiée par une synergie.
Réinventer le système éducatif : dans le cycle fondamental, le taux d’achèvement est de 40%, le bus scolaire aura laissé en rade beaucoup de nos enfants. Ces derniers sont pourtant recyclables au niveau des formation d’apprentissage ou professionnalisantes. Le secteur industriel pourra aussi y contribuer en accueillant les apprenants, en renforçant la formation continue de ses employés, mais aussi en poussant l’Etat à adapter le système éducatif aux stratégies sectorielles.
Le développement du numérique et des nouvelles technologies, est primordial pour assurer une compétitivité industrielle
Inverser une consommation extravertie : il est à noter que le sénégalais a une préférence notoire aux produits étrangers ; la mondialisation est certainement passée par là. L’autre facteur expliquant cette situation concerne la concurrence déloyale imposée par un secteur informel constitué principalement d’importateurs, avec une fraude notoire sur certains produits, qui reviennent plus compétitifs.
L’Etat doit renforcer les contrôles sur les importations et faire la promotion du « consommer local ».
Alignement intérêts dirigeants et actionnaires et stratégies adéquates :
Beaucoup ne le savent pas, mais d’innombrables industries sont confrontés à un manque d’alignement entre les dirigeants et les actionnaires. Les dirigeants ont tendance à vouloir diversifier leurs produits ou services, sans une analyse en profondeur et sous prétexte d’une dilution du risque. Que nenni !
L’objectif principal doit rester la maximisation de la valeur créée. Lier ensemble plusieurs secteurs, qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, n’améliorera pas les économies d’échelle. Une telle stratégie n’est justifiée que s’il y’a des synergies (Produire deux choses simultanément reviendrait moins couteux que de les produire séparément
Il convient alors d’adopter la charte de gouvernance pour mettre en adéquation les intérêts des parties prenantes.
La stratégie de différenciation, augmentant la valeur perçue du client et proposant une offre qui ne peut être directement comparée au standard, est en général adaptée aux faibles volumes et faibles parts de marché tandis que la stratégie de domination des coûts est adaptée aux économies d’échelles.
L’intégration en amont et en aval permet à une entreprise d’être à la fois son propre fournisseur et distributeur. Cette stratégie est adaptée aux produits à forte valeur ajouté et permet d’avoir la main sur toute la chaine de valeur. Elle n’est pas sans conséquence car même si la structure en amont n’est pas compétitive, l’entreprise devra continuer à acheter auprès de sa filiale, ce qui constitue un risque sur la compétitivité.
Ce qui précède constitue juste quelques exemples de stratégies pouvant être adoptées par les industriels
Accès au crédit : l’Etat doit soutenir et garantir les emprunts des industriels. Ces derniers en ont grand besoin pour survivre et s’adapter aux mutations incessantes du marché. Le Fongip et le Fonsis ont encore un grand chantier d’amélioration devant eux.
Politique d’amélioration continue : la culture de l’amélioration continue est un facteur clé de succès reconnu par les grandes multinationales. Elle repose essentiellement sur trois leviers (technique, performance, Etat d’esprit/comportement).
Le levier technique visant à améliorer la productivité, le levier performance mettant en place des indicateurs clés et le levier état d’esprit et comportement qui prend en compte les préoccupations des employés.
Couverture nationale du tissu industriel : il appartiendra à l’Etat d’assurer un maillage national du tissu industriel en adaptation des structures économiques locales
En conclusion, le développement du tissu industriel repose sur un triangle à trois acteurs principaux : l’Etat, la communauté y incluant l’environnement et les industriels avec les ressources humaines représentant son centre de gravité. Toute politique visant son essor doit se faire, en considérant les intérêts communs entre parties prenantes.
Abib DIOP, spécialiste en Stratégie d’entreprise, Chef de département maintenance
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